Archive pour mars, 2014

C’est toujours pareil

12 mars, 2014

« Il y a des spectacles qui me plongent dans la sidération. Des vagues qui viennent s’écraser sur une plage déserte de sable blond, avec régularité et obstination. Un feu qui crépite dans l’âtre au milieu d’un hiver rude et neigeux. Le crépitement de la pluie sur les tuiles de l’écurie quand l’orage s’abat sur la campagne. Bref, des manifestations de la nature, imperturbables et incontrôlables. »

« Euh… c’est curieux comme passe-temps. Ça vous prend souvent ? Vous êtes un être nostalgique. »

« Sans soute, j’essaie de m’attacher à tout ce qui traverse les âges. Le pas lent des troupeaux de bovins qui s’en vont aux champs, par exemple. Je me dis qu’il y a dix siècles, les vachers observaient la même démarche de leurs vaches favorites. Ou encore, le cri joyeux des enfants qui courent après un ballon dans le jardin municipal. Par une espèce de superposition visuelle, je vois alors mon arrière-grand-père, habillé de son petit costume marin, gambader après son cerceau en battant des mains. »

« Bon, vous êtes un homme du passé. Je veux bien, mais moi ce qui m’intéresse, c’est l’avenir. Je suis dans l’action, moi. »

« Si vous voulez, mais dans cent ans, ça m’étonnerait que la mer renonce à lancer ses rouleaux sur la grève. La nature n’est ni d’hier ni de demain. Elle se fiche complètement que vous soyez un homme dynamique. »

« Bon d’accord. Mais les vaches ne vont plus au champ. Elles marchent trop lentement, ça fait perdre du temps. Et le temps, c’est… »

« Oui, bon d’accord, vous allez faire des vaches sédentaires. Je vous souhaite bon courage pour ingurgiter leurs biftecks. »

« On va reconstituer bientôt de la viande de synthèse. Ce sera sans danger pour la santé. »

« Et le vent qui bruisse dans les peupliers le long de la rivière lorsque vous y ferez votre sieste en plein mois d’août ? Vous allez en faire un objet synthétique ? « 

« De toute façon, je ne fais jamais la sieste. Je suis bien trop dynamique. J’ai tellement de choses à faire. Alors, le vent … »

« Vous n’échapperez pas à ses tempêtes, alors essayez de composer avec le vent. En fait, je ne suis ni du passé ni de l’avenir. J’observe les choses qui sont de toujours. Par exemple, la cupidité de la nature humaine. Depuis la nuit des temps et à jamais, les hommes poursuivront leurs intérêts particuliers aux dépens de l’intérêt général. C’est comme ça et ce sera toujours comme ça. Seuls quelques grands hommes échapperont à la règle. Un par siècle au maximum. »

« Alors là, ce ne sera sûrement pas moi. Moi, je me bats pour réussir. Il faut que ma famille soit fière de moi. »

« Bon, vous venez de me confirmer une chose. Tout change, mais rien ne change. »

Mauvais temps

10 mars, 2014

Jean est lent : il ne cède jamais à la précipitation.

Il est imperméable à mes plaisanteries

Il n’y comprend que goutte.

Il me dit que j’ai un grain

Et que je suis dans le brouillard.

Il a eu vent de l’adresse d’un bon médecin

Qui m’aidera à éviter mes torrents de jeux de mots

A l’aide d’une rafale de médicaments.

Leçon d’attente

9 mars, 2014

« Il faut savoir attendre. »

« C’est compliqué, moi j’aime quand ça va vite. Je n’ai pas de temps à perdre. »

« Attendre est une école d’humilité et de démocratie. C’est chacun à son tour. Il n’y  pas de passe-droit. Personne n’est supérieur aux autres. »

« Euh… il ne faut pas se raconter d’histoires. Il suffit parfois de payer pour ne pas attendre. Par exemple, pour être privilégié au péage de l’autoroute, il suffit d’acheter le Pass. En fait, c’est comme tout, il y a un marché où l’on vous vend de la priorité dans les files d’attente. Surtout dans les endroits où il y a beaucoup de monde, les priorités sont rares donc chères. »

« Euh… ça ne marche pas encore aux urgences. Vous avez beau vous amener avec votre bobo, vous attendez six heures comme les autres. »

« C’est une exception et quelqu’un va bientôt inventer les urgences privées. »

« Les temps d’attente sont pourtant les seuls moments de réflexion. Si on les supprime, on ne va plus réfléchir à ce qu’on fait ou à ce qu’on est. »

« Ne vous inquiétez pas, on n’est pas près de résorber les embouteillages, ça vous donnera le temps de de penser à vos prochaines vacances pour longtemps. »

