Les bonnes manières

« Moi, j’aime les bonnes manières. Par exemple, vous, ça ne va pas du tout. Hier vous êtes arrivé à huit heures pour diner chez moi. »

« C’est l’heure que vous m’aviez donnée, non ? »

« Non, si vous arrivez à l’heure, vous me mettez la pression. Vous vous doutez bien que je vais être un peu en retard. Allons ! Allons ! Il ne faut pas arriver trop tôt non plus parce que vous allez dévorer tous mes biscuits apéritifs. Ni trop tard parce qu’on a autre chose à faire que de vous attendre. 10 à 15 minutes de retard sont du meilleur effet. »

« Bon d’accord. Et pour le reste, j’étais bien ? »

« Non pas du  tout. Vous avez repris deux fois du fromage. »

« Et alors ? J’aime bien le fromage. »

« Peut-être , mais votre façon de vous jeter sur mon bleu de Bresse m’a donné l’impression que vous aviez encore faim alors que je me suis donné beaucoup de peine pour vous préparer un plantureux repas. »

« Bin, c’est-à-dire que je n’aime pas trop le navarin d’agneau. »

« On s’en fiche un petit peu. La moindre des politesses, c’était d’en reprendre deux fois, voire plus en vous extasiant. »

« Bon, c’est tout ? »

« Non… Vous avez plié votre serviette. Ce n’est pas bien. J’ai eu l’impression que vous vous invitiez pour le lendemain. Vous ne croyez tout de même pas que je vais vous nourrir à l’œil. Surtout que je fais souvent du navarin d’agneau ! »

« J’étais bon dans la conversation ? »

« Non plus. Vous avez passé votre temps à vous entretenir avec la Comtesse, à votre droite en délaissant la Marquise à votre gauche. La Marquise est très vexée. »

« C’est-à-dire qu’elle est nettement moins attirante que la Comtesse. Si je comprends bien, il faut être galant même avec les moches ? »

« Il vaut mieux, oui. Et puis alors votre manière vous étouffer de rire de vos propres plaisanteries …. »

« Ce n’est pas de ma faute, je connais beaucoup de bonnes histoires qui m’amusent terriblement. »

« La Marquise n’a pas ri du tout. Surtout au moment où vous avez éclaboussez sa robe de morceaux de pomme de terre en riant aux éclats sans mettre la main devant votre bouche. Quant à la baronne qui est en face de vous, elle s’est montrée un peu réservée à propos de votre manière de souffler sur votre assiette de potage au prétexte qu’il était trop chaud. Ce n’était pas une raison pour arroser son décolleté. »

Laisser un commentaire