Archive pour octobre, 2012

Expression personnelle

21 octobre, 2012

« Je vous interdis de lancer des cailloux ».

« Mais ça me défoule ! Il faut bien que je passe mon énergie sur quelque chose. Et puis, vous avez vu les ricochets que je réussis ? Il faut le faire »

« Vous pouvez blesser quelqu’un. Imaginez que votre pierre ricoche sur un nageur. Et puis il y a des manières plus intéressantes de dépenser son énergie. Faites du sport, par exemple ».

« Moi, sportif ? Vous n’y pensez pas. Quand vous pensez à tous ces voyous qui vont se déchainer dans les stades ! Je n’ai aucune envie de m’en mêler, je suis beaucoup plus fin. J’ai besoin de nourriture spirituelle ».

« Alors lisez ! »

« Euh, quand je vois tous ces livres, je ne sais jamais par où commencer. Et puis quand je lis, je ne retiens rien. Même pas le titre. Je ne sais pas parler d’un livre quand je l’ai fini. Si j’arrive au bout. Certains lisent cent pages et réussissent à en parler pendant deux cent ».

« Oui, ça s’appelle des critiques littéraires. Si vous n’avez rien à faire, vous pourriez faire des voyages, comme ça vous vous cultivez et vous épuisez votre énergie. Un grand parcours peut être très fatigant, vous savez »

« Non plus. Les ambiances de gare ou d’aéroport me dépriment. Il y a plein de gens qui ont l’air triste. Et puis je ne suis jamais sûr d’être dans le bon train ou le bon avion, ça me stresse. En plus, quand je suis à l’étranger, je me sens un peu déstabilisé dans mes habitudes. J’ai envie de rentrer chez moi ».

« Bon alors, vous pourriez bricoler. Vous êtes chez vous là ! C’est très valorisant de poser sa propre étagère, fabriquée de ses mains. Vous ne verriez personne, vous satisferiez votre besoin de créativité, le rêve quoi ! »

« Et vous trouvez ça intéressant ! Je vais passer mon temps à me taper sur les doigts avec un marteau. Et puis je ne vais pas rester pendant toutes mes journées en adoration devant mon étagère. Surtout si elle s’effondre au premier courant d’air ».

« Si je comprends bien, la seule distraction que vous ayez trouvé, c’est de faire des ricochets avec de gros cailloux au risque de blesser votre prochain ».

« C’est pas bien ? Ça ouvre pourtant une vaste perspective de réflexion : comment un caillou peut-il rebondir sur l’eau au lieu de sombrer ? »

« Si vous vous intéressez aux lois de la physique, c’est une bonne idée. Reprenez vos études à l’Université. Dans quelques années vous seriez un excellent ingénieur ».

« Et voilà, j’en étais sûr. Avec vous, il faut toujours rentrer dans un cadre institutionnel. On ne peut même plus s’exprimer en toute liberté. Tout est cadré, raisonnable : être assez intelligent pour parler d’un livre, sa chasser de chez soi pour voyager, construire une étagère alors qu’on pourrait en acheter une… Vous ne vous sentez pas un peu bridé dans votre expression personnelle ? »

Nos très mauvais poèmes

20 octobre, 2012

Jean avait des amours ancillaires.

Mais il avait souvent des glaires.

Et mal à une molaire.

Il connaissait des galères.

Sans en avoir l’air.

Lorsqu’il faisait un froid polaire,

Il se réchauffait  en éclatant de colère.

Quand il fallait se passer de la crème solaire,

Il ouvrait le frigo pour rafraîchir l’air.

Mais, avec Pierre, leur pitance ils volèrent

Puisqu’ils n’avaient pas de salaires.

 

A notre rayon mobilier

19 octobre, 2012

Il faut se décider et ne pas rester entre deux chaises.

On ne fait rien en restant bien tranquillement dans son fauteuil.

Comme on fait son lit, on se couche.

Il faut savoir quitter la table quand il n’y a plus rien à manger.

Et ne pas pousser la poussière sous le tapis.

Et puis évitons de nous étaler comme une carpette

Devant des armoires à glace.

Voila des lustres que nous nous le répétons !

Décidemment, nous en tenons une couche !

 

La mécanique humaine

18 octobre, 2012

« Il y a toujours des petits détails qui me pourrissent la vie. Il faut recharger le téléphone, penser à payer les impôts, retirer de l’argent au distributeur, mener le chat au vétérinaire, acheter le journal, sortir les poubelles, passer à la boulangerie… Et je me pose quand ? ».

« Vous n’avez pas à vous reposer. Et puis quoi encore ? Vous voudriez avoir le temps de réfléchir peut-être ? Non, vous devez vous lever tôt, bosser, élever vos enfants, consommer pour relancer l’économie, et regarder la télé pour savoir ce qu’il faut penser des problèmes au lieu de perdre votre temps à vous faire votre opinion. C’est comme ça. Et puis à la fin, on vous enterre. »

« C’est gai. Moi, je m’en fiche. Je réfléchis en mettent mes machines à laver en route ou en faisant mon ménage. C’est interdit, je sais. Mais je ne peux pas vivre sans réfléchir ».

