Parlons d’argent
25 avril, 2013« Si on parlait d’argent ? »
« Il ne vaudrait mieux parler d’autre chose, ça se finit toujours mal. »
« Pourquoi ? »
« Il y a deux solutions. Si vous en gagnez plus que moi, je serais obligé de vous jalouser un peu, tout en vous parlant avec déférence. Bref, je ne serai pas très à l’aise. Si je gagne plus que vous, je ferais semblant de ne pas m’en apercevoir pour ne pas vous intimider. Vous voyez, c’est compliqué dans tous les cas. »
« D’après vous, nous devrions ne pas en parler ? »
« Non plus. Si nous n’en discutons pas, vous allez m’accuser d’avoir des tabous, ce qui n’est pas très bien vu dans la société d’aujourd’hui. »
« On pourrait revenir au troc ? »
« Je ne suis pas favorable car si je vous donne un kilo de sucre contre trois kilos de cerises, chacun de nous va se demander s’il ne sait pas fait avoir par l’autre. Cet échange va alimenter la suspicion réciproque, ce serait assez malsain. »
« Bon, alors on fait comment ? »
« On pourrait peut-être en parler pour se demander pourquoi on ne peut pas en parler. Comme ça, on aurait une attitude décontractée vis-à-vis de l’argent tout en évitant de comparer nos situations financières respectives. »
« C’est curieux tout de même d’en arriver là. Qu’est-ce que ça peut vous faire que je gagne plus que vous ? »
« Ça me renvoie l’image de mes échecs. C’est désagréable. Je serai obligé de penser que vous êtes un être arrogant et imbu de votre personne qui ne pense qu’au fric. »
« Pff… Bon, finalement, on va en revenir aux vieilles recettes. Les riches vont avec les riches et les pauvres avec les pauvres. Il suffit de remettre en place des codes qui permettront à chacun de savoir à qui il a à faire. »
« Euh… ça s’est assez mal fini en 1789.. »
« Donc il reste plus que la solution de ne pas se parler ou alors de se comporter comme des loups qui établissent une hiérarchie entre eux par le seul biais de la force. Les plus faibles savent qu’ils sont plus faibles et respectent donc les plus forts pour ne pas prendre une raclée. On n’a encore jamais vu de révolution sociale chez les loups. »
« Votre solution est parfaitement réactionnaire, je suis outré. Après vingt siècles de civilisation, nous n’allons tout de même pas retomber dans l’animalité. »
« Bon, alors c’est quoi la solution ?»