« A condition que je ne passe pas mon temps à pester contre les autres automobilistes. Parce que les temps d’attente sont aussi des temps de promiscuité, que ce soit devant un cinéma ou dans les files de supermarché. Il y a attente quand il y a du monde et quand il y a du monde, on multiplie les occasions de se disputer avec son prochain. »

« Mais on peut aussi être très calme en attendant. »

« C’est pour ça que je dis qu’il faut savoir attendre. Le calme, ça ne s’improvise pas. Il faut apprendre à se calmer. On a le temps puisqu’on le passe à attendre. Ne supprimons pas les temps d’attente. »

« Vous avez raison, mais alors il faudrait prendre des cours : comment ne pas s’énerver en attendant son tour ? »

« La première leçon consisterait à démontrer que plus on s’énerve, plus le temps d’attente semble long et plus on a envie d’engueuler quelqu’un, la caissière du supermarché par exemple, qui pourrait vous en vouloir en se trompant dans le montant de vos achats. »

« C’est ce que Einstein appelait la relativité du temps. Il n’est pas de la même durée selon votre état d’esprit. Ceci dit, même en étant parfaitement zen, quand votre dentiste a deux heures de retard, c’est compliqué de faire court. »

« Le vrai savoir-faire du spécialiste en attente consiste à ne rien faire, mais alors strictement rien. Être immobile, ne penser à rien, surtout ne pas regarder sa montre. Ce serait la deuxième leçon ! »

Des petits bouts

8 mars, 2014

Julien aime les miettes de thon

Et les bouchées à la reine.

Il fait son bout de chemin

Sur une parcelle de terrain

Où il cultive des brins de muguet

Et joue des morceaux de musique

Pour donner un échantillon de son talent.

Ce texte est une vraie tranche de vie.

De toutes les couleurs

7 mars, 2014

Elle s’appelait Rose

C’était un cordon bleu

Qui ne manquait pas de matière grise.

Jean, son époux, n’était pas un blanc-bec.

A l’usine, ce n’était pas un jaune.

Il en avait vu des vertes et des pas mûres.

Il faisait souvent grise mine.

Il remuait des idées noires.

Deux nullards

6 mars, 2014

« Il faut être indulgent avec moi. Je rate tout ce que j’entreprends. »

« Moi, c’est pire. Je n’essaie même pas : je ne sais rien faire. »

« Vous savez quand même faire cuire un œuf. Vous venez de réussir un magnifique œuf mimosa. Ce n’est pas donner à tout le monde. »

« C’est un hasard. D’habitude, je me trompe tout le temps sur la durée de la cuisson et ça se termine par quelque chose qui ressemble vaguement à une omelette. »

« Ce n’est pas grave. Moi, j’ai essayé de jouer au tennis. Résultat : un claquage du mollet au bout de trente secondes. Je n’ai pas voulu faire comme Maurice, mon partenaire, qui a fait son malin en s’échauffant longuement avant la partie. »

« Ça ne risque pas de m’arriver. J’ai acheté une raquette pour avoir l’air sportif, mais je ne sais pas la tenir. Je ne connais même pas les règles. Je trouve ce sport très ennuyeux. Je suis affligeant. J’ai voulu acheter un téléphone portable, je n’avais même pas le bon vocabulaire et je me suis fait refiler n’importe quoi. Mon mobile et très cher et je ne sais absolument pas le faire marcher. »

« Ne vous inquiétez pas, moi quand j’essaie d’appeler mes gamins, je prends une photo de mes pieds. Lorsque j’envoie un SMS à ma femme, c’est mon patron qui le reçoit. En plus, je ne tiens pas à me couvrir de ridicule devant les techniciens : je n’ai jamais soulevé le capot de ma voiture, je ne vidange pas ma machine à laver. Quand c’est cassé, j’achète un autre équipement, ça me stresse moins. »

« Moi, je commande par Internet, ça me permet d’échapper à une discussion technique avec les vendeurs, pendant laquelle je serai obligé de faire comme si je comprenais ce qu’il me dit, ce qui, de toute façon, n’a aucune importance puisqu’il me refile le matériel qu’il a décidé de me fourguer. »

« Mon handicap s’étend bien au-delà de l’électroménager. J’ai essayé d’apprendre l’anglais pour aller aux soldes à Londres avec Josiane. Résultat : on est rentré les mains vides ! »

« Je comprends. Moi avec Louise, on a voulu y aller aussi. Résultat : je me suis trompé de train et on n’est arrivé à Berlin. On a visité, mais ce n’était pas le temps des soldes. On s’est ruiné en souvenirs dont on n’a que faire. »

« Au bureau, on me confie les tâches les plus faciles. Très faciles. Je ne vais même plus chercher les cafés. J’ai renversé le dernier sur la tête du patron. Les syndicats m’ont reproché de ne pas l’avoir fait exprès. »

