Archive pour mai, 2013

Chantons sous la pluie …ou non

21 mai, 2013

« Je ne comprends rien aux paroles des chansons anglaises ou américaines qui passent sur les radios. Ni des françaises d’ailleurs, les chanteurs ne se donnent même plus la peine d’articuler. »

« Aucune importance. Ce qui compte, c’est l’ambiance musicale. Et même l’ambiance tout court. Aujourd’hui, une chanson, c’est du texte à la rigueur, un chanteur ou une chanteuse sexy,  mais surtout de la musique, et des images. On mélange tout et ça fait un clip. C’est-à-dire un truc qui est supposé éveiller toutes vos facultés naturelles : l’ouïe, le vue, la sensualité, voire même le toucher si on vous fait le coup de la réalité virtuelle…»

« Et l’odorat ? »

« Non, on n’a pas encore inventé le clip olfactif, mais ça pourrait être un concept intéressant. En tout état de cause, il ne faut pas rêver : personne ne va ressusciter Georges Brassens rien que pour vous faire plaisir. Ce n’est pas avec ça qu’on pourrait rempli un stade de 50 000 personnes en délire. »

« C’est navrant. Dans le temps, la tradition se chargeait de transmettre des petites comptines d’une génération à l’autre. C’était un héritage culturel. Les parents chantaient « Au clair de la lune » aux enfants dès le berceau pour les endormir, lesquels la reprenait à leur tour pour leurs propres bébés, trente ans plus tard. Je ne vais tout de même pas chanter «Que je t’aime ! » à mon gamin pour qu’il veuille bien aller dans les bras de Morphée. Il va avoir peur. »

« Ce n’est plus un problème. Vous ne léguerez plus de chansonnettes à vos enfants, vous leur léguerez votre Smartphone, ça les intéressera bien davantage. »

« Les jeunes s’enferment dans des écoutes individuelles. On n’en voit plus un qui ne porte pas d’écouteurs dans les oreilles. Ce n’est pas comme dans le temps : on se réunissait tous ensemble autour d’un feu de camp pour chanter des chants entraînant ou « Michaël est de retour ». Ce n’était pas mal, ça forgeait l’amitié.»

« Oui, bon. Mais personne n’a encore sorti « Michaël est de retour » en clip. Il va falloir vous y faire. Pourquoi ne pas vous inscrire à la chorale paroissiale ? »

« J’y ai pensé, mais je ne chante pas très bien, personne n’a voulu de moi. Le curé a dit qu’il va s’engager dans la voie ouverte par les trois prêtres qui ont une si jolie voix. Ce n’est pas avec la mienne qu’il pense réussir… Les chansons traditionnelles étaient faites pour être interprétées par n’importe qui. Maintenant si on veut chanter, y’a plus moyen. On n’a tout juste le droit d’écouter les autres qui n’articulent pas ou dont la voix est couverte par la musique. »

« Il ne vous reste plus qu’à composer votre propre chanson avec une histoire de petits oiseaux et de forêts en espérant qu’elle traverse les siècles… »

« Vous croyez que ça peut marcher ? »

« Rajoutez-y un peu de sexe, ça peut aider… »

Plus c’est différent, plus c’est pareil

20 mai, 2013

« Nous marchons tous sur la trace de nos ainés. Finalement, nous n’avons pas beaucoup d’imagination. On va à l’école, on se marie, on fait des enfants, on va au boulot, on vieillit et on meurt à la fin ».

« C’est un peu réducteur. Vous ne tenez pas compte du progrès technique. Nous vivons de manière plus confortable que les anciens ».

« Bon, peut-être. Disons qu’on ne court pas tout nu en pleine nature à la poursuite du gibier qui nous servira de pitance. Nous ne traversons plus la France à dos de cheval en trois semaines. On ne s’éclaire plus à la bougie. C’est différent, mais enfin c’est toujours pareil. On aime son voisin ou on ne l’aime pas. On est prodigue ou avaricieux. On est menteur ou honnête. On est beau et fort ou laid et en mauvaise santé ».

« Certes, mais que faites-vous du progrès  médical. Par exemple, vous ne mourrez plu à trente ans à la moindre épidémie. Vous vous goinfrez tous les jours à la cantine, la famine n’existe plus…. »

« Oui enfin, sauf pour quelques milliards d’êtres humains dans des contrées lointaines. Et je vous raconte pas les guerres que nous ne connaissons même pas entre peuplades inconnues au fond d’une forêt exotique ».

