Les bonnes images
« Je trouve que je n’ai plus beaucoup l’occasion de m’émerveiller. »
« Euh… c’est vrai, je vous trouve un peu blasé. Regardez donc cette vidéo d’un petit nourrisson, tout frais, tout rose qui s’éveille à la vie. N’est-ce pas émouvant cette image ? »
« Non. Quand on sait ce qu’il devient après… J’en ai trois à la maison. Alors merci bien. »
« Bon, alors ? Un lever de soleil sur les gorges du Colorado ? N’avez-vous pas l’impression d’assister à la naissance du monde ? »
« J’ai vu le film à la télé. »
« Alors ? Emu ? »
« J’ai zappé pour regarder le foot sur une autre chaîne. »
« Evidemment dans ces conditions, vous n’êtes pas prêt à vous enthousiasmé pour quelque chose. Et un bon film romantique ? Ça ne vous remue pas ? »
« Non. Je vais au cinéma surtout pour les comédies pour pouvoir me marrer. »
« Bon, je vois. On va faire plus simple. Le Tour de France qui sillonne les paysages riants de notre beau pays au milieu de foules populaires et vibrantes aux exploits des champions, ça, ça doit vous passionner ! »
« Vous rigolez ! Il n’y a plus un français pour gagner le Tour de France. Et puis de toute façon, ils sont tous drogués. Ce n’est plus un spectacle, c’est un défilé de publicités pour des marques de médicaments. »
« Euh… si rien ne vous émeut, vous allez mal finir. Pour bien vivre, il faut se passionner ! C’est obligatoire ! Essayez au moins de vous remémorer des instants de joie. Quand vous vous êtes marié par exemple… »
« Euh… »
« Ou lorsque votre premier enfant a fait ses premiers pas. »
« Ce n’était pas trop tôt. Il a fallu attendre vingt mois. On ne se rend pas compte, la mère porte l’enfant neuf mois et le père pendant les deux ans suivants… »
« Bien, vous déprimez quoi… »
« Oui, si vous pouviez me conseiller un petit remontant, je vous promets de m’enthousiasmer pour n’importe quoi. Le ruisseau qui coule chez ma belle-mère. Ou la victoire d’étape d’un danois inconnu au bataillon. »
« Euh… je n’ai pas de paradis artificiel à votre disposition, ce n’est pas comme ça que ça marche ! »
« Vous voyez dans quelle mélasse vous me mettez, vous me faites rêver à des images extraordinaires et puis après, vous me faites redescendre sur Terre. Bon… il faut que j’aille bosser. Je vais essayer de me pâmer d’émotion pendant les réunions de service de Dugenou. Ça va être le pied ! »
« Concentrez-vous sur ce que vous aimez ! La choucroute à la cantine, par exemple ! »
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.