Une question d’échelle
« Le bonheur absolu n’existe pas. D’ailleurs le malheur absolu n’existe pas non plus. »
« C’est exact. On est toujours heureux ou malheureux par rapport à un être réel ou le plus souvent imaginaire, et cette entité imaginaire est formatée par la télé, la mode, les voisins etc… »
« C’est d’ailleurs pour ça que l’homme vit en collectivité, à cause de ce besoin de se positionner sur l’échelle bonheur/malheur. »
« C’est exact. Imaginez un être humain enfermé dès sa naissance dans une cellule et coupé de tout. Il deviendrait fou ! »
« Tout à fait, cher ami. On a tous besoin de se comparer pour savoir qui on est. L’individu qui s’estime hors de la question du bonheur ne sait pas qui il est et mourra donc complètement idiot. »
« En même temps, puisque le bonheur absolu n’existe pas, nous sommes des perpétuels insatisfaits. »
« Donc, j’en déduis que nous avons le choix entre être fous, idiots ou insatisfaits ! C’est gai ! »
« En gros, c’est ça. Moi je préfère être insatisfait, c’est bon pour l’économie puisque il faut trouver des produits nouveaux pour accroitre mon degré de satisfaction. »
« Moi aussi, je préfère être insatisfait. Les insatisfaits auront toujours la satisfaction de progresser dans l’échelle de l’insatisfaction. Tandis que quand on est fou ou idiot, on ne voit pas bien où sont les marges de progression. »
« Vous avez raison. Mais pour devenir moins insatisfait, il faut que les autres ne progressent pas puisque la satisfaction se mesure en termes relatifs. Je vous prends un exemple pour que vous compreniez bien. Vous vous payez les vacances dont vous rêviez en Patagonie. A priori, vous êtes content, votre niveau de satisfaction augmente. Sauf que si l’année suivante, toutes vos connaissances se précipitent en Patagonie, vous vous retrouvez à votre niveau de départ, puisque vos vacances de rêve sont finalement les vacances de tout le monde ! »
« En effet, c’est gênant. Pour bien faire, il faudrait que je parte dans un endroit interdit à tout le monde sauf à moi. De même, il faudrait que la bagnole que je viens d’acheter soit un modèle unique pour que je sois le seul à le posséder. Mais les constructeurs ne sont pas vraiment d’accord. »
« Il y a donc une difficulté réelle à s’élever dans l’échelle du bonheur. Et quand on gravit un échelon, on n’est jamais sûrs de ne pas en être délogé par les autres qui vous poussent par derrière. »
« Ne reste-t-il pas le sentiment, pour être heureux ? Quand vous rencontrez l’homme ou la femme de votre vie, ne montez-vous plusieurs échelons d’un coup ? »
« Euh… même ça, ce n’est pas sûr ! Au bout de deux ou trois ans, vous pouvez redescendre brutalement, si vous voyez ce que je veux dire ! »
« Bon, c’est compliqué. Tout compte fait, je me demande si ce ne serait pas plus simple d’être idiot ou fou. »
« C’est vrai. On ne peut pas retomber plus bas. »
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