Archive pour mai, 2013
Lui et moi
9 mai, 2013« Parfois, je parle tout seul. »
« Ah bon ? Vous aussi ? Ça vous fait comment ? »
« Comme si un « Autre » m’habitait et empruntait ma voix et ma bouche pour s’exprimer. Sans me demander mon avis et encore moins mon autorisation. »
« Je suis comme vous. Dans ce genre de situation, je m’aperçois que j’ai parlé quand il est trop tard pour ne rien dire. »
« C’est exactement pareil pour moi. Je suis informé de ce que j’ai dit une fois que je l’entends. C’est d’autant plus gênant que je ne suis pas toujours d’accord avec ce que je viens de dire. »
« Et qu’est-ce qu’il dit l’Autre ? »
« Il émet souvent des âneries dont il pourrait se dispenser du type, « c’est bon » ou alors : « ça c’est fait ». Comme si son opinion devait m’intéresser. Je n’arrive pas souvent à avoir le dernier mot. Et vous, ça se passe comment avec Lui ? »
« Il jure comme un charretier. J’ai du mal à expliquer ensuite que je suis bien élevé et que je ne me permets jamais de gros mots. Parce que le pire c’est qu’Il lui arrive de se manifester alors que je suis en public ! Les gens me jettent un regard incrédule quand j’essaie d’expliquer que je ne suis pas tout seul. »
« Ça m’arrive aussi devant mon entourage et ça me mets dans l’embarras. L’Autre pousse des borborygmes incompréhensibles, même pour moi. En général, mes interlocuteurs ne comprennent pas et me demandent de répéter. Ils ont un peu de mal à admettre que je ne sais pas ce que je viens de dire. Certains en déduisent que je les ai insultés et que je n’ose pas le leur avouer. Souvent, ça finit mal. »
« Je vous comprends. Moi aussi, j’ai des difficultés à Le maîtriser. L’autre jour, il dit qu’il en avait marre. Comme ça. Pour rien. On aurait pu croire que c’était moi qui étais fatigué alors que j’étais en pleine forme. Il introduit des tensions dans mon ménage. Ma femme m’a reproché d’être toujours fatigué. J’ai du lui expliquer que j’étais plusieurs. Je crois qu’elle en a déduit que j’étais vraiment fatigué, ce qui était complètement faux. Vous voyez où il me mène ? »
« Ne m’en parlez pas. Le mien peut être infernal. Il ne se contente pas de parler à ma place, mais il s’empare de ma physionomie. La semaine dernière, il a souri à une jeune femme que je croisais dans la rue. Elle s’est méprise et m’a demandé, d’un ton rogue, si je voulais sa photo. Elle n’a pas voulu admettre que ce n’était pas moi le fautif ! »
« Le Mien est un peu sournois car parfois, comme pour se faire pardonner, il me dit des choses rassurantes du type : ça va aller, mon petit père, ne t’en fait pas ! Je ne suis pas bête, c’est pour se mettre dans mes petits papiers et faire oublier ses incartades. »
« Oui, Ils ont intérêt à être sympas de temps en temps, sinon on les fout dehors… »
Un noceur
9 mai, 2013Dans son carton à dessin, Maurice ne manque pas d’ébauches.
Il est cultivé, il a une licence.
C’est un sacré gaillard.
Mais sa famille lui a donné un tour de vis.
A cause de sa liberté de mœurs.
Du coup, sa vie n’est pas une partie de plaisir.
Il a été obligé de revendre sa fiesta.
Au moins, il ne risque plus d’excès de vitesse.
Ou d’amende pour mauvaise conduite.
Il peut rester dans son lit où Gertrude pourra le border.
Tous des malades
7 mai, 2013« Vous avez toujours mal quelque part. »
« Oui, ça me permet de me faire remarquer. Quand je dis que j’ai mal à la tête, c’est pour indiquer qu’il vaut mieux ne pas m’embêter aujourd’hui ».
« Ou alors, c’est pour faire remarquer qu’on peut vous ennuyer avec nos problèmes et que vous saurez être très courageux en nous répondant malgré vos migraines ».
« C’est possible, mais vous, vous faites pire. Vous ne dites jamais que vous avez mal, mais vous faites tout pour qu’on s’en aperçoive. Aujourd’hui vous boitez en attendant que je vous demande ce qui vous est arrivé. Comme ça, vous allez passer pour le type courageux qui ne se plaint jamais ! »
« J’ai eu un petit accident de tennis hier, mais ce n’est rien ! »
« Et voilà ! Non seulement vous vous donnez des allures du héros qui sait ne pas se laisser arrêter par des petits bobos, mais en plus vous vous arrangez pour me faire savoir que vous jouez au tennis le mardi soir pendant que je me tape les programmes débiles de la télé. Ce n’est pas très fair-play.»