« Bon, comme je vous connais, vous n’allez pas me dire que le sort de l’humanité vous hante chaque matin lorsque vous mettez les deux pieds sur votre bureau en commandant votre café à la secrétaire que vous maintenez en état de servilité ».

 « Je devrais peut-être penser plus aux autres. Finalement, le progrès dont nous bénéficions ne s’est-il pas accompagner d’un développement de l’indifférence ? Hein ? Dans le temps  il y avait une certaine solidarité entre nos ancêtres paysans. On s’entraidait au moment des récoltes. On se préoccupait des vieux…. Hein… Et maintenant ? »

« Vous n’avez pas de champ de blé que je sache. La civilisation rurale est finie. Il faut regarder la réalité des choses en face, on ne vit plus comme les anciens ! »

« Eh bien, on devrait peut-être ! Je vous donne un exemple d’actualité : nos aïeux avaient horreur du crédit. S’endetter était une infamie. En un mot, on ne vivait pas au-dessus de ses moyens. Si nous en étions restés là, nous n’aurions pas la crise sur les bras. Quand je vois certains s’acheter systématiquement la dernière voiture à la mode ou alors la technologie téléphonique la plus récente, je me dis où allons-nous ? »

« C’est une attaque personnelle ? »

« Euh, non. C’est une réflexion d’ordre générale. Je ne savais pas que vous changiez de voiture deux fois par an ni que vous n’aviez jamais le même téléphone ».

« Finalement, vous avez peut-être raison. Il y a des choses qui ne bougent pas d’une génération à l’autre : la jalousie, l’envie, l’avarice… »

« Oui et puis si on ajoute l’orgueil, la colère, la paresse…. On n’est pas loin des sept péchés capitaux ».

« C’est un résumé intemporel de la nature humaine. On se fait un petit tennis, ce soir ? »

Une vraie friperie

18 mai, 2013

 

Il a pris une veste

Et vient pleurer dans mon gilet

Parce qu’il se retrouve en culottes courtes.

Il a le moral dans les chaussettes.

Il dit qu’il va rendre son tablier.

Personne n’a pris de gants avec lui.

Il avait pourtant des gens importants dans la manche

Auprès desquels il s’est poussé du col.

Je vais lui faire écouter le Boléro de Ravel.

Puis nous partirons pour des vacances sahariennes.

La semaine du blanc

17 mai, 2013

Dehors, la neige étend son blanc manteau.

L’auteur est seul devant sa page vierge.

Il a été prié à l’église de l’Immaculée conception.

Il a passé la nuit à chercher l’inspiration en observant  la voie lactée.

Dans le petit matin blême, il n’a toujours rien à écrire.

Il va se faire porter pâle à son travail.

Il n’est pas fait pour la vie de bureau : c’est clair.

Il préfère rester avec Juliette au regard diaphane

Et à la peau laiteuse.

C’est dit : il l’emmènera en vacances sur la Côte d’Opale.

Faut-il résister aux tracas ?

16 mai, 2013

« On subit tous des chocs dans l’existence. »

« Oui, j’avais remarqué. »

« L’intensité du choc est très variable. Elle peut aller de l’ampoule qui ne fonctionne plus dans votre voiture, jusqu’au décès de votre grand-mère à laquelle vous étiez très attaché, en passant par une lettre qui vous signifie un rappel d’impôts auquel vous ne vous attendiez pas. »

« Le problème ce n’est pas le choc, c’est la capacité de résistance qu’on est capable d’y opposer. Il faut être fort dans la vie. »

« Pas forcément, si vous semblez résister à la peine provoquée par le départ de votre grand-mère, vous allez passer pour un être insensible et indifférent. D’un autre coté, si vous vous effondré en larmes à cause de l’ampoule de votre voiture, vous êtes un homme fragile, excessivement émotif. L’idéal, c’est d’opposer une résistance modérée. C’est compliqué, il ne faut en faire ni trop, ni pas assez. »

« Je trouve que la période d’agacement est au moins aussi pénible que le choc. Il faut savoir se blinder contre la période d’agacement. »

« C’est quoi la période d’agacement ? »

« Tout choc entraine nécessairement un laps de temps marqué par des répliques qui vont vous agacer. Par exemple, dans le cas de l’ampoule de votre voiture, vous allez d’abord constater que vous n’avez pas d’ampoule de remplacement, puis essayer de l’acheter en magasin, comme elle est très spéciale vous ne la trouvez pas, vous menez donc votre voiture chez le garagiste qui est justement fermé ce jour-là, etc… etc… »

