Archive pour le 21 septembre, 2014

Moi, mon image et les autres

21 septembre, 2014

« Pourquoi, mais pourquoi est-ce que j’attache autant d’importance à mon image en société ? Il y a quand même des choses beaucoup plus importantes sur Terre : la guerre au Moyen-Orient, la faim dans le monde, la pollution… Et moi qui la ramène à tout bout de champ comme si rien n’était… »

« Ne vous inquiétez pas : tout le monde en fait autant. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. »

« Ou, mais enfin… Je ne peux pas pénétrer dans une pièce sans dire n’importe quoi pour attirer l’attention sur moi. Quand je suis tout seul, je sens bien que je suis malheureux : je ne peux tout de même pas faire le malin pour fixer ma propre attention. »

« Il faudrait consulter. Tous les gens qui se posent trop de questions finissent par aller chez un psy pour les aider. »

« Il faudrait surtout que j’arrête de me croire indispensable. Je pourrais faire don de ma personne à la France. Sans espoir de retour. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

« Surtout pas ! Vous allez aggraver votre maladie. Vous allez vous prendre pour un héros, votre égotisme s’en trouvera amplifié. Votre image sera encore plus valorisée. Tout le pays va vous admirer. »

« Vous avez raison. C’est embêtant. »

« Il faudrait que vous arrêtiez de penser à votre image et de toujours faire le malin en société, mais sans que ça se sache. »

« Comment faire ?  Je pourrais écouter ce que les autres disent, boire leur parole, les féliciter pour la pertinence de leurs interventions ? »

« Oui, c’est ça. Et puis si vous pouviez ajouter que vous n’avez rien à dire qui soit aussi intéressant que ce qu’ils disent, et qu’en règle générale, vous n’êtes qu’un pauvre hère sans aucune culture indigne d’intérêt, ce serait bien. »

« Résumons-nous : si je veux arrêter de me valoriser excessivement  à la moindre occasion, le seul choix qui me reste c’est de me dévaloriser. »

« Ou alors de valoriser les autres, ce qui revient au même. »

« Je pourrais tout de même essayer de rester dans la moyenne : le type qui n’en fait pas trop, mais qui a quand même un petit peu de quant-à-soi. »

« C’est compliqué. Vous allez passer pour un instable. On ne saura jamais sur quel pied danser avec vous : à quel moment allez-vous faire une crise d’amour propre ? A quel moment pourra-t-on vous traiter comme quantité négligeable ? Mettez-vous à  la place des autres, ce n’est pas très sécurisant ! »

« Et si, je n’avais d’amour-propre que certains jours, le week-end par exemple ? »

« Vous allez vous compliquer la vie. C’est difficile d’avoir une très bonne image de soi en faisant le ménage dans ses toilettes ou en faisant la queue au supermarché. Au bureau, c’est plus facile de la ramener en se donnant l’impression d’être indispensable. »

« Bon d’accord ! Je préviens les autres : je vais être infect de suffisance le lundi et le mardi. Le reste du temps, je me foutrais de tout et d’abord de l’impression que je leur fais, et je m’occuperai de la guerre dans le monde. »