« Bon d’accord, la prochaine fois, je me plaindrai tout de suite en arrivant au bureau. On devrait tous afficher nos petits ennuis du jour. Par exemple Duchemin m’a dit que chaque fois qu’il dine chez sa belle-mère, il a des ennuis gastriques le lendemain. C’est intéressant à savoir. Il faudrait calquer l’agenda des réunions de service sur ses diners chez belle-maman. »
« C’est une bonne idée. Mais mes maux personnels risquent de passer inaperçus si chacun a le droit et le devoir d’étaler les siens. »
« Vous pouvez aussi afficher qu’aujourd’hui vous n’avez rien du tout. Ce serait une manière d’attirer l’attention. «
« Oui, mais dans ce cas, tout le monde va me tomber dessus avec toutes sortes de dossiers impossibles à gérer. Le résultat ce sera que je serai crevé le soir. Décidemment, il vaut mieux être malade. »
« Il y a une autre manière de s’en tirer, c’est de déclarer une maladie mentale. Au lieu d’une petite migraine de rien du tout, vous affichez sur la porte de votre bureau que, pour ce jour, vous vous sentez atteint de bouffées délirantes. Je serais étonné qu’on vienne vous déranger dans la journée. »
« Vous me dites des choses compliquées, vous voyez bien que j’ai mal à la tête. Vous tombez très mal. Un peu de respect pour mes souffrances. »
« Vous voulez que je vous conduise chez le médecin ? »
« Sûrement pas. Je tiens à rester en mauvaise santé. »
« Et si on pensait à ceux qui sont vraiment malades ? »
Diable ! Mon Dieu !
6 mai, 2013Luigi mène un rythme endiablé.
C’est un sacré malin.
Mais sa tante lui a offert un aspirateur.
Il ne sait pas quoi en faire.
Le ménage n’est pas son truc : il laisse Luce y faire.
Il lui a promis des monts et merveilles.
Luce est un ange.
Elle a de l’esprit.
On lui donnerait le Bon Dieu sans confession.
Luigi devrait l’emmener dans un endroit paradisiaque.
Evaluons-nous !
6 mai, 2013« Quels sont vos objectifs ? Vous devez avoir des objectifs, c’est obligatoire dans votre métier ou chez vous. Sinon vous vivez très mal. Alors ? »
« Euh … »
« Bon, je vais vous aider. Hier, vous êtes allé chez le charcutier. Dans quel objectif ? »
« Bin, je voulais me payer une petite andouillette. »
« Et vous êtes revenu avec deux tranches de jambon ! Mais vous avez complètement échoué dans la poursuite de votre objectif ! N’ayez crainte, ça arrive. Nous allons examiner les raisons de cet écart. »
« Bin, quand je sui arrivé chez le père Marius, j’ai vu ce jambon cuit à l’os qui me semblait diablement appétissant. J’aime bien me faire un petit plaisir de temps en temps ! »
« Un Quoi ? Mais vous n’y êtes pas du tout. Si tout les gens cherchent le plaisir, le monde va marcher sur la tête ! C’est incohérent ! Et pourquoi ne pas vous rouler dans la luxure, pendant que vous y êtes ! »
« Si je comprends bien, se fixer des objectifs, c’est encore une survivance des principes de la civilisation judéo-chrétienne. On n’est pas là pour se faire plaisir ! Et non seulement il ne faut pas s’adonner à ses impulsions, mais encore on est condamné à se fixer soi-même ses propres contraintes sous le fallacieux prétexte d’avoir un comportement cohérent qui soit en harmonie avec les nécessités de l’ordre social. »
« Bon, écoutez, je vois que vous n’avez rien compris à la démarche. Je vais encore vous aider. Quel est votre objectif pour dimanche prochain ? »
« Faire du vélo. »
« C’est bien, ça. Vous voyez quand vous voulez… Maintenant, nous allons mettre une action concrète en face de cet objectif. »
« Bin, je vais monter sur la selle et tourner les pédales avec les pieds… »
« Bon, passons. Maintenant, il faut un indicateur qui vous dira si vous avez réussi à atteindre votre objectif. »
« Euh… Je suis peut-être capable de savoir tout seul si j’ai fait du vélo ou pas. Je n’ai besoin de personne… »
« Halte-là ! On ne peut pas être à la fois juge et partie. Il faut une évaluation externe de la réussite de votre action. Sinon comment allez-vous apprécier sa réussite ?»
