Ma charge mentale

« J’ai une piscine. »

« C’est un luxe que vous devez apprécier. »

« Pas tellement, ça me coûte cher en entretien. Tout ça pour faire trempette 15 jours par an. C’est comme la machine à laver ou le frigo, il faut que je tienne une comptabilité de l’amortissement de chaque équipement pour être sûr de pouvoir le remplacer dans de bonnes conditions. »

« Je comprends, c’est du boulot. »

« Plus vous investissez dans le confort domestique, plus vous vous mettez de travail sur les bras et moins vous avez le temps de jouir de votre confort. »

« C’est assez paradoxal en effet. Moi, je ne risque pas d’avoir ce genre de soucis. Je me déplace à pied. Je vais à la piscine municipale pour me baigner. Je lave mon linge à la laverie du bout de la rue. J’emprunte l’aspirateur de ma sœur. Pour le frigo, je vais acheter tous les jours mes plats froids à la supérette d’en bas. Bref, je suis tranquille chez moi. »

« Vous en avez de la chance. Parce que moi, j’entretiens en plus deux voitures. Il faut gérer les dates de vidange et de révision. Sans compter les courses au supermarché, les gamins à mener au lycée ou au sport, l’anniversaire de ma belle-mère, le plombier à faire venir, les factures à payer… »

« Heureusement que je suis suffisamment fauché pour ne pas payer le fisc ou l’EDF… »

« Si je ne veux pas me tuer au repos après m’être suicidé au boulot, je vais être obligé d’employer du personnel de service, ce qui va me ruiner. Il va falloir m’occuper de leurs congés, me coltiner les inspecteurs de l’URSSAF, de l’inspection du travail… Recruter, licencier ! J’en suis découragé d’avance.»

« Finalement, c’est la spirale infernale d’être riche… »

« A qui le dites-vous… Et dire qu’on appelle ça, réussir sa vie ! Qu’est-ce ça doit être quand on la manque ! Comment vous vous en tirez, vous ? »

« Moi, je n’ai pas de boulot, je ne risque pas de mourir d’un excès de travail. Comme je n’ai rien chez moi, je n’ai rien à gérer, c’est la tranquillité assuré. Et comme chez moi, ce n’est pas chez moi, puisque je squatte, ce n’est pas à moi d’entretenir les locaux ! Il ne faut pas exagérer ! »

« Je vois, vous au moins, vous n’êtes pas écrasé par la charge mentale. Pare que figurez-vous que je dois aussi affronter les états d’âme de ma femme, les bêtises de mes gamins. Ah ! La famille, vous avez bien fait de ne pas en avoir non plus. C’est bien simple, j’ai tout ce qu’il me faut, mais je ne fais rien de ce qui m’intéresse. »

« Bon…allez, c’est bien parce que c’est vous, vous me faites cadeau de vos avoirs, et je vous laisse ma tranquillité. Euh… vous pouvez garder votre femme… »

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