Archive pour le 3 juillet, 2014

C’est foutu depuis le début

3 juillet, 2014

« J’ai le cafard. Tout va mal. La guerre en Syrie, la faim dans le monde, la traite des enfants en Afrique, le commerce inéquitable, la misère  partout… On dirait que ça vous est égal ! »

« Euh… non, mais enfin, ne vous faites pas tant de souci pour des catastrophes auxquelles vous ne pouvez pas grand-chose. Ce n’est pas en vous privant de votre dessert favori que vous allez nourrir des millions d’affamés. »

« C’est bien ça le problème. La coupe est pleine et déborde. On a dépassé le seuil en-dessous duquel on pouvait encore intervenir. On va être submergé par la violence guerrière et économique des hommes. Au secours ! »

« Euh… pas de panique. De toute façon, la violence est partout. Si vous n’êtes pas assez docile au travail, hop ! Chômage ! Si vous n’êtes pas un bon époux, hop ! Divorce ! Si vous ne payez pas vos dettes, hop ! Interdit bancaire ! »

« Vous ne me remontez pas le moral. Qu’est-ce qu’on peut faire ? »

« Faites du sport. Pendant que vous souffrez comme une bête dans votre chair, vous ne pensez pas à la misère du monde. Votre seul envie, c’est d’arrêter d’avoir mal de partout et d’aller boire un coup. Ou alors, allez à l’église pour expier vos péchés, ce sera déjà ça autant de moins sur cette planète ! »

« Oui, mais enfin, ce n’est pas en oubliant qu’on devient heureux ! »

« Euh… essayez de regarder un beau paysage naturel, ça vous calmera. Par exemple, depuis votre balcon, admirez le soleil couchant derrière la gare et la halle aux poissons par un beau soir d’été… »

« Euh… ils construisent une maison de retraite juste devant chez moi… Vous n’auriez pas quelque chose de plus exaltant. »

« Donner une boite de conserve aux Restos du Cœur en sortant de votre supermarché. Vous pourrez penser à celui qui, poussé par la faim, se jettera sur vos haricots blanc et vous aurez la conscience tranquille pendant deux minutes trente. »

« Si je vous comprends bien, c’est râpé ! On ne peut pas faire grand-chose !

« C’est râpé depuis le début. Depuis le temps des cavernes. Il y a toujours eu les plus forts et les plus faibles et puis une troisième catégorie : ceux qui essaient de limiter les dégâts. Vous êtes un limiteur de dégâts. Vous ne pouvez donc pas être heureux. Si vous êtes heureux, vous aggravez les dégâts au lieu de les limiter, puisque les trois quarts de la planète vont vous envier. Vous comprenez la contradiction ? »

« Bon…alors, je peux préparer mes vacances à Marrakech ? »

« Non, la moitié des citoyens ne partent pas en congés cet été. Vous ne pouvez pas participer à ce scandale. Soyez un peu plus malheureux pour eux, c’est votre rôle. Tant qu’il y aura des gens pour pleurer, on est sauvés ! Donnez-moi donc vos billets d’avion. »