Archive pour juillet, 2014

La vengeance est un plat qui ne se mange pas

10 juillet, 2014

« Je dois me venger. »

« De qui ? De quoi ? »

« De tous ceux qui se sont payés ma tête. »

« Ça doit faire du monde ! »

« Pourquoi vous me dites ça ? Vous trouvez que j’ai une tête à ce qu’on se la paye ! Attention à ce que vous dites ! Hein, je pourrais me venger de vous ! »

« Euh… Comment vous allez faire pour vous venger ? »

« Euh… j’en sais rien. Le problème, c’est que je ne suis pas méchant. Je ne peux tout de même pas me venger en étant gentil. Ça n’aurait l’air de rien. »

« Pourquoi pas ? Tendre la joue droite quand on vous a frappé sur le joue gauche, certains l’ont fait. »

« Ce n’est pas mon style. Se faire casser la figure parce qu’on s’est fait casser la figure, je ne voudrais pas critiquer, mais je ne vois pas tellement l’intérêt… Il me faudrait quelque chose de plus subtil. »

« Vous pourriez colporter des médisances sur le dos de ceux qui vous ont fait du mal. Dugenou, par exemple. »

« C’est que je l’aime bien Dugenou. »

« Comment ça, vous l’aimez bien ? Il a dit partout que vous êtes un être mou et insignifiant. Même si c’est vrai, c’est extrêmement infamant. »

« Ce pauvre Dugenou, il ne me connait pas. C’est pour ça qu’il dit n’importe quoi. Je lui pardonne volontiers. »

« Comment ça, vous pardonnez ? Je croyais que vous vouliez vous venger ? »

« Euh… oui, mais finalement… si je pardonnais à tout le monde, ce serait mieux, non ? Ce serait classe ! Personne ne s’y attendrait ! Quelle vengeance se serait ! On attend que je m’énerve et non ! Je passe au-dessus de tout ça ! Mes adversaires se sentiront petits, tout petits ! Je ne voudrais pas être à leur place ! »

« C’est curieux comme vengeance, mais ne craignez-vous pas que Dugenou ne remarque pas votre grandeur d’âme et en profite pour vous enfoncer un peu plus, »

« S’il ose faire ça, non seulement je lui dirai que je lui pardonne, mais en plus je lui dirai que je l’aime ! Ça ne fera un pli ! Moi, on ne me la fait pas ! »

« Il va avoir peur ! C’est vrai qu’avec un bon coup de poing dans la gueule, on ne peut plus faire peur à Dugenou. Au contraire, ça l’excite ! Mais quand même… aimer Dugenou, vous y allez fort ! »

Dans notre rubrique politique

9 juillet, 2014

Le député boit du champagne

Dans son pagne

A la campagne

En compagnie de sa compagne

Qui, à l’harmonica, l’accompagne.

Ils rêvent de châteaux en Espagne.

Mais ils resteront à Châlons-en-Champagne

Pour préparer la prochaine campagne.

Une arrestation musclée

8 juillet, 2014

 « Vous êtes de la police ? »

« Oui, je dois vous contrôler. Ne me dites pas que c’est du contrôle au faciès. Vous n’avez aucun trait caractéristique. »

« Euh… alors pourquoi vous me contrôlez ? »

« Justement, vous faites peut-être semblant de ressembler à tout le monde. Je ne suis pas dupe de votre petit manège. »

« Si je comprends bien, il faut être facilement identifiable. »

« Oui, c’est pour mes statistiques, vous vous êtes moyen en tout. Je ne peux pas vous mettre dans les gros, les petits, les blonds, les maigres… C’est extrêmement suspect. »

« Vous vous rendez compte que je n’ai rien fait ? »

« Si, vous n’êtes pas dans un type prédéfini, ça me déstabilise. Et puis, vous avez le regard torve. On a l’impression que vous cherchez quelque chose. Vous voyez, rien ne m’échappe ! »

