Un beau roman d’amour
« Je vais écrire un beau roman d’amour. Lui sera grand, athlétique, le regard viril et doux, une épaisse chevelure blonde douce et soyeuse, des dents parfaites pour un sourire enjôleur. Et bourré de fric, ça vaut mieux. Elle est une femme aux longs cheveux auburn qui tombent harmonieusement sur des épaules bien dessinées. Elle a les yeux clairs et un sourire éclatant, agrémenté de petites fossettes coquines sur le menton. Avec tout ça, elle est servie par une silhouette de mannequin et des jambes interminables. »
« Bonjour l’originalité ! Et qu’est-ce qu’il va leur arriver ? Ils se rencontrent dans un aéroport, tombent sous un coup de foudre réciproque, en sortant des toilettes ? »
« Euh… non ! Si je commence comme ça, je ne vais pas aller bien loin. Je vais être plus subtil. Lui, ce sera un grand patron, d’où son fric. Il cherche à embaucher une assistante. Lors du recrutement, la fille en question se présente. Elle est refusée. En plus le patron lui jette à la figure tous se défauts : elle se ronge les ongles, elle bafouille, elle ne connait pas le code de la route etc… »
« Donc elle est au chômage et le lecteur s’apitoie, sans se douter une seconde que les deux personnes finiront par se retrouver. »
« Euh… pour faire durer le déplaisir, je vais supposer que la fille perd ses parents et est surendettée. Là, le lecteur pleurniche. Pour un peu, il appellerait le Samu Social. »
« C’est alors que le patron croise la fille dans la rue…. Enfin, elle est dans la rue, lui est forcément bien calée dans les fauteuils de sa limousine conduite par son chauffeur… Pour corser l’affaire, vous pourriez faire renverser la fille par la voiture du type. Mais allez-y mollo, il ne faudrait pas la rendre méconnaissable. »
« Euh… c’est peut-être un peu violent. Je vais faire plus fin. A travers les vitres de sa voiture, il aperçoit la jeune fille en haillons. Leurs regards se croisent. Poussé par une force irrépressible, il commande à son chauffeur de stopper. Il descend de son siège.»
« Et là, hop ! Il embarque la fille et ils vécurent heureux avec beaucoup d’enfants. »
« Vous plaisantez ! Je n’en suis qu’à la page quatre-vingt. Il descend. Il se souvient qu’il a viré la fille de son bureau. Pris de remord, il lui propose son aide. Mais la fille a de la dignité, elle refuse son aumône. Il l’a rejetée, donc elle n’en veut pas, c’est bien fait pour lui. »
« On est reparti pour un tour. »
« C’est là qu’on apprend qu’un dangereux adversaire a monté une horrible machination. Il a payé des tueurs pour éliminer l’homme, un soir, alors qu’il revient de l’opéra avec une jolie femme dans les bras. Une course poursuite haletante s’engage dans les rues noires. Il pleut, c’est mieux. L’homme est sur le point de se faire rattraper quand une porte vermoulue s’ouvre. La jeune fille le fait rentre chez elle au dernier moment et le sauve des griffes des tueurs qui sont fort dépités. Cette fois, ça se passe bien. L’homme est éperdu de reconnaissance, la fille est en position de force puisqu’elle l’a secourue, et hop ! Ils concluent ! »
« Ouf ! J’ai eu peur qu’il y ait encore un rebondissement ! »
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