Archive pour mars, 2014
Comment vais-je ?
20 mars, 2014« Moi, j’aime bien me parler à moi-même. »
« En silence, alors. Parce que si vous vous adressez à haute voix à vous-même, vous allez encore passer pour un malade. »
« Oui, en silence, c’est mieux parce que ce que j’ai à me dire ne regarde personne et puis, je ne veux pas être interrompu avec moi-même. »
« Et donc… qu’est-ce que vous vous dites ? »
« Je commence par me demander comment je vais. C’est quand même important de s’interroger sur sa santé pour guetter le premier signe d’une pathologie éventuelle. »
« Certes, mais il ne faut pas tomber dans l’obsession de sa propre santé. »
« Il ne s’agit pas seulement de savoir si on est malade, mais aussi de connaître ses capacités ou son état physique. Ai-je faim ? Sinon, pourquoi vais-je grignoter ? Si oui, qu’est-ce qui me ferait plaisir de manger ? Ai-je sommeil ? Si oui, pourquoi n’irais-je pas dormir un moment ? Vous voyez : si on s’écoute, on peut en déduire beaucoup de choses intéressantes… »
« Oui, mais il ne faudrait pas passer son temps à se parler à soi-même, ça fait des silences dans la conversation avec les autres. Ils peuvent se demander si ça va… »
« Le problème, c’est que mon auto-conversation m’intéresse beaucoup plus que les conversations de comptoir ou de cantine. »
« C’est de la méditation. »
« Si vous voulez, ça me permet de mieux me connaitre. Sinon, on coexiste avec soi pendant quatre-vingt-dix ans sans vraiment savoir qui est l’individu qui nous habite. On rejoint le niveau de la machine animée. »
« Et alors, une fois que vous vous connaissez ? »
« Ce n’est pas seulement un exercice tourné vers soi-même, c’est aussi une façon de comprendre comment on réagit à un évènement externe. Par exemple, je suis sûr que vous avez horreur des piqures médicales, mais si vous réfléchissez bien à ce que ça vous fait, vous aurez moins mal. »
« Ah bon ? »
« Ou alors, lorsque vous apprenez que vous avez perdu au loto, la nouvelle bouleverse moins l’individu qui vous habite, car vous aurez pris soin de réfléchir à la véritable place que tient le hasard dans votre vie. »
« Et quand vous loupez votre train, ça ne vous énerve pas ?… »
« Un peu, mais si vous vous êtes convaincu que des crispations répétées de votre système nerveux est néfaste sur votre espérance de vie, ça change tout. »
Mise au point
19 mars, 2014Les cardinaux firent le point
Car ils n’étaient point morts
Ils n’avaient point d’interrogation
Point question de suspension de leur décision
A leur texte, il ne manquait point de virgule.
C’est à Point-à-Pitre
Qu’ils firent valoir leur point de vue.
Décidément, ils sont très au point
Pas du tout mal en point.
Vive la France !
18 mars, 2014« Moi, j’aime bien le gratin dauphinois. »
« Ce n’est pas interdit. Mais pourquoi dites-vous ça ? Je ne vous ai pas interrogé sur vos goûts culinaires. »
« C’est surtout pour dire que j’aime bien tout ce qui est de chez nous. Je ne vois pas pourquoi, il faudrait ingurgiter de la cuisine américaine ou d’autres pays. »
« Vous dites ça parce que les américains sont obèses. »
« Oui, ça me dérange un peu, mais en plus je déteste tout ce qui est utilisé pour « faire américain » ! Par exemple, les tee-shirts à la gloire de leurs universités, c’est agaçant. Et puis, on ne peut plus ouvrir la télé sans tomber sur une série américaine. Elles se ressemblent toutes, ça commence par une vue des gratte-ciels de New-York avec passage de métro. Et puis après, il y a des gangsters sales dans des rues mal famées et des policiers, bien propres sur eux, qui prennent des airs inspirés avant de se lancer à la poursuite des dits gangsters. La bataille finale à coups de pistolet se livre dans un vieux hangar rempli de machines tarabiscotées. Une explosion et un incendie final sont du meilleur effet. »
« Vu comme ça, en effet… »
« Alors que nos feuilletons français sont marqués par la fine psychologie des personnages. L’action la plus brutale se situe au moment où la mère de famille hésite entre se servir un thé et faire son repassage. C’est tout de même plus reposant. »
« Et en basket, ils sont forts les américains, non ? »
« Au-dessus de 2,10 mètres, c’est facile d’être fort en basket. Mais les matchs disputés par les français sont nettement plus intéressants, quand on perd, c’est toujours avec panache en basket comme dans d’autres domaines. »
« Et leurs paysages de légende, le grand canyon, tout ça… »
« Alors là, c’est le comble ! Les gens feraient mieux de commencer par visiter la France. Moi, avec Louise, on va en vacances au Lavandou. On a les deux pieds dans l’eau pendant un mois, pénards ! »
« Bon, vous n’allez tout de même pas critiquer leurs voitures. Ils savent faire de superbes voitures ! »
« Euh, de toute façon, pour faire du cinquante en ville et se coltiner des bouchons sur l’autoroute, ma 4 L me suffit bien. »
« Et l’Allemagne ?»