« En effet, je cherchais mon chemin, vous pouvez peut-être m’indiquer la route pour aller à la Mairie. Ce serait sympa. »

« Euh… non. Moi, je ne fais pas partie des gens qui renseignent. Je fais uniquement de la répression. Chacun son job. »

« Oui, mais enfin la mairie… »

« J’habite à coté, mais je ne dois pas donner de  renseignement. C’est interdit, ça me fait perdre mon temps. Je dois me consacrer à la répression des gens qui sont moyens en toute chose. Je dois donc vous contrôler. Et puis comme, vous êtes vraiment très moyen, je vais vous arrêter. Allez hop ! Au commissariat ! Et pas d’histoire. »

« Vous croyez qu’ils pourront m’indiquer le chemin de la mairie au Commissariat ? »

« Eh voilà ! En plus, vous faites le malin. Vous tombez bien, je suis aussi accrédité pour arrêter ceux qui font les malins. Avec vos sarcasmes à la con, je vais me faire une de ces primes, ce mois-ci… Je vous remercie. »

« Je vous en prie. Mais vos menottes sont trop petites pour moi. Je suis moyen en tout, sauf pour mes gros poignets. »

« Mince, j’ai oublié le gros modèle chez moi. C’est que je suis aussi accrédité pour arrêter les gens qui sont trop petits. Ne bougez pas d’ici, je vais chercher les bonnes menottes. J’en ai pour un petit quart d’heure. »

« Je peux peut-être vous déposer, ça ira plus vite. »

« C’est bien aimable de votre part. Je vais vous indiquer le chemin : c’est juste en face de la mairie. »

Un homme moderne

6 juillet, 2014

« Vous êtes un rabat-joie. »

« Comment ça, un rabat-joie ? »

« Avec vous, je ne peux pas me laisser aller. Chaque fois que je fais la fête, vous me dites que je ferais mieux de penser aux pauvres. Du coup, je suis obligé de boire chaque coupe de champagne comme si c’était la dernière. Vous trouvez ça drôle ? »

« Non, mais enfin, il faut avoir conscience du monde qui nous entoure ! »

« Peut-être, mais il ne faut pas me décourager. Quand je parle de mon job et de mes espoirs d’ascension sociale, vous rigolez en mettant en évidence mon aliénation au système et le coté dérisoire de mes aspirations. Vous trouvez vos sarcasmes sympas ? »

« Euh… moi ce que j’en dis, c’est pour votre bien. Vous vous prenez trop au sérieux, le jour où la société qui vous emploie n’aura plus besoin de vous, vous tomberez de haut si vous croyez trop au système ! »

« Bon, et puis votre façon de ricaner de mon mode de vie ! Parlons-en ! Si ça me fait plaisir d’aller patauger dans la neige dans les stations à la mode, dès les premiers flocons, ça vous regarde ? Et si ça me rend heureux de raconter mes vacances d’été pourries par la pluie à la cantine, en disant que c’était merveilleux, qu’est-ce que ça peut vous faire ? Je ne vais tout de même pas subir Duranton qui monopolise l’attention générale en racontant ses vacances exotiques ! »

« Va pour vos vacances, je ne dirais plus rien ! Est-ce que je peux au moins critiquer votre manière d’acheter systématiquement le téléphone mobile sorti le plus récent et de le consulter en public, à tout bout de champ, pour que tout le monde soit au courant de votre acquisition. »

« Non, ça m’ennuie un peu. Moi, je ne critique pas votre Minitel et votre téléphone de l’an 2000 ! »

« Bon, vous ne m’arrangez pas. »

« Et puis arrêtez aussi de vous en prendre à la médiocrité de mes réflexions. Je n’ai pas beaucoup de temps pour me forger une opinion solide sur tous les sujets sociétaux et politiques. C’est bien plus pratique de répéter ce qu’on entend au journal télévisé sans chercher la petite bête. »

« Certes, mais parfois, les journalistes disent blanc après avoir dit noir. »

