Archive pour le 6 janvier, 2013

En haut de l’échelle

6 janvier, 2013

« J’ai un succès fou. Tout ce que je touche réussit au-delà de mes espérances : le boulot, les femmes… tout ! Il va falloir que je m’arrête un peu…. »

«Ça ne vous monte pas à la tête ? »

« Si un peu. Je me trouve nettement supérieur aux autres. Je ne salue plus personne. Il faudrait que je redescende sur terre. Vous n’auriez pas un moyen de m’aider au lieu de me regarder passer, le nez  enfariné ? »

« Bin, je ne sais pas… Essayez de vous souvenir du temps où vous ramiez comme un malade. Rien ne vous réussissait. Vous veniez pleurnicher. Vous  vous comportiez comme un looser… »

« Euh… justement, je n’ai pas trop envie qu’on me le rappelle. J’aimerais mieux dire que je me suis toujours senti promis aux plus hautes destinées. Dès l’enfance. Ça colle mieux avec mon personnage. Il ne faudrait pas que les gens croient que j’ai réussi par hasard parce que je pourrais redescendre rapidement du faîte de la gloire. »

« C’est compliqué. Vous voudriez être au sommet sans en connaître l’ivresse. »

« C’est ça. Si vous pouviez me parler comme à un être normal, ça m’aiderait… Comme à votre collègue de bureau par exemple… »

« Tu viens… on va déjeuner à la cantine… »

« Vous rigolez ou quoi ? Moi, je déjeune tous les jours dans un quatre étoiles. Il faudrait me parler sans oublier les égards qui me sont dus.  »

« Cher ami, nous pourrions nous retrouver ce week-end dans ma propriété de Deauville. Je viens justement d’y faire aménager un dix-huit trous… » 

« Non, décidemment ça ne va pas… Vous allez me parler de mes succès tout le week-end… Ce n’est pas comme ça que je ne vais pas attraper la grosse tête.»

« Ça tombe bien parce que je n’ai absolument pas de propriété à Deauville. A peine un petit studio dan la banlieue parisienne.»

« Parlez-moi plutôt de vos échecs pour que j’ai conscience des dangers auxquels j’échappe grâce à ma notoriété. »

« Bien… Ma société va être vendue aux financiers du Qatar. Des gens impitoyables. Encore pires que les Américains. J’ai une bonne chance d’être licencié et de ne pas retrouver de boulot. A cinquante ans, c’est compliqué. »

« Super !  Vous voyez quand vous voulez vous donner un peu de peine. Là, je me sens tout de suite mieux. Du haut de mes privilèges, je peux observer vos petits malheurs et exprimer un peu de compassion. Je vais pouvoir organiser une émission de télé pour vous venir en aide. J’aurais la conscience tranquille. Ma capacité à  être proche du peuple sera reconnue et, si tout va bien, ma gloire en sortira fortifiée. »