Inversons la courbe
3 juin, 2014« J’ai une solution pour résoudre le problème du chômage. »
« Ah bon ? Laquelle ? »
« Il faut que vous arrêtiez de faire votre jardin. Chaque fois que vous faites quelque chose gratuitement, pour votre plaisir, ça fait un boulot en moins pour un chômeur. »
« C’est pas nouveau. Par exemple, maintenant, il y a des gens qui font mes courses à ma place. Il suffit de passer prendre le paquet final et de payer. Ça s’appelle un drive ou quelque chose comme ça. »
« C’est exact, mais il faut pousser le système beaucoup plus loin. Arrêtez de conduire votre gamin à l’école ou de lui raconter des histoires le soir avant qu’il ne s’endorme. »
« Euh… oui, mais il y a quand même un problème : quand je fais quelque chose pour mon gamin, c’est que j’en espère un retour affectif. Je ne vais tout de même pas abandonner l’affection de mon gamin pour créer un emploi. Il n’y a pas que le marché du travail, il y a aussi la vie, les liens entre personnes…. »
« Euh, il faut tout de même savoir ce qu’on veut. Donner à manger à votre chat, ce n’est pas quand même une marque d’affection… »
« Si justement, il est très content et puis, moi, ça me fait plaisir de l’entendre ronronner. Et puis, pour tout vous dire, j’adore flâner dans les rayons de l’hyper marché. Bref, votre politique de l’emploi va supprimer tous mes petits plaisirs. »
« Ne craignez rien, il y aura encore des zones d’activité privées. Par exemple, personne ne pourra partir en vacances à votre place. »
« Ce n’est pas sûr. Il va sûrement se trouver des gens qui vont inventer de vous transporter sur le lieu de vos congés en hélicoptère, pour vous éviter les inconvénients de l’autoroute. Je ne pourrai même plus pester contre les attentes au péage. C’est important de s’énerver de temps en temps contre les petits tracas de la vie ! »
« Il faudrait quand même manifester un peu de solidarité. Ce n’est pas compliqué, il suffit de ne rien faire. Quelqu’un pourrait passer l’aspirateur chez vous, par exemple. »
« Si je comprends bien, vous réinventez la domesticité comme au XIX ème siècle. Je pourrais aussi avoir un cocher, un palefrenier… »
« Non, car il faudra respecter la dignité de ces travailleurs… »
« Je vais commencer par montrer de la considération à moi-même en évitant de sombrer dans la paresse. Et puis, introduire des gens dans mes petites affaires, ça ne m’emballe pas ! J’aime bien vivre dans le bazar, je n’ai aucune envie qu’on me le fasse remarquer. »
« Bon, je vois… Monsieur est contre le développement de l’emploi dans les services à la personne. »