Leçon d’empathie
17 avril, 2014« Ne finassez pas avec moi, je sais tout ce que vous pensez. »
« Ah bon ? Comment vous faites ? »
« Il y a des trucs impalpables qui émanent de votre personne. Je sais si vous êtes inquiet, serein, contrarié, joyeux… rien qu’en vous regardant. Et quand vous dites le contraire de ce que je ressens, c’est encore pire car je sens tout de suite que vous jouez la comédie. »
« C’est magique ! C’est quoi ces trucs qui émanent de ma personne. Je mets pourtant du déodorant. »
« Ce ne sont pas des particules physiques, ce sont des ondes. D’ailleurs, moi aussi j’en émets, mais il faut une certaine sensibilité pour les recevoir. Vous n’êtes pas assez sensible. »
« Bin… non, je ne pleure pas facilement. »
« Je n’ai pas parlé de sensiblerie. La sensibilité, c’est quand vous ressentez une impression en vous, sans raison matérielle apparente. »
« Bon, admettons. Je dégage des ondes. Mais je pourrais brouiller le message. Par exemple, les acteurs au cinéma arrivent à vous faire croire qu’ils sont morts d’angoisse alors que dans la vraie vie, ils sont parfaitement cools. »
« C’est leur job de maîtriser les ondes qu’ils émettent, mais c’est un travail d’introspection difficile. Il faut être un peu zinzin pour en arriver là ou alors complètement mystique. Vous ne serez jamais acteur ! »
« Non, c’est vrai, je suis juste normal. J’ai un système d’ondes qui se débrouille tout seul. Mais si vous devinez tout en me regardant est-ce bien utile de se parler, Maître ? »
« Euh… c’est pas indispensable, mais c’est pas mal. Ça permet de construire une réflexion. Vous pourriez me dire pourquoi vous êtes inquiet si j’ai l’impression que vous êtes inquiet. C’est un exemple. »
« Si je comprends bien, mes ondes ne disent pas tout quand même. »
« Il faut les interpréter en fonction du contexte. Par exemple, si je m’aperçois que vous blêmissez légèrement en tenant votre feuille d’impôts à la main, je suis tout de suite renseigné : le fisc a encore frappé ! »
« Et mes ondes là en ce moment, elles sont comment ? »
« Elles disent que je commence à vous gonfler avec mes histoires. Je sens quand les gens ont envie que je fiche le camp même quand ils me font des sourires pour me donner l’impression qu’ils goûtent ma compagnie. Quand on se force à envoyer des ondes, ça ne marche pas. Ce ne sont pas des ondes, ce sont des espèces de conventions sociales, des constructions palpables. Les seules ondes qui disent la vérité, ce sont celles que l’on ne maîtrise pas. »
« Bon… attendez, je crois que je reçois vos ondes…. Je sais ce que vous pensez : j’ai atteint un stade supérieur de la communication, je domine ce petit prétentieux, j’en fais ce que je veux ! »