« Non plus, je ne vois pas pourquoi ce serait mieux qu’en France. Ils ont de la croissance économique, mais nous on a de la dette. Ils ne sont pas mieux lotis pour autant. A part pour le foot, peut-être. »
Nos mauvais poèmes
18 mars, 2014Emporté par la foule
16 mars, 2014« Lorsque les gens s’agglomèrent au même endroit en grand nombre, ils rouspètent. On est au coude-à-coude, on se presse, on se bouscule même. C’est le charme de la promiscuité : votre voisin lit votre journal par-dessus votre épaule, vous marche sur les pieds, vous souffle dans le visage, sent mauvais. Ou bien il est moche. C’est le cas dans le métro ou dans les grands magasins pendant les soldes ou sur la plage le 15 août. »
« C’est sans importance. L’être humain aime ces moments-là et se sent en devoir de les vivre. La plage, pour pouvoir dire qu’il a passé de bonnes vacances au soleil. Les soldes, pour pouvoir assurer qu’il a fait des affaires extraordinaires. Et le métro, pour se plaindre des conditions de transport. »
« Le must, c’est de s’immerger dans la foule qui se presse dans les boites de nuit. L’homme ou la femme s’y précipite pour y passer une bonne soirée alors qu’il ne peut tenir aucune conversation et qu’il risque d’en sortir complètement sourd. »
« C’est comme ça. L’homme est grégaire. Plus il est agressé par la foule plus il s’y précipite. Notamment pour avoir le plaisir de se plaindre du troupeau. Ne pas faire la queue aux guichets de la Poste ou de la SNCF lui parait suspect. C’est même handicapant, il ne peut plus converser avec son voisin ou s’agacer de la tendance des fonctionnaires à toujours faire grève, justement le jour où il aurait besoin de leur présence plus nombreuse. »
« Il faut dire à sa décharge que la foule a un effet rassurant. On n’a jamais vu personne se précipiter dans un magasin ou un restaurant peu fréquenté. On n’a jamais vu une manifestation de rue qui ne rassemblerait pas plusieurs milliers de personnes. Un concert de vedette de la chanson pour lequel on n’a pas de difficulté à obtenir des places n’est pas une réussite, on hésitera à s’y rendre. »
« Et le comportement de l’homme ou de la femme en foule, vous avez vu ? Dire que certains prétendent qu’on est plus intelligent à plusieurs. Pendant les soldes, vous vous en tirez au mieux avec des coups de coude dans les côtes ou des ruades dans les tibias. Sur la plage, vous prenez généralement un ballon dans la figure. Dans les files d’attente, vous êtes insulté dès que votre suivant a l’impression que vous usurpez sa place. »
« Eh oui, la foule, c’est à la fois rassurant et guerrier. C’est le grand paradoxe de l’humanité. Nous sommes sept milliards sur terre. C’est beaucoup trop pour que tout le monde vivent bien, mais d’un autre côté lorsque l’humain était minoritaire, la vie était difficile. La nature était hostile, les bêtes féroces l’emportaient. Une vrai galère, quoi ! »
« Le mieux, c’est de bénéficier de tout le progrès de la civilisation tout en étant tranquille dans son coin. Mais c’est cher. »
« Oui, mais là, vous vous ennuyez. Plus personne autour de vous, vous vous rendez compte ? »
« C’est vrai, mais on peut s’en tirer avec une riche vie intérieure qui vous permet d’imaginer plein de gens autour de vous. »
Exécuteur des basses oeuvres
15 mars, 2014Victor est un bourreau de travail
Il se torture souvent l’esprit
En échafaudant toutes sortes de projets.
