Les avantages de la grande distribution
16 octobre, 2012« Bon, moi je vais à l’hypermarché ».
« C’est une maladie. Chaque fois que vous avez un moment de libre, c’est pour aller au centre commerc à l’hypermarché ».
« C’est normal, ils ont tout à l’hypermarché. Et puis c’est très rigolo de conduire son chariot tout en fouillant dans les rayons ».
« Oui, mais ils ne vendent pas encore de la tendresse ou de l’amitié ».
« Ce n’est pas sûr ! Ils vendent des poissons rouges. Il suffit de les nourrir un peu pour voir leurs gros yeux globuleux se remplir de reconnaissance ! ».
« Et vous appelez ça des rapports humains ? »
« Il y a aussi la caissière. Elle me parle parfois. Elle me dit : « Puis-je voir votre sac, Monsieur ? » ou alors « Bon week-end ! ». Parfois, elle se trompe, elle me souhaite un bon week-end le mercredi ! Nous rions ensemble de cette légère erreur ».
« C’est grave, votre affaire. Il faudrait revenir à l’épicerie traditionnelle. Là, au moins, vous auriez un véritable dialogue avec l’épicier et son épicière ».
« Non, ça ne me conviendrait ps. Parce qu’avec l’épicier, il faut connaître ce que l’on achète. Par exemple, si je veux acheter du rutabaga, il faut que je sache ce que c’est et donc que j’en ai déjà vu ! Tandis qu’à l’hypermarché, je n’ai pas à faire étalage de mon inculture devant un tas de voisins hilares. Je peux tomber sur des rutabagas par hasard et savoir que ce sont des rutabagas rien qu’en lisant l’étiquette. Je pourrais dire alors, d’un air assuré : « Tiens ! Des rutabagas, ça tombe bien ! J’en voulais justement ! ».
« Donc si je comprends bien votre fréquentation du supermarché vous permet de masquer votre vide intellectuel ? »
« C’est un peu ça. Quand j’achète mon journal people, je n’ai pas à subir les regards des gens qui se moquent de moi en pensant que mes centres d’intérêt sont au ras du sol, tout en faisant en sorte d’acheter le même magazine quand personne ne les voit. A l’hypermarché, je mets le journal dans mon chariot et basta ! Lorsque la revue passe sous les yeux de la caissière, je fais semblant de chercher quelque chose dans mon sac pour ne pas avoir l’air bête ou pour éviter le regard de l’employée».
« C’est intéressant comme stratégie. Avec de tels principes, vous êtes sûr de ne pas progresser culturellement ».
« C’est plus sécurisant en effet. Je peux me fondre dans la masse. Me tenir au chaud au sein de la foule des anonymes ».