Moi-même
2 mai, 2013« Je m’observe souvent moi-même. »
« Ah bon ? Vous n’avez rien d’autre à faire ? »
« Si, mais enfin, c’est la première chose que je vois en me levant. Vous devez être dans le même cas. Vous ne vous regardez pas ? »
« J’évite. La dernière fois, j’ai eu du mal à m’en remettre. Comment faites-vous pour ne pas vous enfuir hors de vous ? »
« Je ne m’attarde pas sur les points négatifs, évidemment. D’ailleurs, ils sont peu nombreux. Il est préférable de cultiver ses points forts plutôt que de se lamenter sur ses points faibles. »
« Moi, je ne m’attarde sur rien. Je m’insère dans la société tel que je suis. C’est à prendre ou à laisser. Si vous commencez à faire des concessions, vous n’en sortez plus. »
« Il ne vous est jamais arrivé d’entendre des remarques à votre sujet qui vous donnent à réfléchir ? »
« Peut-être, mais je n’aime pas qu’on mette en évidence autre chose que mes grandes qualités, sinon je m’énerve et alors gare ! »
« Un jour, vous allez vous tromper, ouvrir votre placard interne et alors là, vous allez être obligé de constater les dégâts. Vous risquez une forte déconvenue. »
« Vous avez raison. Ne tentons pas le diable. Je vais enfermer tout ça et jeter la clé aux orties. Comme ça je serai tranquille. »
« Un accident est vite arrivé. Vous pouvez rencontrer un perceur de coffres-forts mal intentionné qui peut tout déballer d’un simple tour de main : votre arrogance, votre égoïsme, vos limites dans tous les domaines…. »
« Il ne manquerait plus que ça ! Je porte plainte pour viol de la personnalité profonde ! »
« Oui, mais le mal sera fait. Vous serez obligé de constater les dégâts. Tandis que moi, je suis paré, je suis très au courant de mes insuffisances. Je les ai recensées, nettoyées et rangées correctement. Je peux les passer en revue quad je veux. »
« On peut visiter ? »
« Bin… non. Il ne faut pas exagérer. C’est à usage interne. Vous comprenez bien que si tout le monde est au courant de mes malfaçons, des malfrats pourraient s’en emparer à des fins inavouables. C’est comme un musée que je serais le seul à visiter. »
« C’est dommage. Finalement, ça m’intéresserait d’observer un être humain. Autre que moi, bien sûr. »
« Si vous n’avez pas de musée personnel, les autres ne vous inviteront pas dans le leur. Il ne vous reste plus qu’à visiter la prison dans laquelle vous vous êtes enfermé. »