Le français est sportif
14 septembre, 2014« Ah… le Tour de France, c’est plus comme de mon temps. A l’époque dont je parle, le tour de France se passait en France et il y avait encore de français capables de le gagner. »
« Il faut vous réveiller mon vieux, le Tour de France se mondialise comme le reste ! »
« Et alors ? Ce n’est pas une raison pour ne plus le gagner. Dans les années soixante, c’était toujours Darrigade qui gagnait la première étape au sprint. On était tranquille. Maintenant, c’est un norvégien ou un danois au nom imprononçable. »
« Je vois ce que c’est : Monsieur est xénophobe. »
« Euh… non, je constate simplement que lorsque les français savaient se débrouiller sur leur vélo, le Tour connaissait plus d’épopées qu’aujourd’hui. »
« Vous trouvez ? A la fin, c’est toujours Anquetil qui gagnait. »
« Oui, Anquetil, c’était comme le grand Momo dans la cour de récréation de mon école élémentaire. Il faisait régner sa loi quoiqu’il arrive. C’était agaçant, mais ça permettait à la classe de bien vivre. Il y avait ceux qui se mettaient sous la protection du grand Momo pour être tranquilles, même s’il fallait parfois le gaver de chewing-gum. Et puis ceux qui se tenaient à l’écart, en espérant que Momo trouve un jour à qui parler, mais sans le dire trop fort tout de même. »
« Et ce jour est arrivé avec Gus dit Poulidor. »
« Euh… oui et non. Certes, il s’est montré capable de tenir tête à Momo, mais c’est quand même Momo qui gagnait. Poulidor emportait la seconde place toute notre sympathie. C’était comme le combat de David et Goliath sauf que c’était toujours Goliath qui gagnait. »
« C’est extraordinaire. Pour que les gens se sentent vive, il faut toujours leur offrir le spectacle d’un affrontement. »
« Mais il n’y avait pas qu’Anquetil et Poulidor. Il y avait aussi les espagnols qui faisaient ce qu’ils voulaient dans la montagne. Et les Belges qui s’entêtaient à disputer la première place d’étape à nos sprinters préférés. Maintenant, ce sont les français qui essaient de disputer les premières places avec un succès mitigé. Les reporters sportifs en sont réduits à s’étrangler d’émotion lorsqu’un français se place dans les dix premiers. »
« C’est bien ce que je dis : vous n’aimez pas les étrangers. »
« Si, mais j’aime bien gagner. Je suis sûr que vous n’auriez pas renâclé devant une victoire de l’équipe de France en coupe du monde de foot. »
« Euh… non, mais je sais reconnaitre la valeur de l’équipe gagnante. »
« C’est ce qui nous distingue. Vous, vous êtes fier de votre sportivité, moi j’aurais été fou de joie à l’idée de hurler comme un imbécile dans la rue. L’espace d’une soirée, je me serai enivré de joie, en agitant des petits drapeaux, comme si c’était moi qui avait gagné quelque chose. Quelque chose qui aurait dépassé de loin la morosité de mon quotidien. »
« Et une victoire des français aux championnat de curling, ça ferait l’affaire ? »
« Vous connaissez leurs noms ?…. Il faut des noms qui puissent se hurler facilement, sinon ça ne le fait pas… »