« Je verrai bien si je me suis fait plaisir ou non… »
« Pff… vous êtes décourageant. Je suis en train de louper mon objectif de vous apprendre à conduire votre vie. D’habitude, les gens normaux ne me posent pas autant de problèmes. Avec votre mauvais esprit, vous n’arriverez à rien.»
Nos belles régions
4 mai, 2013Lucien avait fait une offre de Gascon à Jean
Qui n’avait répondu ni oui ni non, comme un Normand.
Lucien l’invitait à diner : il y aurait du jambon de Bayonne,
Et puis de la salade Niçoise.
Ou alors de la choucroute Alsacienne.
Après le repas, ils pourraient aller voir le défilé des chasseurs Alpins
Et un spectacle de bourrée Auvergnate.
Ensuite, ils repartiraient dans la Limousine de Lucien.
Et Jean pourrait terminer sa journée dans ses vieilles Charolaises.
Mais Lucien tiendra-t-il parole ? Là, l’histoire se Corse.
De la glu
3 mai, 2013Jean accumule les heures de colle.
Il adhère mal au système éducatif.
Il n’arrive pas à fixer son attention.
Il ne devrait pas être aussi souvent connecté à Internet.
Pourtant ses parents sont méritants : ils ont l’âme chevillée au corps.
Même s’ils n’arrivent pas toujours à joindre les deux bouts
Jean est pourtant un garçon attachant.
Mais il faut le visser
Pour éviter qu’il se lie à de mauvaises fréquentations.
Moi-même
2 mai, 2013« Je m’observe souvent moi-même. »
« Ah bon ? Vous n’avez rien d’autre à faire ? »
« Si, mais enfin, c’est la première chose que je vois en me levant. Vous devez être dans le même cas. Vous ne vous regardez pas ? »
« J’évite. La dernière fois, j’ai eu du mal à m’en remettre. Comment faites-vous pour ne pas vous enfuir hors de vous ? »
« Je ne m’attarde pas sur les points négatifs, évidemment. D’ailleurs, ils sont peu nombreux. Il est préférable de cultiver ses points forts plutôt que de se lamenter sur ses points faibles. »
« Moi, je ne m’attarde sur rien. Je m’insère dans la société tel que je suis. C’est à prendre ou à laisser. Si vous commencez à faire des concessions, vous n’en sortez plus. »
« Il ne vous est jamais arrivé d’entendre des remarques à votre sujet qui vous donnent à réfléchir ? »
« Peut-être, mais je n’aime pas qu’on mette en évidence autre chose que mes grandes qualités, sinon je m’énerve et alors gare ! »
« Un jour, vous allez vous tromper, ouvrir votre placard interne et alors là, vous allez être obligé de constater les dégâts. Vous risquez une forte déconvenue. »
« Vous avez raison. Ne tentons pas le diable. Je vais enfermer tout ça et jeter la clé aux orties. Comme ça je serai tranquille. »
« Un accident est vite arrivé. Vous pouvez rencontrer un perceur de coffres-forts mal intentionné qui peut tout déballer d’un simple tour de main : votre arrogance, votre égoïsme, vos limites dans tous les domaines…. »
« Il ne manquerait plus que ça ! Je porte plainte pour viol de la personnalité profonde ! »
« Oui, mais le mal sera fait. Vous serez obligé de constater les dégâts. Tandis que moi, je suis paré, je suis très au courant de mes insuffisances. Je les ai recensées, nettoyées et rangées correctement. Je peux les passer en revue quad je veux. »
« On peut visiter ? »
« Bin… non. Il ne faut pas exagérer. C’est à usage interne. Vous comprenez bien que si tout le monde est au courant de mes malfaçons, des malfrats pourraient s’en emparer à des fins inavouables. C’est comme un musée que je serais le seul à visiter. »
« C’est dommage. Finalement, ça m’intéresserait d’observer un être humain. Autre que moi, bien sûr. »
« Si vous n’avez pas de musée personnel, les autres ne vous inviteront pas dans le leur. Il ne vous reste plus qu’à visiter la prison dans laquelle vous vous êtes enfermé. »
Une femme piquante
1 mai, 2013Jezabel est une femme pointue dans tous les domaines.
Elle a un avis aiguisé sur tout.
Elle sait résoudre des problèmes de maths épineux.
Elle se pique de littérature aussi.
Elle n’est pas prête de pointer au chômage.
Lorsque vous lui cherchez des noises, elle vous darde d’un regard noir.
Elle peut vous décocher des flèches cruelles
Ou des traits d’esprit spirituels.
Car c’est une fine lame,
Très indépendante : personne ne l’a encore épinglée.