Sa femme, Mona se pose moins de questions
Elle n’aime pas les tourments.
Si vous l’ennuyez, elle vous fusille du regard
Et vous dit d’aller vous faire pendre ailleurs.
Parfois, elle s’exclame : exécution !
Un bouquet
14 mars, 2014Maria a envoyé Jules sur les roses.
Il était venu lui faire un petit coucou.
Mais Jules n’est pas dans les pensées de Maria.
Il faut dire que c’est un narcisse, amoureux de lui-même.
Il est capable de jalousie
Et parfois sanguinaire.
En plus, il se croit immortel.
Il ne se fait pas de souci pour autant
Il est retourné dans sa pâtisserie pour fabriquer ses millefeuilles.
L’histoire du souffre-douleur
13 mars, 2014« Il faut toujours un souffre-douleur dans une collectivité humaine. »
« C’est un vestige de l’époque préhistorique. Il y avait les forts qui résistaient et les faibles qui disparaissaient. C’est la loi de la sélection naturelle. »
« L’homme est assez pervers. Il ne vit pas s’il ne se compare pas aux autres. Il est rassuré quand il se compare à plus faible et il est encore plus tranquille si les autres sont d’accord sur le nom du plus faible de la bande. »
« On pourrait imaginer que la douleur soit répartie sur tous les membres de la bande. »
« Non, ça n’irait pas. Chacun prendrait des coups à un moment ou à un autre. Ça ne rassure pas du tout. Il vaut mieux concentrer les douleurs sur une seule tête. Au moins on sait d’avance où ça va tomber. »
« C’est très cruel. »
« Oui, mais c’est comme ça depuis la nuit des temps. Le souffre-douleur est une nécessité vitale pour le groupe. Il ne le sait pas, mais il rend service à tout le monde. »
« On pourrait peut-être le lui dire. »
« Non, le danger serait qu’il se prenne pour un héros, prêt à se sacrifier pour la survie de la collectivité. S’il arrive à être admiré par le reste de la bande, il ne pourra plus tenir le rôle de souffre-douleur. Donc, il est nécessaire qu’il continue à souffrir amèrement. »
« Mais enfin, il va finir par se révolter ! »
« C’est peu probable. Certains prennent goût à la douleur. Ce genre de comportement masochiste est assez courant. D’autres sont fatalistes, ils savent qu’ils sont trop faibles pour réagir. Dans le pire des cas, le souffre-douleur qui se révolte prend une bonne raclée et il souffre encore plus. »
« Mais on pourrait imaginer qu’un être intelligent du groupe prenne sa défense et arrête ce massacre. »
« Alors là, ça peut arriver. On ne peut empêcher personne de ne pas avoir un comportement bestial. C’est rare, mais ça arrive. Etre généreux, c’est encore plus rare. Ceci dit quand ça arrive, le souffre-douleur doit son salut à la mansuétude d’un autre, ça lui crée des obligations, il devient son obligé. On retourne au Moyen-Age lorsque le seigneur assurait la protection de ses vassaux, mais il en attendait d’autres services. »
« Le souffre-douleur est donc coincé dans toutes les situations. »
« Oui. On peut toujours imaginer qu’il présente un recours devant une autorité supérieure, mais ce n’est pas très glorieux d’avouer publiquement qu’on est souffre-douleur. En plus, reconnaître qu’on a laissé s’installer ce genre de relations dans un groupe est très embarrassant pour le responsable du groupe. »