« Eh bien ! Il doit être bien fait votre ménage ! Le souci avec vous c’est que vous n’êtes pas assez docile. Vous comprenez bien que si tout le monde met en cause le fonctionnement social même en faisant le ménage, on va droit dans le mur ».

« Et si je prends le temps de réfléchir avant de m’endormir ? »

« Non, ça ne va pas non plus. Les médecins le déconseillent formellement. Au contraire, dès que vous avez la chance d’être dans votre lit, il faut vous décontracter, faire le vide dans votre esprit, ne plus vous sentir concerné par rien. C’est comme ça que vous aurez – peut-être- une chance de vous reposer avant d’affronter une nouvelle journée, strictement conforme à la précédente».

« Si je comprends bien, en état de veille, il faut avancer sans se poser de questions et quand on se couche, il faut s’en poser encore moins ? Et vous croyez qu’on va beaucoup progresser comme ça ? Pasteur n’aurait pas inventé son vaccin s’il n’avait pas bousculé les habitudes de sa vie ».

« Oui, bon peut-être. Mais on n’est plus là. Maintenant, on n’est vacciné contre tout. Si vous ne respectez pas les conventions sociales, vous allez vous sentir frustré. Vous allez être malheureux. Réagissez avant qu’il ne soit trop tard et surtout ne réfléchissez plus. Foncez ! Sans vous écarter du chemin tracé, évidemment».

« Vous voyez ? Avec vous dès qu’on s’interroge, on part en guerre contre l’ordre social ! C’est extraordinaire. Je voudrais simplement de temps en temps me dégager des petits avatars de la vie pour me demander qui je suis réellement. Ce n’est pourtant pas compliqué ! »

« Alors là, évidemment ! Vous allez vous épuiser ! Si vous n’agissez plus mécaniquement, vous n’allez pas en sortir. Un peu d’humilité, vous n’êtes qu’une petite horloge, remontée pour vous agiter sur Terre, selon un mode préprogrammé par des Forces bien plus importantes que vous. Et puis quand le ressort est à bout de souffle. Pff ! C’est terminé ! »

« Bon, voilà le métro qui arrive. Ma mécanique va au boulot !… »

« Ciao ! Demain, même endroit, même heure ! »

Un homme métallique

17 octobre, 2012

Il croit dur comme fer en sa mission.

Il a un moral d’acier.

Et un cœur en or.

Il n’a pas un teint de bronze

Ni beaucoup d’argent.

Il n’attendra pas la fonte des neiges pour se mettre au boulot.

Il bosse même par un soleil de plomb.

Sans passer sur le zinc du bistrot du père Marcel.

Les avantages de la grande distribution

16 octobre, 2012

« Bon, moi je vais à l’hypermarché ».

« C’est une maladie. Chaque fois que vous avez un moment de libre, c’est pour aller au centre commerc à l’hypermarché ».

« C’est normal, ils ont tout à l’hypermarché. Et puis c’est très rigolo de conduire son chariot tout en fouillant dans les rayons ».

« Oui, mais ils ne vendent pas encore de la tendresse ou de l’amitié ».

« Ce n’est pas sûr ! Ils vendent des poissons rouges. Il suffit de les nourrir un peu pour voir leurs gros yeux globuleux se remplir de reconnaissance ! ».

« Et vous appelez ça des rapports humains ? »

« Il y a aussi la caissière. Elle me parle parfois. Elle me dit : « Puis-je voir votre sac, Monsieur ? » ou alors « Bon week-end ! ». Parfois, elle se trompe, elle me souhaite un bon week-end le mercredi ! Nous rions ensemble de cette légère erreur ».

« C’est grave, votre affaire. Il faudrait revenir à l’épicerie traditionnelle. Là, au moins, vous auriez un véritable dialogue avec l’épicier et son épicière ».

« Non, ça ne me conviendrait ps. Parce qu’avec l’épicier, il faut connaître ce que l’on achète. Par exemple, si je veux acheter du rutabaga, il faut que je sache ce que c’est et donc que j’en ai déjà vu ! Tandis qu’à l’hypermarché, je n’ai pas à faire étalage de mon inculture devant un tas de voisins hilares. Je peux tomber sur des rutabagas par hasard et savoir que ce sont des rutabagas rien qu’en lisant l’étiquette. Je pourrais dire alors, d’un air assuré : « Tiens ! Des rutabagas, ça tombe bien ! J’en voulais justement ! ».

« Donc si je comprends bien votre fréquentation du supermarché vous permet de masquer votre vide intellectuel ? »

« C’est un peu ça. Quand j’achète mon journal people, je n’ai pas à subir les regards des gens qui se moquent de moi en pensant que mes centres d’intérêt sont au ras du sol, tout en faisant en sorte d’acheter le même magazine quand personne ne les voit. A l’hypermarché, je mets le journal dans mon chariot et basta ! Lorsque la revue passe sous les yeux de la caissière, je fais semblant de chercher quelque chose dans mon sac pour ne pas avoir l’air bête ou pour éviter le regard de l’employée».

