Nos démons
16 septembre, 2014« J’ai l’impression, qu’au fond de mon être, j’ai quelque chose à dire sur quoi je n’arrive à mettre des mots. C’est assez frustrant. »
« Ce sont vos forces de créativité, certainement. On a tous quelque chose à apporter au monde. Encore faut-il le découvrir. Il y en a qui passe à côté de leur potentiel pendant toute une vie. Vous avez essayé le sport ? »
« J’ai toujours été dispensé de gym au lycée. Alors le sport… Même quand je joue à la pétanque, j’ai la sensation de ne pas utiliser toutes mes facultés de concentration. »
« Et la peinture ? »
« J’ai produis des barbouillages affligeants de nullité. Je n’ai pas d’inspiration. J’en suis toujours à essayer de reproduire une maison provençale au milieu d’un champ de lavande. »
« Et la littérature ? »
« Catastrophique. J’ai rédigé un livre. Je n’arrive même pas à le relire moi-même. C’est effarant de platitude. J’y ai mis toute l’eau rose dont je disposais. »
« Il faut vous lâcher. Vous n’exprimerez rien si vous ne vous mettez pas dans un état second, proche de la folie douce. C’est là que vous trouverez de l’inspiration. »
« Bof… quand je chantonne pour me détendre un peu, ça énerve Ginette. »
« En fait, les forces obscures que nous portons en chacun de nous et qui sont si difficiles à exprimer, c’est tout simplement l’envie d’être aimé pour ce que nous sommes. Votre mas provençal au milieu de la lavande ne vous satisfait pas parce qu’ils sont nuls au plan technique, mais aussi et surtout parce que ce n’est pas vous, et que personne n’admirera un truc qui ne vous ressemble pas. »
« C’est profond ce que vous dites là. Il faut donc découvrir ce que l’on est avant de le restituer. Mais si je suis le diable ? »
« C’est bien le problème. En général, les gens évitent de se demander qui ils sont de peur de trouver plusieurs personnes et notamment de se trouver en présence d’une personne satanique. Ceci dit, sur le plan de l’expression des sentiments enfouis, le diable est un très bon moteur. Si vous n’êtes pas diabolique, on vous aimera moins, vous serez moins intéressant pour les autres. On ne fait pas de peinture ou de littérature avec de bons sentiments. Si Picasso ou Dali n’avaient pas été agités de pensées déviantes, ils n’auraient pas été Picasso ou Dali. Si j’ose dire, il faut être assez malin pour découvrir le Malin qui est en nous.»
« Bon, je vais essayer de parler à mon diable. Je ne sais pas si Ginette va être d’accord. »
« Euh… c’est pas grave. Elle sera peut-être ravie de découvrir votre originalité. N’oubliez pas que si vous déchainez les forces cachées de votre créativité, vous pouvez vous attendre à tout. Vous pouvez produire un livre ou un tableau qui ressemble aux flammes de l’enfer, ou alors quelque chose qui décrit la routine des jours. La peinture ou la littérature du banal, ça existe aussi ! »
« Donc, il faut être original, mais pas trop. »
« L’important, c’est d’avoir un regard. Certains ont même transformé en œuvres d’art des choses apparemment laides pour ceux qui n’ont pas déchainé les forces diaboliques qu’ils portent en eux. »
« Euh… Je crois que je vais commencer par améliorer ma maison au milieu de la lavande. Mon démon personnel ne me parle pas beaucoup en ce moment. »