« Effectivement, c’est assez énervant. Remarquez que lorsque vous perdez votre grand-mère, il ya des suites aussi : l’enterrement hors de prix vu les tarifs des pompes funèbres, le baratin du notaire auquel vous ne comprenez rien, le partage de l’héritage qui vous laisse sans rien… les réunions professionnelles importantes que vous loupez, etc… etc… »

« En fait, les répliques sont encore plus gênantes que les chocs parce qu’elles durent plus longtemps ce qui fait qu’elles peuvent s’accumuler et que vous pouvez vous retrouver avec un lot de soucis au même moment ce qui finit par émousser votre capacité de résistance. »

«Et supposez à ce moment là que votre chef fasse irruption dans votre bureau en vous criant dessus et là, normalement, vous craquez ! »

« Bon, moralité : la seule façon de s’en tirer, c’est de ne pas avoir de voiture, ne pas avoir de grand-mère, ne pas payer d’impôts et ne pas avoir d’emploi pour ne pas avoir de chef ! Comme ça vous n’avez pas à résister…  Euh… d’un autre coté, je n’ai pas trop envie d’être SDF… »

« Moi non plus. A part ça, ça va, vous, en ce moment ? Vous avez toujours mal au genou ? Votre gamin travaille mieux à l’école ?  Votre voisin est toujours aussi bruyant ? »

Volailles

15 mai, 2013

Il cocotte

Ce jeune coq.

Il se promène pourtant avec de belles poulettes

Sur la crête des montagnes

Vêtu de son pull jaune poussin.

C’est un crâne d’œuf

Qui a une belle plume lorsqu’il écrit.

Mais il est prompt à monter sur ses ergots.

Il se bat alors bec et ongles contre ses ennemis.

Lorsque les français gagnent au foot, il est le premier à crier : cocorico !

Comment parler de soi ?

15 mai, 2013

« Moi, je pratique beaucoup l’autodérision. »

«C’est le signe d’un certain mal-être. »

« Bin… non. Ça veut dire que je ne me prends pas au sérieux, comme  tant d’autres. J’ai conscience que je ne suis pas grand-chose… »

« Vous n’avez pas peur que l’on vous prenne au mot ? Et qu’on vous prenne vraiment pour un pas grand-chose ? Ce serait contrariant ! »

« Si, mais on peut éviter ça. Tout dépend de la manière dont on parle. Moi, je me moque de moi-même en me débrouillant pour avoir une lueur joyeuse au coin de l’œil gauche. Dans le genre : je vous dis ça mais je n’en pense pas un mot, je suis un être d’une grande valeur qui dit le contraire pour qu’on lui dise l’inverse. »

« Ce n’est pas simple votre truc. Si vous disiez tout de suit ce que vous voudriez qu’on dise de vous ?  »

« Peut-être, mais si j’annonce que je suis un grand écrivain, vous allez me répondre que je ne suis qu’un prétentieux. Et puis vous allez vous gausser de moi d’une manière sarcastique. Je vous en voudrais beaucoup. Vous voyez où ça nous mène ? Non… restons pacifiques. Je vais vous dire : oui, j’écris …mais enfin ce que je produis n’est pas encore très au point… je ne suis qu’un petit scribouillard du dimanche… Là, vous pouvez me répondre : oh…. mais non, non, vous vous débrouillez pas mal ? Vous devriez publier… »

« C’est un peu hypocrite. »

« Oui, mais ça me fait du bien. Comme ça, c’est vous qui l’avez dit, ce n’est pas moi. J’aurai l’impression que mon talent est évident pour les autres, je ne serai plus le seul à m’étonner moi-même. C’est très rassurant ! »

« Et si je vous disais que vos écrits ne valent pas un clou ? »

« Là, je pourrais vous regarder de travers. Mais comme je suis dans l’autodérision, je vous rétorquerai que finalement, vous avez bien raison et que moi-même je n’étais pas loin d’en arriver à la même conclusion. Comme ça, l’herbe sera coupée sur vos pieds. Vous ne pourrez pas m’enfoncer davantage que je m’enterre moi-même. Ce qui ne m’empêchera pas de continuer à écrire jusqu’à rencontrer quelqu’un qui s’exclame : vous vous débrouillez bien… vous devriez publier… Et puis, il est probable que je ne vous fréquenterai plus. »

« Donc, vous ne supportez pas la vraie critique. C’est complet ! Vous êtes un prétentieux qui se cache habilement.»

