Des mots, toujours des mots
12 novembre, 2013« Pourquoi dites-vous toujours : j’ai envie de dire ?… Vos envies ne nous intéressent pas beaucoup. Vous dites ou vous ne dites pas, c’est tout… »
« C’est un tic de langage. En général, c’est pour annoncer que je vais dire le contraire de ce que vous venez de dire. Je vous préviens par cette formule, c’est plutôt sympa, non ? »
« Euh… non, c’est un peu agaçant. On a l’impression que je passe mon temps à réprimer vos envies de vous exprimer. »
« C’est un peu vrai… Je suis bien obligé de vous signaler de temps à autre que moi aussi, j’ai des envies de m’exprimer dont je vous saurais gré de tenir compte. »
« Bon écoutez, je ne vous en veux pas. Tout le monde à ses tics. Par exemple, Mollard dit ‘en fait ‘ toutes les deux minutes comme s’il avait besoin de se convaincre que son discours est bien ancré dans les faits. C’est énervant aussi… »
« Bin… oui. C’est comme ma gamine qui lance toutes les cinq minutes : ’c’est clair’, surtout quand les choses sont très compliquées. Ce n’est pas très rassurant. »
« Vous avez raison, mais finalement on a tous besoin d’un petit bout de phrase dénué de sens avant de s’engager dans un discours. Moi, je dis souvent : ‘bon’… pour faire semblant de croire que ce je dis est de bonne qualité, mais c’est peut-être très mauvais… »
« Vous dites aussi souvent : ‘si je comprends bien’ »
« Oui, mais là, ce n’est pas un tic, c’est une astuce. Je préviens que ce que je voudrais être sûr de bien appréhender la situation et de partager ma compréhension avec mon interlocuteur. A partir de là, on peut discuter plus efficacement. Vous comprenez ? »
« C’est mieux que de déclarer à tout bout de champ : ‘pour parler franchement’. On a vraiment l’impression que vous passez votre temps à vous exprimer sournoisement et que, pour une fois, vous faites une exception. »
« D’accord, mais alors arrêtez de dire : ‘qu’est-ce que vous voulez que je vous dise’ à a fin de toutes vos phrases, surtout quand vous vous énervez. D’autant plus que, la plupart du temps, je veux que vous ne disiez rien, ça arrangerait tout le monde. »
« Et vous ! Quand vous commencez votre discours par : ‘soyons sérieux’, quelle arrogance ! Comme si tout ce que venaient de dire les autres était complètement nul ! »
« C’est un peu vrai ! »
« On pourrait peut-être envisager de faire des phrases sans les ponctuer d’interjections qui ne veulent rien dire. »
« Ce serait mieux, mais ces bouts de phrases donnent le dixième de seconde nécessaire pour réfléchir à ce qu’on va dire… »
« Remarquez que certains arrivent à faire des discours en utilisant ces seuls mots vides. Autrement dit, ils passent leur intervention à réfléchir à ce qu’ils ne vont pas arriver à dire. »