Parlons !
20 janvier, 2013« Vos chroniques ne sont guère intéressantes. Vous parlez toujours de la même chose. La communication entre les êtres, la vanité humaine, le mal-être… Vous êtes malade ? Un vrai psychopathe ! On a l’impression que la vie vous a rendu très amer ! »
« Bin… oui, peut-être. J’écris à propos de ce qui me travaille. Et de ce qui peut peut-être intéresser les autres. Si je parle de foot ou de tricot, je vais perdre les trois-quarts de mes lecteurs. Finalement le sujet qui nous réunit, c’est la nature humaine. »
« C’est pas sûr. Moi, si je vous dis qu’il fait beau pour la saison, c’est peut-être nul comme remarque, mais je n’ai aucune envie de savoir que c’est nul, ni que vous vous demandiez pourquoi je passe mon temps à faire des réflexions sans intérêt. Je n’ai pas besoin de vos leçons. »
« J’essaie d’aller au-delà des évidences. Si on ne s’intéresse qu’à la superficialité des choses, nous n’irons pas plus loin que le dodo-métro-boulot. Nous ne sommes pas des mécaniques ! Nous avons un cerveau ! »
« C’est ça qui est gênant. Il ne faut pas que je réfléchisse à ma condition, ça me dérègle. Mon médecin préfère que je reste dans mon confort intellectuel. Vous comprenez bien que si je commence à me poser des questions sur le sens de mon existence, je vais sûrement être malheureux. Et recourir à des tranquillisants, aggraver le trou de la Sécu etc… etc… »
« Bon, vous avez raison. Excusez-moi de vous déstabiliser. Qu’est-ce que vous pensez de la météo aujourd’hui ? On dirait que le temps se radoucit. »
« Je ne saurais pas le dire. Pour affirmer qu’il radoucit, il va falloir que nous nous mettions d’accord sur un point de comparaison dans le temps : hier, la semaine dernière, le même jour de l’année dernière ? Vous voyez : votre façon de poser la question devient vite compliquée. Vous ne pourriez pas faire plus simple ? »
« Par exemple ? »
« Dites : tiens, il fait chaud aujourd’hui ! J’ai enlevé une couverture cette nuit ! Des faits, rien que des faits ! »
« Oui, mais le fait que j’ai enlevé une couverture pour dormir ne peut pas vous intéresser ! »
« Oui, je m’en fous complètement. Pour me venger, je vous répondrai que j’ai pour ma part dormi la fenêtre ouverte, ce qui ne nous fera pas avancer non plus. Heureusement. »
« Je comprends. Le problème n’est pas d’avancer. Du surplace, rien que du surplace. Je vais essayer de pratiquer la vacuité du propos. C’est tout un art. »
« Vous voilà enfin raisonnable. On va peut-être pouvoir discuter de choses qui ne servent à rien. Je commence… Il y a du couscous à la cantine aujourd’hui. Mais personne ne le réussit aussi bien que ma belle-sœur, originaire de là-bas… »
« Moi, je n’ai pas de belle-sœur, mais je peux parler des paupiettes de ma tante… »
« Vous recommencez à dévier. Vous apportez une information précise sur votre famille… c’est intéressant, ça ne convient donc pas du tout. Il suffirait d’approuver ce que je dis. Si je vous parle du couscous de la cantine, il suffit de répondre : ah ! oui ! c’est vrai qu’on est vendredi ! Ça, au moins, c’est sans intérêt !