« Et alors ? L’homme est pétri de contradictions. Et puis, moi, j’ai une culture télévisuelle moderne, ça vaut bien votre culture livresque classique. Je ne peux pas citer Voltaire ou Hugo, mais je sais tout des éliminations en cours à la Star Academy. »

« Euh… d’accord…  Je vais arrêter mes commentaires cyniques : vous êtes un homme de votre époque ! Vous avez cette grande qualité de saisir l’air du temps, d’être au rendez-vous de l’Histoire, tandis que moi, avec mes critiques de la société consumériste, je ne vais pas aller très loin ! »

« Allons, allons, ne nous apitoyons pas sur nous-même ! Vous êtes un peu agaçant, mais je suis sûr que vous allez en sortir ! »

Echos

5 juillet, 2014

Il y a eu une échauffourée dans les fourrés.

Les combattants ont lutté avec rage sans éclairage.

Le curé, un habitué aux sacres, a interrompu ce massacre.

L’un des lutteurs était Jules qui vit en ermite avec ses mites.

Ce n’est pas un saint, mais un ancien médecin.

L’autre est Max, un militaire qui sait se taire.

Il tourne toute la journée en cage dans son marécage.

Mona a vu Jules. C’est une entraîneuse qui n’est pas haineuse.

Elle avait pour tâche de sermonner ce potache.

Le concierge a rendu une visite nocturne à Max, dans sa turne.

Ils dinèrent de façon ordinaire.

En un acte

4 juillet, 2014

Jeremy est facteur

C’est un autodidacte

Qui a épousé une actrice.

Il a conclu avec elle un pacte

Qu’il respecte avec tact

Car elle n’aime pas les contacts.

Il doit garder intacte sa réputation de séducteur

Aussi, avec elle, il regarde chaque soir la voie lactée.

C’est foutu depuis le début

3 juillet, 2014

« J’ai le cafard. Tout va mal. La guerre en Syrie, la faim dans le monde, la traite des enfants en Afrique, le commerce inéquitable, la misère  partout… On dirait que ça vous est égal ! »

« Euh… non, mais enfin, ne vous faites pas tant de souci pour des catastrophes auxquelles vous ne pouvez pas grand-chose. Ce n’est pas en vous privant de votre dessert favori que vous allez nourrir des millions d’affamés. »

« C’est bien ça le problème. La coupe est pleine et déborde. On a dépassé le seuil en-dessous duquel on pouvait encore intervenir. On va être submergé par la violence guerrière et économique des hommes. Au secours ! »

« Euh… pas de panique. De toute façon, la violence est partout. Si vous n’êtes pas assez docile au travail, hop ! Chômage ! Si vous n’êtes pas un bon époux, hop ! Divorce ! Si vous ne payez pas vos dettes, hop ! Interdit bancaire ! »

« Vous ne me remontez pas le moral. Qu’est-ce qu’on peut faire ? »

« Faites du sport. Pendant que vous souffrez comme une bête dans votre chair, vous ne pensez pas à la misère du monde. Votre seul envie, c’est d’arrêter d’avoir mal de partout et d’aller boire un coup. Ou alors, allez à l’église pour expier vos péchés, ce sera déjà ça autant de moins sur cette planète ! »

« Oui, mais enfin, ce n’est pas en oubliant qu’on devient heureux ! »

« Euh… essayez de regarder un beau paysage naturel, ça vous calmera. Par exemple, depuis votre balcon, admirez le soleil couchant derrière la gare et la halle aux poissons par un beau soir d’été… »

« Euh… ils construisent une maison de retraite juste devant chez moi… Vous n’auriez pas quelque chose de plus exaltant. »

« Donner une boite de conserve aux Restos du Cœur en sortant de votre supermarché. Vous pourrez penser à celui qui, poussé par la faim, se jettera sur vos haricots blanc et vous aurez la conscience tranquille pendant deux minutes trente. »

« Si je vous comprends bien, c’est râpé ! On ne peut pas faire grand-chose !