« Si, je supporte ! Je suis en train de vous dire que j’ai beaucoup de recul sur ce que je produis. Donc, je me soumets volontiers à la critique. Je suis conscient d’être un être imparfait ce qui n’empêche pas que j’aime bien qu’on me dise le contraire. »

« Bon, si on parlait d’autre chose. De moi, par exemple… »

Encore une histoire d’argent !

13 mai, 2013

Marie est professeur d’économie politique.

Elle ne s’épargne aucun effort pour bien recevoir ses amis.

Elle ne les accueille pas à la fortune du pot.

Elle sort ses couverts en argent.

Marie est un peu végétarienne : elle mange des radis

Et de l’oseille.

En hiver, elle porte des bas de laine.

Elle a le sens des valeurs, Marie.

C’est un vrai trésor de générosité.

Mais quand un homme la cherche, elle sait lui rendre la monnaie de sa pièce.

 

Tout va mal, tout va bien

12 mai, 2013

« Je suis optimiste : l’emploi va repartir. On embauche dans le traitement des déchets, dans les hôpitaux et cliniques, dans le nettoyage… »

« Si je comprends bien, l’emploi repart dans les activités qui consistent à réparer les dégâts humains ou matériels du fonctionnement de la société. Autrement dit l’espoir , c’est que nous gaspillions beaucoup plus de choses dans les poubelles, que nous nous rendions malades et que nous soyons très sales… pour relancer l’économie. Ce n’est guère stimulant. »

« Je reconnais qu’il  y a là un léger problème. C’est sûr que si nous étions tous en très bonne santé, les hôpitaux seraient vides et obligés de licencier et l’industrie pharmaceutique se trouverait en grand danger. Il ne faudrait pas non plus que nous ne produisions plus assez de déchets !… »

« Oui, on peut aussi espérer que le chômage ne baisse pas trop pour ne pas mettre les employés de Pôle Emploi au … chômage. »

« Il faudrait que le fonctionnement de la société continue de se dérégler. Par exemple, des entreprises proposent de faire les courses des ménages qui n’ont plus le temps de la faire. Si nous entrions dans une époque où le rythme quotidien s’apaiserait, où chacun aurait du temps devant soi, les activités en question deviendraient inutiles…. Et alors là ! Autre exemple : grâce à l’insécurité, les entreprises de sécurité prospèrent, la police et la gendarmerie embauchent à tours de bras ! Entretenons le sentiment d’insécurité ! »

« On vit un monde bizarre : ça va mal et on peut espérer s’en tirer justement parce que ça va mal ! Je m’inquiète ! »

« Quand ça ne va pas assez mal, il n’y a qu’à laisse peser la menace que cela va aller encore plus mal. C’est ce qui explique à mon avis le succès des salles de sport. Il suffit de montrer le danger de l’obésité et des maladies cardio-vasculaires aux Etats-Unis pour que tout le monde s’y précipite. »

« Ou alors, il y a plus subtil : quand ça va très mal, on imprime de nouveaux billets de loto, les joueurs croient pouvoir gagner facilement de l’argent. Le résultat c’est  qu’ils perdent le leur et que ça va donc encore plus mal. C’est tout bénéfice ! »

« Et puis, on peut développer la formation professionnelle. Les gens qui ne sont plus employables sont ainsi recyclés dans des stages qui emploient des milliers de formateurs. C’est la même logique, on détruit, on répare et ça relance la machine infernale. »

« Bon, mais ça  vaut quand même mieux que de vivre au Moyen-âge où il n’y avait rien à détruire. »

« Certes, mais on pourrait vivre dans une société d’abondance qui ne détruirait pas les ressources humaines et matérielles. »

« Ça ne va pas, non ? Vous voulez notre perte ? »

A notre rayon mobilier

11 mai, 2013

Jules est  carré comme une armoire à glace.

Il a gagné des concours de chant dans un fauteuil

Car il a du coffre.

Il a épousé Jeanne, une bergère.

Qu’il a rencontré dans une bibliothèque.

Mais Jeanne boude souvent, c’est une boudeuse.

Sa sœur Eloïse était une coiffeuse.

Jules préféra mettre Eloïse dans son lit.

Ce qui eut pour résultat de le mettre dans le pétrin.

Jeanne traita sa sœur de vieille pouf.

Puis elle est partie : elle ne tiendra pas le chandelier.

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