La tête et le corps
25 septembre, 2014« On pense souvent que c’est la tête qui commande au reste du corps. Eh bien, parfois ça ne marche pas comme ça. C’est plutôt l’inverse. »
« Ah bon ? Comment ça, Maître ? »
« Quand je suis avachi sur mon fauteuil, mon corps se sent tellement bien qu’il résiste aux injonctions de ma tête. En plus, comme ma tête pense à tout ce que je devrais faire et que mon corps n’a aucune envie de faire, je suis frustré. »
« Mais quand même, la tête décide souvent ! Par exemple, si elle décide de prendre une douche, le corps suit ! »
« Euh, il suit parce qu’il se souvient que c’est agréable de prendre une douche. Mais si la tête décide de sortir sur la pluie, le corps va faire un tas d’histoires jusqu’à tomber malade. »
« Mais… j’insiste sur le fait que le corps ne s’agite pas sans ordre de la tête. »
« Certes, mais il cherche à reprendre le dessus. Par exemple quand je cours, j’ai bientôt des sensations douloureuses, le souffle court, un point de côté et mon corps finit par se demander pourquoi il court. Trouvant l’ordre de la tête inhumain, il se révolte et s’arrête. »
« Vu comme ça, évidemment… Mais on peut aussi penser que le corps et la tête agissent en parfait accord. »
« Oui. Quand je vois un chou à la crème appétissant dans la vitrine de la pâtissière, tout le monde est d’accord pour entrer et se le jeter dans le gosier. Mais il arrive que la tête dise non. Un dur combat s’engage que le corps peut gagner. L’individu se culpabilise, mais le corps a vaincu la tête. »
«La tête peut gagner aussi … »
« Oui, mais le corps continuera le combat à la prochaine occasion. Il est très têtu. Et il finira par l’emporter, parce que s’il est trop frustré, il se vengera autrement. En grossissant exagérément pas exemple pour se faire remarquer. »
« Si je comprends bien, Maître, il vaut mieux, de temps en temps, laisser la victoire au corps pour lui faire croire que c’est lui qui commande, même s’il ne gagne pas. »
« Oui, c’est ça. Le corps ne dispose pas de l’intelligence de la tête, il faut donc qu’il gagne autrement. Laissons-le l’emporter pour qu’il ne sente pas méprisé. Le corps a de l’amour-propre et du quant-à-soi. »
« Il ne faudrait quand même pas qu’il abuse de notre bonté. »
« Vous avez raison, si c’est le corps qui gagne toujours, nous redescendons au niveau de l’animal, et peut-être même en dessous. Nous devenons bêtes à tous les sens du mot. Vous comprenez ? »
« Le mieux, n’est-ce pas quand le corps et la tête sont d’accord pour ne rien faire ? »
« Ça s’appelle dormir. Mais même là, il y a combat. La tête imagine que le corps fait des choses, c’est le rêve. Mais le corps peut faire d’autres choses sans autorisation de la tête, c’est du somnambulisme. »