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Le rapide et le tortillard

25 juillet, 2013

« Moi, je suis un rapide. Je vais vite. Je cours vite, je parle vite, je mange vite. Je suis une vraie bombe, vif comme l’éclair »

« Moi, je suis plutôt lent. Je prends mon temps pour tout.»

« Vous devez être embêté. Vous devez en perdre beaucoup. »

« Peut-être, mais il y a des avantages. Comme je parle lentement les gens comprennent ce que je dis. Je ne mange pas la moitié des syllabes. Du coup, on me trouve plutôt intelligent. Et puis, comme je mange lentement, je peux mâcher les aliments, je digère mieux, je suis en meilleur santé que vous. »

« Oui, mais enfin vous n’êtes pas un rapide comme moi. Socialement, vous avez bien que nous sommes dans un siècle où la vitesse est valorisée. »

« Moi, je préfère quand même aller doucement. Je n’ai pas l’œil sur ma montre, je suis donc moins stressé que vous. Vous êtes peut-être rapide, mais vous me semblez un peu angoissé. »

« Mon stress est le moteur de mon efficacité. Je suis constamment sur le qui-vive, je ne laisserai passer aucune occasion d’améliorer ma situation. »

« Personnellement, je m’améliore lentement. Je regarde autour de moi, je me cultive, je lis … Vous ne lisez pas ? Vous devez être malheureux ! »

« Vous plaisantez ! Le moindre roman fait au moins cent cinquante pages, ça me prendrait tout mon temps. Il faudrait que je lise et ensuite que je comprenne ce que je lis. Si vous croyez que j’ai que ça à faire… Ils n’ont qu’à inventer le roman de trois pages. L’art de la synthèse, ça existe. Nous les rapides, nous le possédons à fond ! »

« Vous vous privez aussi du plaisir de ne rien faire. C’est un grand privilège de passer du temps à ne rien faire de précis. On peut rêver, se détendre, écouter son corps. Vous avez souvent écouté votre corps ? »

« C’est sans intérêt votre truc. Moi, si je n’ai pas un agenda rempli à ras bord jusqu’à l’année prochaine, je suis perdu, j’ai l’impression d’être complètement inutile. Par exemple, si vous me demandiez maintenant un rendez-vous, ce ne serait pas avant trois mois. Et encore ! Pour cinq minutes. »

« Heureusement que je vous demande rien. Remarquez, si on veut se voir, vous n’avez qu’à me demander un rendez-vous à moi ! Je suis très disponible. D’ailleurs les gens louent ma disponibilité. Je les reçois vite et je les écoute longtemps. C’est pour ça qu’ils aiment me parler. »

« Ouh là, là ! Si on commence à écouter tout le monde, on ne s’en sort plus. Je n’ai pas le temps. Je ne suis pas leur confesseur. Il faut me résumer les choses en une ou deux phrases. Si on peut me répondre par « oui » ou « non », c’est encore mieux. »

« Je m’excuse de vous avoir parlé. C’est vrai que vous êtes une flèche. »

« Ce n’est rien. Je sais quand même m’attarder avec des gens comme vous. Mais il va falloir vous secouer un peu, mon petit vieux ! »