La haine
3 décembre, 2013« J’ai la haine. »
« C’est-à-dire que vous haïssez tout le monde et que vous ne savez pas pourquoi ? »
« Exactement. J’en suis même à un point où je n’ai pas envie de savoir pourquoi j’aimerais bien vous casser la figure. »
« Qu’est-ce qui vous retient ? »
« Je ne sais pas. Peut-être un reste de civilisation. C’est d’ailleurs extraordinaire. On serait entre hommes préhistoriques, il y a longtemps que je vous aurais régler votre compte, mais tout se passe comme si je portais en moi les progrès de deux ou trois mille ans de civilisation. »
« Bon, ne parlons pas trop de moi. Je crois que vous débordez d’énergie négative. Il faudrait l’exprimer sur quelque chose de manière qu’elle sorte de votre corps. »
« Bin… non ! C’est que je veux la garder. Je n’ai pas trop envie de me défouler aujourd’hui. Je serai obligé de vous dire demain que je vous aime bien, ce serait un comble. Vous devez personnifier tout ce que je déteste : le fric, le savoir, les beaux discours… Tout ça, ça m’agace au plus haut point. »
« Et si je vous trouve quelqu’un qui soit encore plus méprisable que moi, vous finirez par me trouver plutôt sympathique, non ? »
« Il faut voir… Essayez de me montrer quelqu’un qui ait une allure sournoise et qui me lance des regards arrogants, ça m’arrangerait. Et puis, pas trop fort physiquement au cas où je décide de m’affranchir des conventions pacifiques issues de deux mille ans de civilisation. Ensuite, je pourrais peut-être vous trouvez sympa… Mais j’aurais toujours la haine. »
« Vous vous haïssez vous-même ? »
« C’est possible, mais c’est compliqué. Je ne peux tout de même pas me jeter des regards arrogants pour exprimer ma supériorité sur moi-même. »
« Vous pourriez commencer par vous aimer. »
« Je ne sais pas faire. »
« Regardez-moi, je vous aime bien, moi. Il suffit de chercher vos aspects positifs et même les négatifs sont intéressants. Vous êtes vulnérable donc humain. »
« Je comprends rien… Et puis si vous pouviez arrêter de m’aimer, ça ne m’arrange pas beaucoup. Si tout le monde fait pareil, sur qui je vais pouvoir me jeter sauvagement ? Hein ? Vous avez pensé à ça ? Et puis, il ne faudrait pas me dire non plus que je suis un être vulnérable. Vous allez me faire une réputation épouvantable dans le quartier. Tous ceux qui ont encore plus la haine que moi, vont en profiter pour me casser la figure. Je n’ai pas pris l’option judo au collège ! »