Archive pour le 11 décembre, 2012

Deux héros

11 décembre, 2012

« Il s’est attiré les faveurs de cette femme. Comment a-t-il fait ? »

« Il s’y prend très bien. Il joue les vieux baroudeurs qui sait porter un regard distancié sur la vie. En y mettant beaucoup d’humour, évidemment. Elle s’est marrée toute la soirée. Moi quand j’essaie de faire la même chose, c’est catastrophique, j’arrive à sortir deux ou trous vannes mais je ne suis pas capable de tenir toute la nuit. C’est un métier ! »

« Oui, c’est comme moi. J’ai un petit réservoir d’astuces vaseuses, mais après la conversation roule vite sur des banalités. Peut-être pourrait-on échanger nos collections  de plaisanteries ? On pourrait faire un site pour les types qui sont un peu lourds dans ce genre de circonstances. »

« Oui, mais alors là, on va se faire agresser par les mouvements féministes. On aura l’air de penser qu’il suffit de faire rigoler une femme pour l’attendrir. Les femmes ont d’autres ambitions que de savoir rigoler de nos galéjades. Heureusement pour elles. Même moi, je ne me fais pas rire.»

« Bon d’accord. Mais alors comment on fait ? Moi, je veux bien qu’une femme me séduise en me faisant rigoler. Je ne déclencherai pas une manifestation de rue anti-sexisme pour autant. Je suis très bon public.  Mais les candidates ne se bousculent pas. »

« Pour moi, non plus. Il faut dire que je n’ai pas le style du vieux baroudeur au visage buriné par les épreuves de la vie, tout en ayant l’air serein et un regard plein de bonté pour ceux qui n’ont pas encore vécu. Comment pourrait-on faire pour se faire remarquer ? »

« On pourrait être des héros. Discrets bien entendu, mais en laissant quand même fuiter nos actes d’héroïsme pour qu’elles en soient informées et qu’elles louent non seulement notre dévouement, mais également notre modestie. »

« Il reste plus qu’à trouver une occasion d’héroïsme. Ça ne court pas les rues. Peut-être dans le domaine du sport, mais je cours le 100 mètres en quarante cinq secondes et trois dixièmes. Je ne vais pas aller bien loin avec ça. »

« Moi, c’est pareil. J’ai bien joué arrière gauche remplaçant dans l’équipe de foot du lycée, mais personne n’en a parlé. »

« Et dans le domaine artistique, vous savez faire quelque chose ? Chanter pour les plus démunis par exemple ? »

« Euh… non. Moi, on me paierait plutôt pour que je ne chante pas. « 

« On est mal partis. Le mieux serait peut-être de ne rien faire. Elles pourraient se poser des questions. Que cacheraient nos airs mystérieux ? Peut-être de grands poètes ou alors un aspect fascinant de notre existence que tout le monde ignore ? »

« D’accord. Vous ne voulez pas essayer pour voir ce que ça donne ? »

« Euh… non, vous. Moi, je me suis déjà fait engueuler par ma femme. »