Nos peurs
« Vous avez remarqué ? Nous passons notre vie à avoir peur. Ça commence dès le début. Quand le bébé sort des entrailles de la mère, il hurle de terreur. »
« Il y a de quoi… »
« Ensuite, il faut dormir dans le noir. Moi, je regardais tous les soirs sous mon lit pour m’assurer qu’aucun monstre n’aurait la détestable idée de me dévorer dans la nuit. »
« C’est vrai, après il y a la crainte de l’instituteur qui ne manque pas d’être désagréable pour une petite leçon mal apprise. »
« Plus généralement, l’enfant a peur de tous ceux qui ont la prétention de lui apprendre la vie : les parents, l’instit, les profs, les curés… »
« Et ne parlons pas de l’adjudant-chef quand le jeune homme passait au service militaire. »
« Bien entendu, la scolarité est parsemée d’embûches que l’adolescent redoute. Le bac par exemple. 80 % des élèves le décrochent. La trouille de figurer parmi les 20 % restants est d’autant plus forte ! »
« Après, on aborde le top des peurs obligatoires. La peur du chômage. Il faut être bien sage, bien obéissant à l’Autorité. Sinon, hop ! Chômage. Et une fois qu’on y est, on traine avec soi la hantise de ne pas retrouver d’emploi. Elle finit par s’inscrire sur votre visage de sorte que vous découragez des employeurs éventuels. »
« Vous avez raison. Et à supposer que le jeune homme qui commence à vieillir surmonte cette épreuve, il tombe directement sur la crainte de la maladie. Un must. On a le choix entre l’hypertension, la dépression, l’infarctus… »
« Quand par hasard, l’homme obtient un emploi, le voilà dans la hantise de déplaire à la hiérarchie qui a tout pouvoir pour le renvoyer d’où il vient. Cette peur se combine d’ailleurs très bien avec celle de se détester soi-même, s’il se rend compte qu’il n’est pas capable de résister à la pression des chefs ! »
« Chemin faisant, on se marie parce que ça se fait, mais on craint de le faire puisqu’un mariage sur deux ou sur trois se finit par un divorce. Autrement dit, on se précipite tête baissée dans les problèmes, on supplie en tremblant les dieux pour qu’ils vous les évitent et on les a quand même ! »
« Je vous raconte pas la trouille qui nous saisit dès qu’on fait des enfants. Au début, on imagine qu’ils vont attraper toutes sortes de maladie. Dès qu’ils marchent, on est obligé de courir après pour éviter qu’ils tombent. A l’école, on a peur qu’ils fassent partie des nullards. Plus tard, on leur fait un petit peu peur avec le chômage pour qu’ils cherchent à l’éviter … ça n’en finit pas. »
« Il ne faut pas compter sur un moment de répit. Quand arrive le vieillissement, l’être humain a forcément peur de sa fin. C’est qu’il est tellement fier d’avoir eu peur toute sa vie qu’il a du mal à penser que ça puisse finir. Et puis, à dire vrai, il a surtout peur de souffrir. »
Il est donc impossible de vivre sans peur?
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