Un problème de générations
« J’ai gardé des contacts avec mes anciens camarades de faculté ».
« Et alors ? Qu’est-ce qu’ils deviennent ? »
« Bin, pas grand-chose…. Valentin est employé de banque, Marcel a lancé une baraque à frites, Jeanne travaille à la mairie… »
« C’est triste quand on pense qu’ils voulaient tous aller soulager la misère humaine en Afrique ou en Amazonie. Ou bien faire du journalisme d’investigation. Ou encore rénover l’action politique en Europe… »
« Hé oui ! Mais si on savait à vingt ans ce que l’on sait à quarante, il n’y aurait plus de vie possible. Il faut laisser aux jeunes la possibilité de croire qu’ils briseront les cadres traditionnels. Qu’ils ne feront pas comme leurs parents, même si on sait qu’ils le feront quand même ».
« Vous exagérez, la société évolue. Regardez la famille, ce n’est plus comme avant. Les couples se font et se défont. L’un vit à Paris pour son travail, l’autre à Bordeaux. On se voit à Angers ou à Toulouse en coup de vent. Les enfants parcourent le monde en un éclair. On les croit chez un copain au bout de la rue et on reçoit un coup de fil depuis Amsterdam… C’était pas comme ça, de notre temps ».
« C’est vrai, les choses étaient plus stables. Les parents rentraient le soir sous le même toit. La famille allait en vacances à Palavas-les-Flots quand tout allait bien. Les jeunes sont plus mobiles aujourd’hui. Mais ils tombent d’autant plus haut lorsqu’il faut qu’ils intègrent leur petit bureau, tous les jours, avec leur petit cartable, après s’être fait marché sur les pieds dans leur petit métro, tout en espérant un avancement professionnel dans les dix ans qui viennent…»
« Chut ! Il ne faut pas leur dire des choses comme ça ! Sinon le mien ne voudra plus aller passer six mois à Chicago pour vendre des journaux ni traverser le Népal à dos de lama. Vous vous rendez compte ? Nous qui quittions nos parents pour aller planter notre tente dans une cour de ferme en guise de sensations exotique… »
« Pourtant, il y a des jeunes qui réussissent leur existence… »
« Oui… à l’étranger. Il parait que c’est plus facile qu’en France. C’est normal, ici ce sont les vieux comme nous qui tenons le haut du pavé. On ne va tout de même pas céder la place au premier venu sous prétexte qu’il a vingt ans de moins et qu’il est bourré d’idées saugrenues. Avec l’expérience que nous avons, nous sommes plus qualifiés pour accaparer les postes stratégiques. Hein ? »
« Oui, finalement, vous avez raison. Laissons-les aller sauver les populations guatémaltèques. Pendant ce temps, on fera ce qu’on voudra. Il sera toujours temps de voir. Et puis quoi, s’ils déchantent un peu, ça leur apprend la vie. S’ils croient que je suis exalté par mon destin personnel tous les jours…»
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