Comment vais-je ?

« Moi, j’aime bien me parler à moi-même. »

« En silence, alors. Parce que si vous vous adressez à haute voix à vous-même, vous allez encore passer pour un malade. »

« Oui, en silence, c’est mieux parce que ce que j’ai à me dire ne regarde personne et puis, je ne veux pas être interrompu avec moi-même. »

« Et donc… qu’est-ce que vous vous dites ? »

« Je commence par me demander comment je vais. C’est quand même important de s’interroger sur sa santé pour guetter le premier signe d’une pathologie éventuelle. »

« Certes, mais il ne faut pas tomber dans l’obsession de sa propre santé. »

« Il ne s’agit pas seulement de savoir si on est malade, mais aussi de connaître ses capacités ou son état physique. Ai-je faim ? Sinon, pourquoi vais-je grignoter ? Si oui, qu’est-ce qui me ferait plaisir de manger ? Ai-je sommeil ? Si oui, pourquoi n’irais-je pas dormir un moment ? Vous voyez : si on s’écoute, on peut en déduire beaucoup de choses intéressantes… »

« Oui, mais il ne faudrait pas passer son temps à se parler à soi-même, ça fait des silences dans la conversation avec les autres. Ils peuvent se demander si ça va… »

« Le problème, c’est que mon auto-conversation m’intéresse beaucoup plus que les conversations de comptoir ou de cantine. »

« C’est de la méditation. »

« Si vous voulez, ça me permet de mieux me connaitre. Sinon, on coexiste avec soi  pendant quatre-vingt-dix ans sans vraiment savoir qui est l’individu qui nous habite. On rejoint le niveau de la machine animée. »

« Et alors, une fois que vous vous connaissez ? »

« Ce n’est pas seulement un exercice tourné vers soi-même, c’est aussi une façon de comprendre comment on réagit à un évènement externe. Par exemple, je suis sûr que vous avez horreur des piqures médicales, mais si vous réfléchissez bien à ce que ça vous fait, vous aurez moins mal. »

« Ah bon ? »

« Ou alors, lorsque vous apprenez que vous avez perdu au loto, la nouvelle bouleverse moins l’individu qui vous habite, car vous aurez pris soin de réfléchir à la véritable place que tient le hasard dans votre vie. »

« Et quand vous loupez votre train, ça ne vous énerve pas ?… »

« Un peu, mais si vous vous êtes convaincu que des crispations répétées de votre système nerveux est néfaste sur votre espérance de vie, ça change tout. »

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