Archive pour le 28 février, 2014

Laisser un nom dans l’Histoire

28 février, 2014

« Dire qu’il y a des gens qui attachent leur nom à des plats : la sauce Béchamel, la sauce Mornay, le steak Châteaubriand…. Il faut être de haute naissance pour que son pseudonyme soit lié à une salade ou un flan… Personne ne se souviendra de ma cuisine, c’est assez injuste. La grande cuisine est aristocratique. »

« Bon, certes Louis de Béchameil était un peu marquis et Mornay un peu duc, mais regarder les sœurs Tatin, d’honnêtes commerçantes de Sologne ! »

« Euh, ça ne compte pas. On dit qu’elles ont inventé la tarte Tatin par erreur. C’est assez pittoresque. Moi, je n’ai rien créé en me trompant. Je bosse comme il faut. »

« L’ennui avec vous, c’est qu’une salade Dugenou, ça ne sonne pas très bien. Vous ne pourriez pas changer de nom ? »

« Euh… non, c’était celui de mes aïeux. »

« Vous pourriez dédier un mets à une belle femme comme Madame Melba, cette célèbre cantatrice qui a inspiré la pèche du même nom à un admirateur. »

« Non, je ne me vois pas inventer la banane Josiane, ça fait curieux. Et elle risque de mal le prendre. »

« Et Monsieur Parmentier qui non seulement introduisit la patate dans notre alimentation, mais qui chercha à la valoriser dans son magnifique hachis ? »

« Oui, ça c’est bien. Pas très raffiné, mais bien. »

« Le chanoine Kir s’est distingué dans le domaine de l’apéritif. »

« Certes, mais enfin, je ne vois pas les gens s’attabler et commander un Dugenou ! »

« Ou alors essayez d’inventer quelque chose de banal comme le baron Bich qui était loin de s’imaginer que des millions d’êtres penseraient à lui en s’emparant de leur stylo à bille tous les jours. »

« Encore un noble ! »

« Euh…. Je vous rappelle tout de même que c’est un modeste citoyen, Monsieur Rustin qui inventa la rustine. »

« Tous ces noms sont passés dans le langage courant. On ne se souvient plus de l’individu qui était à l’origine de l’invention. »

« Je vois ce que c’est, vous voudriez une rue ou même une avenue. Pour le moment, je n’ai qu’une impasse à vous proposer. »

« L’impasse Dugenou ? Bon ! A la rigueur, mais il faudrait qu’elle soit perpendiculaire à un grand nom : le boulevard Victor Hugo, par exemple. Pour qu’on puisse dire : vous laissez Victor Hugo, puis vous arrivez à Dugenou. »