Archive pour août, 2012

Un homme surbooké

21 août, 2012

« Cher ami, je vous donne un coup de chapeau ».

« Moi ? Mais je n’ai rien fait ».

« Justement. C’est très beau. Exister sans rien faire d’extraordinaire demande beaucoup d’abnégation. Vous pourriez exercer un talent pour vous faire remarquer. Chanter, danser, aller à la pêche. Au lieu de ça, rien de rien. Bravo ! ».

« C’est vrai qu’à part aller au bureau, je ne sais pas faire autre chose ».

« Je vous croyais chômeur ? ».

« Oui, mais je continue à aller au bureau. Je n’arrive pas à décrocher. Je pars à huit heures pour ne pas être en retard et je reviens chez moi à neuf. Mais « aller au bureau » n’est pas encore une discipline olympique et ça ne me prend pas toute la journée ».

« Certes, mais ça tout le monde le fait. Le reste du temps vous vous ennuyez à mourir, mais vous vous ennuyez à merveille. Sans ennuyer personne. Vous pourriez me téléphoner tous les jours pour faire un tennis ou un poker. Hé bien, non !  Vous ne me dérangez même pas ».

« Ça vous ennuie que je ne vous ennuie pas ? ».

« Un peu à vrai dire. Je ne peux même pas vous dire que je suis absolument surbooké et que nous ferons un poker ou au tennis une prochaine fois. Je suis obligé de me rabattre sur Martin qui ne sait jouer ni au tennis ni au poker. Mais à part rien, qu’est-ce que vous faites toute la journée ? ».

« Bof, pas grand chose, je lis les hebdomadaires de télé pour voir les émissions que je ne regarderai pas ».

« Parce que vous regardez la télé, quand même ! Ça doit vous prendre du temps. Faites attention de ne pas tomber sur une émission instructive. ».

« Ce n’est pas possible, je n’ai que trois chaines en noir et blanc. ».

« C’est original. Mais ça minimise votre performance. Je souhaite que votre télé tombe en panne. Il ne doit plus y avoir beaucoup de techniciens capables de réparer un modèle aussi ancien. Comme ça, vous n’aurez même plus cette distraction. Vous pourrez vous retrouver dans votre spécialité, c’est-à-dire le néant ! ».

« Vous exagérez, mes journées sont occupées. Je dors, je fais ma toilette, je mange ! ».

« Oui, enfin mon chat en fait autant. Mais en plus, il court après les feuilles mortes à l’automne ou les papillons au printemps ».

« C’est vrai, je ne me vois pas tellement courir après les feuilles mortes. Finalement, vous avez raison, il ne doit pas y avoir beaucoup de gens qui ont des journées aussi peu remplies que moi. Allez, vous m’êtes sympathique. Entre les blancs de mon agenda, je vais trouver un créneau pour faire un tennis avec vous ».

Un verre ?

20 août, 2012

Vous reprendrez bien un peu de cordial ?

Jean s’était arrêté en remontant chez lui.

Bien qu’il souffre d’un petit rhume.

Et d’un problème digestif.

Louis ne comprenait que goutte à ce qui lui arrivait.

Il s’était fait sacqué de son boulot.

Il discutait en vain avec Jean pour se rassurer.

Jean se dit qu’il fallait l’empêcher de retourner dans son Calvados natal.

Ce ne serait pas de la bibine.

Galère ! Galère !

19 août, 2012

« Il faut se serrer les coudes ! On est tous dans la même galère ! »

« Oui, mais il y en a qui rament plus que d’autres. C’est comme ça ! De toute façon, moi je préfère être celui qui tient le fouet. Ou alors mieux, celui qui ne fait rien, qui plastronne nez au vent, sur le gaillard d’avant ! Et puis, je navigue à la voile, je n’ai pas besoin de galériens ».

« Evidemment, avec des gens comme vous, on n’est pas près de sortir de la crise ».

« Oui, mais quand ce n’est pas la crise, personne ne fait attention à personne. On fait tout ce qu’il faut pour tomber dans la crise. Alors moi, crise ou pas crise, je pense d’abord à moi ».

« Vous n’avez pas peur qu’il y ait une révolte contre les garde-chiourmes après la crise ? On pourrait avoir envie de régler votre compte ».

« Après la crise, si on s’en sort, tout reviendra comme avant. Chacun prendra soin de ses intérêts plutôt que ceux du voisin ».

« Bon, autrement dit, il ne faut pas compter sur vous pour manifester un peu de solidarité ».

