L’indécis
22 avril, 2014« J’aime bien l’indécision. »
« Comment ça ? Vous aimez être indécis ? Vous ne voulez pas être quelqu’un de déterminé qui sait toujours ce qu’il veut ? Vous savez que c’est très mal vu ? »
« Oui, mais ça permet de se donner de l’importance. Par exemple : vous êtes au restaurant. Le serveur prend les commandes. Tout le monde a dit ce qu’il voulait manger, sauf vous. Vous hésitez longuement, tous les regards se tournent vers vous. Les gens ont faim, allez-vous vous décider, oui ou non ? A ce moment précis, vous régnez sur la tablée grâce à votre esprit d’indécision. »
« C’est malin ! Vous vous rendez très désagréable. »
« Bon ! Un autre exemple plus positif. Les élections approchent. Vous ne savez pas si vous porterez votre suffrage à gauche ou à droite. Quelle chance ! Vous êtes obligé alors d’analyser en détail les professions de foi des candidats au lieu de les jeter à la poubelle comme tout le monde. Votre indécision vous conduit à un comportement citoyen au lieu d’une attitude sectaire, irréfléchie. Vous comprenez ? »
« Bon admettons. Mais il vient forcément un moment où il faut prendre des décisions ? Comment vous faites ? Par exemple quand vous avez épousé Juliette ? »
« Pour se payer le luxe d’être indécis, il faut être en position de supériorité. Si vous convoitez une femme, il faut commencer par vous assurer qu’elle vous convoite aussi. Vous pouvez alors jouer à celui qui hésite, qui prend son temps pour réfléchir. Elle va bouillir d’impatience. Et lorsque vous vous déciderez à la demander en mariage, elle sera tellement soulagée de ne pas vous avoir laissé échapper qu’elle vous sera fidèle à vie ! »
« C’est un peu de la manipulation votre truc. Et puis, imaginez qu’elle fiche le camp, exaspérée par votre indécision. C’est très risqué. »
« Ce n’est pas plus risqué que de prendre un râteau quand vous lui déclarez votre flamme. L’indécision, aussi c’est l’esprit d’ouverture. Imaginez que nous partions en vacances ensemble, vous adorez la mer, moi j’hésite entre la mer et la montagne. Vous pourrez alors développer votre argumentation pour faire pencher la balance de votre côté tandis que si je suis inflexible sur le choix de la montagne, nous ne nous comprendrons jamais ! »
« Je n’ai pas envie de partir en vacances avec vous. »
« C’était encore un exemple pour vous faire comprendre qu’un être indécis, c’est quelqu’un qui est ouvert au dialogue. Le contraire d’un être fermé et obtus. L’indécis n’est pas un psychorigide comme tous ceux qui campent sur leurs positions le couteau entre les dents ! Ce n’est pas mieux comme ça ? »
« Il n’empêche que c’est un mou et que dans notre société les mous sont durement stigmatisés. Moi, quand je suis mou, je me cache, je ne fais pas mon malin. A propos, il va falloir y aller, vous prenez du thé ou du café ? »