Archive pour novembre, 2013
Des demi-dieux
19 novembre, 2013« Je n’aime pas les gens qui se disent perfectionnistes. Pour qui se prennent-ils pour se dire proches de la perfection ? Quelle impudence ! »
« Moi non plus. C’est comme ceux qui affirment qu’ils disent toujours la Vérité et qu’ils ont horreur du mensonge. Il y aurait donc des êtres humains détenteur de la Vérité et qui ne se seraient jamais laissé aller à un petit mensonge pour se sortir d’une situation embarrassante. »
« C’est aussi comme ceux qui se déclarent heureux. Ils auraient donc accéder au Bonheur alors qu’on est tous à se demander ce que c’est ! »
« A mon avis, ils doivent former une caste secrète de demi-dieux, composée de ceux et celles qui sont parfaits, qui disent la vérité et qui sont parfaitement heureux. »
« Vous avez raison. Il va falloir ouvrir l’œil. Je pense que, si on en croise un, le mieux est de s’agenouiller devant lui et de se repentir de toutes nos petites médiocrités. Comme ça, on a peut-être une chance d’être bien vus en hauts-lieux. »
« Oui, il faut prendre des précautions avec ces gens-là. Pour être aussi bons, ils sont sûrement en relation avec le Tout-Puissant. Mais comment les reconnaitre ? »
« C’est simple, ce sont les gens qui ne font jamais d’erreurs. Si vous avez un doute, commettez une erreur devant eux. Si vous vous faites sermonner durement, c’est que vous en avez UN, un demi-dieu qui est parfait, qui ne ment pas et qui est parfaitement heureux. Si vous avez à faire à quelqu’un qui vous dit que votre erreur n’est pas grave, c’est un humain normal. Comme vous et moi, sans intérêt particulier. »
« Je vais essayer avec mon beau-frère, j’ai un doute à son propos. Il a toujours raison. Sur l’autoroute, c’est toujours lui qui conduit bien et les autres qui sont des fous du volant. En plus, quand il parle, il dit toujours : ‘moi, je dis les choses franchement’… C’est très intimidant, on a l’impression qu’il détient la Vérité ! »
« Euh… oui, mais enfin faites attention, il peut s’agir d’un Imbécile. Les Imbéciles, c’est une secte de chenapans qui essaient de se faire prendre pour des demi-dieux. C’est de l’usurpation, une sorte de contrefaçon. Faites le test de l’erreur volontaire pour être sûr. »
« Bon d’accord… Comment faire ? »
« Traverser la rue en courant sans regarder. Si c’est un Imbécile, il s’en fichera complètement. Il y a même des imbéciles qui sont capables de faire la même erreur derrière vous. »
« Je vais faire comme ça. Car si ma sœur a épousé un demi-dieu sans s’en apercevoir, il faut que je la mette au courant. Elle pourrait changer de regard sur son gamin qui n’en fiche pas une rame à l’école, il pourrait être aussi un demi-dieu. »
« …ou alors un Imbécile… avec son regard hagard et sa dégaine avachie, ça ne m’étonnerait pas. On peut aussi repérer les demi-dieux à leur physique : les demi-dieux ont un regard droit qui ne cille pas et une attitude ferme. Ils ne sont jamais fatigués, toujours très dynamiques, prêts à partir au bout du monde. Si votre beau-frère passe son temps avachi devant la télé, je ne crois pas qu’il en soit… ».
Faites vos jeux
18 novembre, 2013C’est la rentrée !
