Les Gêneurs Professionnels
19 avril, 2013« A la caisse du supermarché, je tombe toujours derrière la ménagère qui a oublié son code ou alors celle qui a acheté le seul produit du magasin qui n’a pas de prix. C’est usant pour les nerfs. »
« Moi, je suis dans la file de celle qui met trois heures à ranger ses marchandises dans son caddy. D’ailleurs, c’est la même qui a mis son chariot en travers de l’allée de façon à me barrer l’accès au rayon des conserves. »
« Le Gêneur Professionnel me piste partout. Il est encore devant moi au péage de l’autoroute. Il fait semblant de ne pas trouver sa carte bleue pour me retarder le plus possible. Ou alors sa carte bleue ne marche pas et il faut reculer pour passer devant une autre cabine. C’est encore plus stressant quand vous avez dix conducteurs derrière vous auxquels vous devez expliquer qu’il serait sympa de reculer de façon à ce que vous puissiez effectuer la manœuvre. En plein mois d’aout par 35 degré au niveau du bitume, la scène ne manque pas de sel. »
« Ne vous plaignez pas, moi, ils sont plusieurs à m’attendre chez le médecin. J’ai rendez-vous à quinze heures et c’est justement ce jour-là que l’association des Gêneurs a décidé d’envoyer ses hommes de mains pour raconter leur vie au toubib avant moi. J’ai encore en mémoire leur sourire sarcastique dans la salle d’attente au moment où ils se lèvent pour suivre le médecin dans son cabinet. »
« Je vois que vous les connaissez. Moi, ils m’attendent fréquemment dans le train avec de très nombreux bagages à la main pour me bloquer le passage dans l’allée centrale. Les grands jours, ils portent des skis sur l’épaule pour essayer de m’éborgner sans le faire exprès. »
« C’est normal. C’est leur job de se précipiter en masse là où vous êtes pour vous gâcher la vie. Au mois de juillet, sur la plage, ils viennent étaler leurs serviettes sur la mienne alors que s’ils étaient de bonne foi, ils pourraient très bien le faire à six heures du matin et s’en aller avant que j’arrive. En plus, ils me jettent leur ballon de volley en pleine figure pendant que je lis mon journal pour que je remarque bien leur présence envahissante. C’est très intéressant. »
« Ne m’en parlez pas ! Après la plage, je vais au restaurant en espérant être tranquille. Eh bien, non ! Ils sont encore là pour exiger de la serveuse qu’elle leur explique le menu en détail de façon à retarder très longtemps le moment où je pourrais passer ma commande et celui où quelque chose arrivera dans mon assiette ! »
« Ce sont les mêmes qui se garent à cheval sur deux places de parking de façon à vous obliger à stopper votre véhicule le plus loin possible de votre objectif. »
« On les retrouve aussi à Pôle Emploi, ils essaient de prendre votre place dès qu’un poste de travail se libère quelque part. Ou alors à la CAF où ils font semblant d’avoir une situation personnelle extrêmement compliquée pendant que vous attendez votre tour comme un nigaud ! »
« Je vous arrête ! Il ne faut pas gêner les Gêneurs. Les Gêneurs sont chargés de vous faire perdre du temps et de vous énerver. Sans eux, vous auriez du temps de libre que vous pourriez occuper sereinement. Vous pourriez même devenir heureux de vivre. C’est ça que vous voulez ? Allons, allons, soyons sérieux ! »