Archive pour le 4 juillet, 2013

La quintessence du supporter

4 juillet, 2013

« Les supporters nous supportent quand on gagne. »

« Oui. Et quand on perd, il n’y a plus personne ! C’est la glorieuse ingratitude du sport. »

« En fait quand on gagne, ils s’identifient à nous. C’est comme si c’était eux qui gagnaient. Ils sont comme tout le monde, ils s’intéressent surtout à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. »

« C’est d’autant plus curieux que c’est nous qui avons leur image entre nos pieds. »

« C’est normal, nous jouons au foot mieux qu’eux. »

« Alors, on se demande pourquoi ils mettent leur amour-propre dans notre réussite. Il faudrait imaginer un championnat des équipes de supporters. Là, ils mettraient directement en jeu leur propre amour-propre au lieu de nous crier dessus quand on joue mal. »

« Certes, mais il ne faut pas oublier que le métier de supporter présente un autre avantage, celui de hurler ou de siffler comme un imbécile. Ça fait du bien aux nerfs de vociférer. Pour n’importe quoi, ça n’a pas d’importance. »

« Autrement dit, le supporter est un animal féroce qui hurle avec la meute pour le plaisir de hurler que ce soit pour exprimer un contentement ou un désenchantement… »

« Je le crois. D’ailleurs, il y en a qui ne regardent même pas le match : ils ont le dos tourné à la pelouse. Leur job c’est d’orchestrer les cris d’hyène des autres. »

« On est proche de l’animalité. »

« C’est normal, il faut bien des endroits où l’homme exprime sa part d’animalité sinon il se mettrait en danger. Par exemple, le salarié qui s’est bien époumoné dans les travées du stade pendant le week-end, il est beaucoup plus sympa avec son chef de service quand vient le lundi. D’autant plus qu’il peut refaire le match à la cantine avec les copains et donner son avis sur le match du week-end suivant. »

« Autrement dit, les clubs de supporters participent à la paix social. Ils ne s’en doutent pas, mais les chefaillons dans les entreprises leur doivent beaucoup. »

« Oui, mais c’est un peu dangereux. Quand leur club favori descend en deuxième division, l’amour-propre des supporters est entamé. Pour calmer leur frustration, ils peuvent alors réclamer des hausses de salaires ou des améliorations de conditions de travail pour se réconforter. »

« Finalement, venir gesticuler au stade chaque dimanche, c’est un peu leur aventure hebdomadaire. C’est le moment où ils tremblent ou ils se mettent en danger par joueurs interposés. Il faut avoir un peu peur de perdre quelque chose pour se sentir vivre. Mais c’est mieux si ce qu’on perd n’est pas fondamental pour vivre.  » 

« En fait, le supporter délègue sa part de prise de risque à son équipe favorite. Comme ça, si elle perd, ce n’est pas de sa faute. Si elle gagne, il peut s’enorgueillir d’une victoire puisqu’il était présent pour exprimer son soutien. »