« Moi, je traite tous les dossiers qui n’ont pas d’importance, mais on m’a trouvé une utilité. Je sers de cas d’école qu’on montre aux nouveaux venus pour qu’ils sachent ce qu’il ne faut pas faire. J’essaie de me surpasser en nullité pour les éduquer correctement. »

« Vous avez de la chance. Moi, je tiens une partie du standard. On me passe toutes les communications embarrassantes, il parait que je sais très bien exaspérer les interlocuteurs agressifs qui finissent toujours par raccrocher. »

Salade de fruits

5 mars, 2014

Louis ramène sa fraise

Il me prend pour une poire

Je vais lui flanquer un marron

Dans un coin de rue.

Il tombera dans les pommes.

Ou alors je lâcherai une grenade chez lui.

Ce serait la cerise sur le gâteau.

Mais je ne ferai pas ça pour des prunes.

Leçon de français

4 mars, 2014

« Savez-vous que l’on dit parallélépipède et non pas parallèlipipède comme certains sots ? »

« J’en prends note. Remarquez qu’il y a bien cinquante ans que je n’ai pas employé ce mot. Au bureau, en réunion, c’est assez difficile à placer. Vous en avez beaucoup comme ça ? »

« Non… mais je suis sûr que vous faites quantité de pléonasmes au travail. Quand vous dites que vous allez collaborer ensemble avec Dugenou., ça ne va pas. Vous ne pouvez que collaborer avec Dugenou. Vous serez forcément ensemble. »

« Si je comprends bien, on perd son temps à ajouter des mots inutiles. »

« Oui, et il y a des spécialistes qui en rajoutent à plaisir. Je vous passe les gens qui descendent en bas ou ceux qui s’entraident mutuellement, mais il faudrait arrêter ceux qui répètent de nouveau ou qui prévoient d’avance. »

« Il faudrait donner des cours de français au lieu d’envoyer les gens en stage d’informatique. J’en connais qui en aurait bien besoin. Dugenou, par exemple, qui dit toujours qu’il se rappelle de quelque chose alors que le verbe est transitif ! »

« Quel paltoquet que ce Dugenou ! Cependant, on est bien obligé de constater que, souvent, ce sont tous les Dugenou du monde qui font évoluer la langue. Par exemple, tous les Dugenou  écrivent ‘sans dessus dessous’ alors que la forme correcte est ‘sens dessus dessous’. Je pense que sous la pression populaire, l’Académie finira par valider l’opinion des Dugenou. »

« Finalement, c’est démocratique la grammaire et l’orthographe ! »

« Oui, d’autant plus qu’il y a matière à de nombreux débats. Et puis avec l’évolution des mœurs, on peut s’attendre à des changements. Par exemple, le mot ‘orateur ‘ n’a pas de féminin communément admis. Mais ça ne m’étonnerait pas qu’on en vienne à dire « cette femme est une bonne ‘orateuse ‘. »

« C’est une horreur. »

« Euh… il faut s’y habituer. On dit bien maintenant ‘une bonne écrivaine’. Le mot démon n’a pas –théoriquement-  de féminin, mais un jour on dira ‘cette fille est une démone’ ! »

« Nous voilà beaux ! Ça me fait penser qu’il faut que je dise à Dugenou que l’adjectif ‘ambigüe’ au féminin prend un tréma sur le u, alors que le nom ‘ambiguïté’ a un tréma sur le i. Il va encore s’énerver. Il dit souvent qu’il faudrait un choc de simplification. »

« N’oubliez pas de lui rappeler que le a de bâbord prend un tréma. »

« Il s’en fout, il va me dire qu’il ne prend jamais le bateau car ça le rend malade. Il a beaucoup d’idées pour faciliter l’orthographe. Avec son bagout, tout le monde est au courant ! »

« Euh… d’après l’Académie, ‘bagou’ ne prend pas de t à la fin du mot »

« Ce n’est pas ce qui va l’empêcher de parler. »

Nos mauvais poèmes

3 mars, 2014

Je m’appelle Claire

Je n’ai pas de glaires

J’ai tout pour plaire

Notamment un grand blair

Qui me donne du flair

Je suis hôtesse de l’air

Je porte une alliance à l’annulaire

Car je suis marié à un artiste capillaire

Très populaire

Qui est un époux exemplaire.

 

Petit tour de France

2 mars, 2014

La reine est d’humeur joyeuse.

Elle a fait un pari :

Elle est allée à la chasse au lion

Sans tenir compte du danger.

Puis elle a siroté un petit bordeaux

Dans sa tour

Qui se trouve sur l’île

Où elle élève des colombes

Et ses trois canes.

123