« C’est intéressant comme stratégie. Avec de tels principes, vous êtes sûr de ne pas progresser culturellement ».

« C’est plus sécurisant en effet. Je peux me fondre dans la masse. Me tenir au chaud au sein de la foule des anonymes ».

Notre rubrique agricole

15 octobre, 2012

Ils n’avaient plus de blé.

Même pour déjeuner de leurs céréales habituelles.

Ils ne leur restaient qu’un sucre d’orge.

Ils allaient prendre une avoinée.

C’est certain : ils ne feraient pas un tabac.

Les parents allaient en faire tout un foin.

Ils allaient tirer à la courte paille

Pour savoir qui irait les affronter, tel  Charles Martel se dressant devant les Sarrazins.

Réflexion et action

14 octobre, 2012

« Assez de mots ! Des actes ! »

« Moi, je veux bien faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Par exemple, si je fais des œufs sur le plat, est-ce que ça vous va ? »

« Vous voyez, vous continuez à parler alors que la situation exige un esprit de décision ! Quel homme pusillanime vous faites ! Soi-dit en passant, je ne prends pas d’œufs à dix heures du matin. Faites autre chose ! Des actes ! Allons des actes ! »

« Bon alors, je pourrais écrire au Président de la République pour exprimer mon inquiétude légitime de citoyen. Je ne sais pas à quel sujet, il faudrait que nous en parlions ».

« Encore parler ? Et puis, vous croyez qu’il n’a que votre courrier à lire, le Président de la République ? Ce n’est pas très concret tout ça ! Heureusement que je suis là ! »

« Bon, alors qu’est-ce que vous proposez comme passage à l’acte ? »

« Il faut se battre. On n’en sortira pas sans se battre. Tous ensembles ! Tous ensembles ! Ouais ! »

« Bon d’accord. On ne va pas faire d’œufs sur le plat, on n’écrit à personne, on va défiler comme la semaine dernière. Et après ? »

« Ah, je l’attendais celle-là ! Si personne n’avait défilé dans la rue, croyez-vous que vous pourriez faire tranquillement vos trente cinq heures, aujourd’hui ? Hein ? »

« Euh, bin non. Mais j’aime bien savoir pourquoi j’agis ».

« Vous intellectualisez le problème pour mieux vous dissimuler. Moi, je dis qu’il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. Devinez dans quel camp je me place ? »

« Je crois que je devine. Mais on pourrait quand même imaginer une sorte d’échanges de vues lorsqu’un problème se pose à la collectivité. Même chez les bêtes sauvages, on observe la situation avant de foncer dans le tas ».

 « Vous n’allez pas me faire la morale. Les vertus du dialogue et tout ça ? »

« Prenons le problème autrement. Agissons contre la faim dans le monde. Allez, agissez ! »

« Euh… bin, il faudrait trouver de la nourriture, des camions, voir où sont les priorités, établir des itinéraires, des modes de distribution… »

« Ah, vous voyez, vous commencez à bavarder. Vous avez besoin de réfléchir à ce que vous allez faire avant de passer à l’action. Il ne suffit pas de dire : des actes ! ».

« Vous ratiocinez, mon cher. Je ne suis pas idiot. La réflexion précède l’action, je n’ai jamais dit le contraire. Mais moi, je n’en reste pas à la réflexion comme certains intellectuels de ma connaissance. Suivez mon regard. Bon, je vais faire un effort : il y en a qui sont plus doués que d’autres pour organiser l’action. Je ne parle pas de vous, vous me paraissez du genre à couper les cheveux en quatre et à me freiner dans mon élan de générosité. Il me faudrait quelqu’un qui dispose d’une armée de camions pour transporter des tonnes de riz. On ne trouve pas ça comme ça. Finalement, je prendrais bien vos œufs sur le plat. On aurait le temps d’en discuter ».

Ainsi font, font…

13 octobre, 2012

Il a bon fond

Mais il n’a plus de fonds.

Il se rend chez son père à fond la caisse.

Qui lui répond qu’il faut arrêter de travailler à fonds perdus.

C’est ce que font les hurluberlus qui travaillent pour rien.

Si ça continue, il va terminer sur un vieux cargo à fond de cale.

Qu’il aille à Pôle Emploi à fond de train !

S’il lui reste un fond de jugeote !

Ding-Dong

12 octobre, 2012

La victoire de Louis au ping-pong a sonné le glas des espoirs de Maurice.

Il a joué comme une cloche.

Ça lui fiche le bourdon.

Le cri de victoire de Louis résonne encore dans sa tête.

Il est temps de tirer la sonnette d’alerte.

Il entend le carillon de la porte d’entrée.

Puis le timbre de voix de Géraldine.

Géraldine, c’est sa sirène.

Il ne faudrait pas qu’il l’alarme inutilement.

 

 

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