« Comme vous y allez ! Je vais payer un peu plus d’impôts pour vous faire plaisir, mais c’est bien parce que c’est vous. De toute façon, j’ai beaucoup d’argent, ça ne me privera pas beaucoup ! »

« Vous êtes assez cynique ».

« Globalement, je dis les choses comme elles sont. A part payer un peu plus avec de l’argent dont je n’ai que faire, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire pour vous ».

« Et un peu de fraternité ? ».

« Bin… non, je ne vois pas bien au nom de quoi il faudrait être copain avec tout le monde. Moi, je suis un vieux loup solitaire. Ce n’est pas interdit par la loi, que je sache ».

« Vous ne devez pas être très heureux, alors ».

« Je n’en sais rien. Personne ne me pose la question, moi non plus, et c’est très bien comme ça. Et vous vous êtes bien au coude à coude avec vos semblables ?».

« Bof, ça dépend des semblables… »

« Ah, vous voyez ! Si j’osais, je dirais qu’on est dans la même galère. En fait, on est dans des galères différentes mais des galères tout de même. On ne fait que changer de supplices. Et puis on vogue dans la même direction ».

« C’est gai, votre truc ! »

« Rien n’empêche de s’envoyer des blagues d’une galère à l’autre pour se faire rire un peu. Après tout, si on a inventé Internet, c’est bien pour permettre aux différentes galères de communiquer entre elles. Vous voyez que je suis quand même civilisé ».

Quelques difficultés en persective

18 août, 2012

Le tisserand travaille dans une filature de textile : c’est coton à tous les étages.

L’athlète s’entraîne dans sa discipline préférée : c’est du sport.

Le confiseur fabrique sa friandise : ce n’est pas du nougat.

Le pâtissier termine un vacherin : ce n’est pas de la tarte.

Le tailleur fait la finition d’un autre costume : c’est une autre paire de manches.

L’interprète déchiffre un texte compliqué : c’est du chinois.

Les rameurs sont fouettés par le garde-chiourme : c’est galère.

Le marabout prédit le temps qu’il va faire : c’est  sorcier.

Lucifer frappe à ma porte : c’est  le Diable !

Un grand travailleur

17 août, 2012

Marcel habite dans la Boulonnais.

Il aime regarder les navires sur le port : il pense aux galères d’antan.

Il a une grande mâchoire : à table, il avale des bouchées doubles des autres.

Parfois, il en bave un peu.

Il a travaillé dur dans des mines de potasse.

Puis il a vécu dans la Marne.

Mais Marcel a décidé de bruler son passé sur un bûcher.

Maintenant il fabrique des bijoux. Si on l’embête, il donne des coups de collier.

Max, son chien est un peu ca-bossé.

 

Il est interdit de parler au chauffeur

16 août, 2012

Jules ne peut pas se renseigner : il est interdit au chauffeur du bus de parler aux gens qu’il transporte.

Comme il part en voyage, Jules a du défendre à ses voisins de faire du bruit la veille au soir pour respecter son sommeil.

Ginette, sa voisine, a baissé le son de sa télé et  n’a pas permis à son époux, Gus de suivre son match de foot avec ses copains qui auraient hurlé comme des fous.

Gus, légèrement agacé, a interdit de sortie son grand fils Albert qui, précisons-le (bien que cela n’ait pas d’intérêt) est en classe de seconde.

Albert a dit que ça l’arrangeait : il ne veut plus prêter son Smartphone à son copain John qui ne comprend rien. En outre, un peu énervé, il a déclaré à Henriette, sa sœur, que son fiancé ne lui plaisait pas et, qu’en conséquence, il n’était pas permis à ce dernier de lui adresser la parole.

Le fiancé, fort vexé de cette décision, en prit ombrage et barra l’accès de sa chambre à sa propre mère pendant huit jours.

La mère du fiancé de la sœur de Gus prit très mal cet affront. Très affectée, elle plaqua son amant qui a désormais l’interdiction de chercher à la voir.

Jean-Sébastien, l’amant en question, n’en a cure. De toute façon, il ne supportait plus cette relation. Désormais, il empêche son cousin Wolfgang d’esquisser la moindre plaisanterie à ce sujet.

Wolfgang est très proche de Jean-Sébastien, l’amant de la mère du fiancé de la sœur d’Albert. Wolfgang répond à son cousin qu’il le comprend très bien et qu’il le défendra contre les vilains mots d’esprit de son camarade de classe, Mauricio.

Mauricio est occupé à se disputer avec sa concierge Cunégonde qui lui reproche de ne pas trier ses déchets. Mauricio  s’énerve et il ordonne à Cunégonde de ne pas lui parler sur ce ton-là qu’il juge particulièrement arrogant.