« C’est râpé depuis le début. Depuis le temps des cavernes. Il y a toujours eu les plus forts et les plus faibles et puis une troisième catégorie : ceux qui essaient de limiter les dégâts. Vous êtes un limiteur de dégâts. Vous ne pouvez donc pas être heureux. Si vous êtes heureux, vous aggravez les dégâts au lieu de les limiter, puisque les trois quarts de la planète vont vous envier. Vous comprenez la contradiction ? »

« Bon…alors, je peux préparer mes vacances à Marrakech ? »

« Non, la moitié des citoyens ne partent pas en congés cet été. Vous ne pouvez pas participer à ce scandale. Soyez un peu plus malheureux pour eux, c’est votre rôle. Tant qu’il y aura des gens pour pleurer, on est sauvés ! Donnez-moi donc vos billets d’avion. »

A notre rayon boucherie

2 juillet, 2014

Paul est boucher sur la Côte.

Il aime rire, s’en payer une bonne tranche

En taillant une bavette avec ses clients.

Il parle avec Georges le pêcheur, quand il répare ses filets.

Georges lui rapporte souvent des merlans,

Mais il a une araignée au plafond.

Georges est une sorte de chien perdu sans collier.

Paul étant une bonne poire,

Il a fini par lui offrir le gîte et le couvert.

Douceur et violence

1 juillet, 2014

« Les policiers ont matraqué les manifestants. »

« Ce n’est pas grave. C’est normal, les manifestants semaient le désordre. Les manifestants ont le droit de manifester mais dans l’ordre. Ce n’est pas compliqué à comprendre. »

« Si ! Parce que s’ils manifestent, c’est pour s’élever contre l’ordre établi, c’est donc par nature un désordre. Faire du désordre dans l’ordre c’est un peu compliqué. »

« Il y a des règles pour exprimer son mécontentement. Il est interdit de s’énerver n’importe comment. »

« Ah bon ? Mais si je respecte les règles, personne ne prêtera attention à ma crise de nerfs, j’en serai frustré et capable de m’énerver encore plus. »

« Vous faites l’esprit fort. Vous pouvez être mécontent calmement, mais sans déranger personne. »

« Nous y voilà ! C’est comme le droit de grève. J’ai droit de cesser mon travail à condition que ça ne dérange personne, auquel cas on se demande bien à quoi sert de faire la grève puisque le but du jeu, c’est bien de gêner de façon à attirer l’attention sur soi. »

« Ecoutez ! Pendant des siècles on a sauvagement trucidé ses voisins pour imposer son point de vue. Aujourd’hui chacun dispose de son bulletin de vote pour se faire entendre. Il peut même faire grève ou manifester dans son coin…  sans embêter personne si possible…c’est quand même mieux, non ? »

« On nie le caractère conflictuelle des relations sociales. Heureusement qu’il y a encore le championnat de foot, on peut se ruer sur l’adversaire avec la bave aux lèvres, il est même recommandé d’avoir un tempérament combatif. »

« Si vous voulez… il y a toujours une part de bestialité qu’il faut bien assouvir. D’ailleurs, c’et caractéristique de l’espèce humaine. D’où la nécessité de faire respecter l’ordre. »

« Donc… de faire intervenir une cohorte de CRS lourdement armés … vous ne trouvez pas qu’il y a là comme une contradiction. »

« Vous voudriez que les forces de l’ordre calme les casseurs en leur tendant une boite de chocolats ou un bouquet de fleurs, pendant qu’on y est… ?»

« Ce serait intéressant comme concept : combattre la violence par la douceur … »

« Soyons sérieux. Ne succombons pas à la violence. Sinon, c’est le plus fort qui aura toujours raison. »

« Euh, actuellement, c’est plutôt le plus riche qui impose sa loi, ça revient au même. »

« Et voilà… c’est encore la faute des riches ! »

« Euh… bon… je peux manifester tranquillement mon courroux maintenant ? »

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