Archive pour le 15 janvier, 2013

Rouspéter, c’est bon pour la santé

15 janvier, 2013

« J’aime bien discuter avec vous. »

« Moi pas tellement. Vous êtes toujours en train de rouspéter contre tout. Le temps, le gouvernement, les femmes, les enfants… »

« Bin… justement, comme vous êtes content, moi ça me donne la possibilité de faire part de mes problèmes et de rouspéter tranquillement. Avec Marcel, c’est compliqué, il rouspète mieux que moi, je ne peux placer un sujet de mécontentement, il a toujours une raison supérieure à la mienne de ne pas être satisfait. Il arrive à être déçu par lui-même ! »

« En effet, c’est contrariant. Vous n’avez jamais essayé de vous féliciter de quelque chose ? Par exemple d’un bon repas chez la mère Guillaume ? »

« Si pour ce qui est de la bouffe, il n’y a rien à dire. La mère Guillaume sait tenir un bistrot. On peut s’attabler avec les copains, on est bien traité. Et puis, on peut rouspéter pendant des heures contre tout, personne ne viendra nous interrompre. »

« Pourtant l’autre jour, vous sembliez content de partir en congé ? »

« Oui, mais c’était pour mieux protester contre le boulot. »

« Vous n’êtes plus au chômage ? »

« Si, mais ce n’est pas une raison pour ne pas protester contre le boulot, en général. S’il n’y avait plus de boulot, il n’y aurait plus de chômage. Ce qui nous rend malheureux, c’est le manque. Le manque de quelque chose. Si vous supprimez le quelque chose, il n’y a plus de manque. Et s’il n’y a plus de manque, vous n’êtes plus malheureux. »

« J’avoue que je n’y avais pas réfléchi. » 

« Heureusement, on est loin d’en être là. Comme je manque de tout, je ne suis pas près de manquer de sujets de rouspétance. »

« Allons, allons … vous avez une petite famille, un petit logis, un petit… »

« Oui, justement… tout est petit. Même ma taille, je manque de grandeurs. Vous voyez : encore un sujet ! On ne s’en sort pas ! Comment faites-vous pour vous féliciter de tout ce qui vous passe à portée de mains ? »

« N’exagérons pas. Je sais faire la part des choses et ne retenir que le côté positif des choses. Par exemple, quand il neige, je suis content parce que c’est joli… »

« Oui, mais alors pour sortir de chez soi, c’est galère. Moi, je veux bien qu’il neige mais pas devant chez moi. Sur le trottoir d’en face ce serait parfait… mais Jules qui y habite n’est pas d’accord, il n’aime pas prendre la pelle pour déblayer la neige. Quelle paresse ! »

« Bon, finalement je me suis trompé : vous avez une conversation intéressante, je vous en remercie… »

« Vous voyez comme vous êtes. Vous trouvez encore le moyen d’être content et béat de ce que je vous raconte. Pourtant, je ne dis rien de positif. Je n’arrive pas à être aussi négatif que Marcel, mais enfin vous ne devriez pas être enchanté de ma conversation. Moi, quand Marcel me parle de tous ses soucis, je suis ulcéré ! »