17 novembre, 2013« Si on parlait de la rentrée scolaire ? »
« Quelle horreur ! Moi j’étais malade 15 jours avant et 15 jours après. La rentrée, c’est un truc pour te gâcher les vacances. »
« Tu te souviens de ce que disaient les parents pour te rassurer : ‘Tu as de la chance, tu vas retrouver tous tes copains’… »
« Tu parles…. On retrouvait, au mieux, des êtres humains de la même taille que toi et qui n’avaient –comme toi – aucune envie de se trouver là. »
« Moi, ce qui me démontait le moral, c’est cette odeur de neuf qu’on trouvait partout : dans la classe, dans le cartable, dans les cahiers… Tu avais l’impression fallacieuse d’ouvrir une page blanche de ton existence et que tout serait possible, tout en sachant bien que cette atmosphère allait te sortir par les yeux, un mois plus tard. »
« Et le moment crucial où on attendait le prof pour la première fois en se demandant si on allait se coltiner une peau de vache pendant dix mois ou un être acceptable quoiqu’appartenant au corps professoral. »
« C’était assez stressant en effet, mais pas autant que la consternation qui me saisissait en comptant le nombre de jours qui nous séparaient des vacances de la Toussaint et de Noël. On savait d’ores et déjà que le temps allait être long. La suite nous donnait raison, malheureusement. »
« Les places en classe étaient déterminantes. Il fallait occuper les places stratégiques d’où une mêlée indescriptible au moment de la première entrée en classe. Il ne fallait pas être trop près du tableau pour ne pas être en tête de file lorsque le prof s’énervait, ni dans les derniers rangs puisque c’est là que les enseignants les plus aguerris partaient à la chasse aux fainéants ou aux dormeurs. »
« Oui, et en plus être à côté d’un élève doué, c’était d’une grande aide pour les compositions. Le problème, c’était de repérer le futur premier de la classe dès le premier jour. Un individu binoclard avec l’air ahuri était en général suspecté d’entrée. »
« Le pire du pire, c’était le soir du premier jour quand tu rentrais chez toi. Tu avais l’impression d’avoir subi un mauvais rêve et que le lendemain tu serais en vacances comme d’habitude. Et puis non… le lendemain, ça recommençait… »
« Les premiers contacts avec les profs étaient déterminants. Se faire bien voir au début, en participant à la classe avec vivacité, c’était l’assurance de passer au moins quelques semaines de tranquillité. Par contre, si tu étais pris en train de demander une gomme à ton voisin, c’était le commencement d’une suspicion qui pouvait durer. »
« Pour moi, le plus difficile était de regarder par la fenêtre, les feuilles des platanes qui tombaient tristement dans la cour de récréation. On avait le sentiment oppressant qu’un monde de bonheur s’en allait et ne reviendrait jamais. »
« Oui, et il fallait faire attention de ne pas se faire piquer à trop regarder par la fenêtre. »
Une vie de château
16 novembre, 2013Jeanne est enceinte.
Mais entre elle et Jules un fossé s’est creusé.
Elle s’est construit des châteaux en Espagne.
Ce n’est pas une meurtrière
Mais cette fois, elle monte aux créneaux.
C’en est trop, elle ne passe plus rien aux oubliettes.
Elle ne s’enferme pas dans sa tour d’ivoire.
Pour commencer, elle va aller se distraire à l’Opéra Bastille.
Concours hippique
15 novembre, 2013Les jeunes brûlent d’impatience de grimper dans la hiérarchie.
Ils arrivent avec leurs gros sabots.
Mais Louis prend le mors aux dents.
Il n’aime pas leur manège.
Il leur file une avoinée.
Louis dit que lui, il a blanchi sous le harnais.
Il s’est attelé à la tâche.
Il a cravaché.
En attendant les jeunes doivent bosser : au galop !
Qui veut ne rien gagner ?
14 novembre, 2013« J’ai encore gagné une villa en Espagne, hier. »
« Et moi, je viens d’emporter cinq mille euros en espèces. »
« J’ai beaucoup de chances, la semaine dernière, j’ai empoché deux voitures neuves. Ça tombe de tous les côtés, ça n’arrête pas. »
« Ne m’en parlez pas, moi, on m’a réduit mes impôts et le montant de ma complémentaire santé. Je deviens riche. »
« Euh, vous pensez qu’on peut faire confiance à tout ça ? »
« C’est ce qu’on me dit toute la journée au téléphone. Sauf que pour mes cinq mille euros, il s’agissait d’un tirage au sort et il fallait aller dans un magasin pour valider ma participation. »
« Et alors ? »
« J’ai été dans le commerce en question, j’ai validé ma participation au tirage au sort, j’ai perdu, je suis reparti après m’être fait fourgué quinze mètres carrés de carrelage dont je n’ai pas besoin puisque je viens de faire refaire ma salle de bains. »
« C’est intéressant. Moi, j’ai été voir les deux voitures qu’on m’avait promises, mais le tirage au sort ne m’a pas été favorable non plus. Décidemment, on n’a pas de chance ! Moi, je suis reparti avec quinze boites de nourriture pour chat. Mon chien n’a pas eu l’air intéressé. »
« Vous êtes en train de me dire qu’il ne faut pas croire aux cadeaux qu’on vous fait par téléphone ? »
« Il vaudrait mieux pas. Depuis que j’ai payé cinq cent euros pour apprendre que personne ne pouvait faire baisser mes impôts, je me méfie un petit peu. »
« Bon, alors je vais me contenter de répondre aux sondages. »
« Si vous voulez… Vous allez passer trois quart d’heures pour dire que vous êtes satisfait du gouvernement beaucoup, très beaucoup, moyennement, très moyennement, un petit peu, un tout petit peu… Vous avez du temps à perdre… »
« Euh… non, on m’a demandé hier pour qui je voterai en 2017… moi qui ne sait même pas où je vais passer mes vacances de l’an prochain. »
« Vous avez répondu quoi ? »
« N’importe quoi, comme d’habitude. Et vous comment vous faites ?… »
« J’ai développé mon aptitude à l’impolitesse. Avant, je répondais courtoisement au téléphone, maintenant j’envoie valser, ça me donne une curieuse sensation. J’ai l’impression d’être un être fort qui ne se laisse pas importuner par n’importe qui. Moi, il faut une raison sérieuse pour me déranger. Non, mais alors ! »
« Bon d’accord… votre villa en Espagne, vous me la donnez ? »
A l’arme blanche
13 novembre, 2013Aujourd’hui, il pleut des hallebardes.
