L’imbécile est-il heureux ?
20 septembre, 2014« Pourquoi est-ce que je me pose tant de questions sur la vie ? C’est agaçant ! Il me suffirait pourtant de me laisser vivre tranquillement. »
« Ne vous inquiétez pas, on en est tous là. Pourquoi sommes-nous sur Terre ? Pour combien de temps ? Quel est le sens de tout ça ? »
« Ah bon ? Vous aussi ? Comment ça se fait ? »
« Il faut dire que l’Etre Humain est une drôle d’exception. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas d’autres exemples dans l’Univers. Pas d’autres entités assez intelligentes pour réfléchir sur la finalité de leur propre existence. »
« C’est vrai. Nous avons le don d’une intelligence puissante, mais en même temps angoissante. C’est diabolique. »
« Euh… je ne suis pas sûr que le diable y soit pour grand-chose, mais il doit se frotter les mains à nous voir nous débattre dans nos contradictions. »
« C’est sûr. Personne n’a donné d’objectif à nos existences. Pour s’en sortir, on est obligé de se fabriquer nous-mêmes des objectifs et de se démener pour y croire fermement. C’est un jeu de dupes parce qu’on perd à tous les coups. Quand je n’atteins pas mes objectifs, je suis déconsidéré et lorsque je les atteins, je suis frustré parce que je n’ai pas eu le temps de m’en préparer un autre. Je suis malheureux dans tous les cas. »
« Le mieux est de ne pas transformer vos objectifs en religion. Les atteindre ou pas, ce n’est pas aussi important que ça. »
« Mon chef de service n’est pas tellement de cet avis. »
« Le monde de l’entreprise, c’est le Monde tel que nous voudrions qu’il fonctionne avec des chefs de meute qui donneraient des ordres et nous, les loups de base, qui aurions le seul souci de les exécuter en nous laissant mener vers le destin que les chefs ont choisi pour nous. »
« Euh… c’est un peu subversif ce que vous dites. Je pourrais en déduire qu’il faut lever l’étendard de la révolte. »
« Et alors, ça ne vous convient pas la révolte ? »
« Pas trop, moi j’ai aussi envie de vivre tranquillement et pour vivre tranquillement, il faudrait que j’arrête de me poser des questions existentielles, surtout si elles débouchent sur l’étendard de la révolte. Vous n’auriez pas une théorie qui permettrait de vivre sans souci, sans réfléchir à son propre sort ? »
« Euh… c’est compliqué. Même la vache qui est apparemment un animal paisible, est stressée en allant à l’abattoir. »
« Euh… oui, mais là, c’est son instinct qui commande. Moi je voudrais vivre sans réflexion existentielle et si on pouvait aussi m’enlever mon instinct ou ma capacité d’anticipation, ce serait pas mal. »
« Alors là, je ne vois qu’une solution : celle de vous greffer une cervelle d’imbécile. Ne parle-t-on pas des imbéciles heureux ? »
« D’accord, c’est combien ? »