Pierre se rend chez Marc : ils se battent à fleurets mouchetés.
Ils sont presque à couteaux tirés !
Pierre voudrait enterrer la hache de guerre.
Peut-être pourront-ils sabrer le champagne un jour.
Mais sa tentative ne sera-t-elle pas un coup d’épée dans l’eau.
Marc lui lance un regard oblique.
Il lève le poing.
Il ne rend pas les armes.
Des mots, toujours des mots
12 novembre, 2013« Pourquoi dites-vous toujours : j’ai envie de dire ?… Vos envies ne nous intéressent pas beaucoup. Vous dites ou vous ne dites pas, c’est tout… »
« C’est un tic de langage. En général, c’est pour annoncer que je vais dire le contraire de ce que vous venez de dire. Je vous préviens par cette formule, c’est plutôt sympa, non ? »
« Euh… non, c’est un peu agaçant. On a l’impression que je passe mon temps à réprimer vos envies de vous exprimer. »
« C’est un peu vrai… Je suis bien obligé de vous signaler de temps à autre que moi aussi, j’ai des envies de m’exprimer dont je vous saurais gré de tenir compte. »
« Bon écoutez, je ne vous en veux pas. Tout le monde à ses tics. Par exemple, Mollard dit ‘en fait ‘ toutes les deux minutes comme s’il avait besoin de se convaincre que son discours est bien ancré dans les faits. C’est énervant aussi… »
« Bin… oui. C’est comme ma gamine qui lance toutes les cinq minutes : ’c’est clair’, surtout quand les choses sont très compliquées. Ce n’est pas très rassurant. »
« Vous avez raison, mais finalement on a tous besoin d’un petit bout de phrase dénué de sens avant de s’engager dans un discours. Moi, je dis souvent : ‘bon’… pour faire semblant de croire que ce je dis est de bonne qualité, mais c’est peut-être très mauvais… »
« Vous dites aussi souvent : ‘si je comprends bien’ »
« Oui, mais là, ce n’est pas un tic, c’est une astuce. Je préviens que ce que je voudrais être sûr de bien appréhender la situation et de partager ma compréhension avec mon interlocuteur. A partir de là, on peut discuter plus efficacement. Vous comprenez ? »
« C’est mieux que de déclarer à tout bout de champ : ‘pour parler franchement’. On a vraiment l’impression que vous passez votre temps à vous exprimer sournoisement et que, pour une fois, vous faites une exception. »
« D’accord, mais alors arrêtez de dire : ‘qu’est-ce que vous voulez que je vous dise’ à a fin de toutes vos phrases, surtout quand vous vous énervez. D’autant plus que, la plupart du temps, je veux que vous ne disiez rien, ça arrangerait tout le monde. »
« Et vous ! Quand vous commencez votre discours par : ‘soyons sérieux’, quelle arrogance ! Comme si tout ce que venaient de dire les autres était complètement nul ! »
« C’est un peu vrai ! »
« On pourrait peut-être envisager de faire des phrases sans les ponctuer d’interjections qui ne veulent rien dire. »
« Ce serait mieux, mais ces bouts de phrases donnent le dixième de seconde nécessaire pour réfléchir à ce qu’on va dire… »
« Remarquez que certains arrivent à faire des discours en utilisant ces seuls mots vides. Autrement dit, ils passent leur intervention à réfléchir à ce qu’ils ne vont pas arriver à dire. »
Un pauvre artiste
11 novembre, 2013Valentin n’est pas un type important : ce n’est pas une huile
Il avait cherché à pigmenter sa vie de couple.
Mais ses relations avec Berthe se sont dégradées.
Il n’est pas verni.
Elle l’a mis à plat.
Il a perdu ses belles couleurs.
Elle a joué sur toute la palette de ses sentiments.
Il ne peut plus l’encadrer.
Même si elle a un beau châssis.