Cunégonde, qui est une militante acharnée contre tout ce qui ressemble à un pouvoir, manifeste contre la dernière circulaire de Monsieur la Ministre des Transports qui interdit au personnel de ses services, donc à Jeannette, la nièce de Cunégonde, de dormir pendant les heures de service.

La nièce de Cunégonde ne dort jamais en travaillant et est d’un tempérament convivial, si bien qu’elle ne s’oppose à personne.

L’ironie de l’histoire, c’est que c’est précisément le même homme politique qui interdit à Cunégonde ce qu’elle ne fait pas, qui a aussi interdit au chauffeur qui transporte Jules dans son bus de parler à ses clients tout en conduisant. Quelle coïncidence !

Tout ça me fait bien rire

15 août, 2012

Jules regardait la mer  qui se gondolait sous ses yeux.

Il dit : « C’est bientôt la marée ».

De son couteau il fendit la pèche qu’il avait entre les mains.

Puis il se rendit chez le boulanger pour acheter son pain d’épice : il s’en paya une tranche.

En passant, il s’offrit le portrait d’une inconnue chez Marcel, un peintre de ses amis.

Mais, Jules ne sentait pas bien : sa gorge était chaude.

Chez lui, il se plia en deux pour chercher ses pantoufles sous son lit.

Puis il lui fallut trouver sa blague à tabac.

Mais sa pipe était fendue.

Chacun son truc

14 août, 2012

« Nous assistons au règne des intérêts les plus sordides ».

« Chacun défend son bifteck, mon pauvre. C’est normal. C’est la vie. Je ne vais quand même pas me battre pour vous. J’ai déjà assez de mal à me protéger des adversités de l’existence ».

« Vous pourriez vous inquiéter de mon sort ».

« Oui, mais alors il ne faudrait pas que ça me coûte trop de temps ou d’argent. On commence ? Comment allez-vous ? ».

« Couci-couça… ».

« Bon, moi je ne vais pas très bien. J’ai du mal à payer mes impôts, j’ai eu un temps pourri en vacances, ma femme veut que je range mon placard, mes enfants ne foutent rien à l’école… ».

« C’est ça que vous appelez vous intéresser à mon sort ? ».

« A vrai dire mes soucis m’importent plus que les vôtres. Je vous ai quand même demandé de vos nouvelles, mais elles ne m’intéressent pas vraiment. Surtout si vous êtes plus heureux que moi, ça va me rendre malade de jalousie ».

« Ecoutez, je vais tenter de vous éduquer. Dites-moi : « Et le boulot, ça va ? » ».

« Et le boulot, ça va ? ».

« Vous voulez rire ! Mon chef de service me casse les pieds, les secrétaires n’en fichent pas une rame, je suis obligé de faire mes photocops et au final, c’est moi qui me tape tous les dossiers. Comment  voulez-vous que ça aille… »

« C’est comme moi, le boulot retombe toujours sur les mêmes. Je n’en peux plus. Je sors tous les soirs à vingt heures pendant que Moulinot se la coule douce…  » .

« On s’en fout un peu de Moulinot…. Moi, je sors tous les soirs à vingt heures trente tandis que Poulain va à son tennis dès seize heures en me narguant… ».

« Et moi alors ! Tout le service est à la pause cigarette pendant que je dois faire le standard au téléphone. Je l’ai dis à Dumoulin. J’aime autant vous dire qu’il m’a entendu… ».

« Ce n’est rien. Moi, je ne mange même plus ou alors sur le pouce tandis que Poulain et son équipe de branquignols vont tous les jours à la cantine en rigolant… » 

« Quand vous en serez comme moi à ne même plus pouvoir prendre vos congés au moment où Dumoulin  part bronzer en toute tranquillité, on verra…. ».

« … vous voyez vous ne vous intéressez absolument pas à moi. Vous faites tout pour minimiser mes problèmes. Il faut toujours que vos affaires soient plus importantes que les miennes. Vos problèmes doivent toujours être plus dramatiques que les miens… »

« Bon d’accord, vous avez quelques beaux petits soucis avec votre Poulain. Je vous plains un petit peu.  Mais ils n’atteignent quand même pas les miens avec Moulinot et Dumoulin… ».

Fastoche

13 août, 2012

Le pâtissier retira le plat du gâteau du four :

Il était tout cuit.

Il allait pouvoir regarder son sport favori à la télé : c’était du billard.

Il s’ouvrit une canette : de la petite bière,

Et ouvrit un sachet de peanuts.

Il regarda avec amusement ses dessins d’autrefois : « l’enfance de l’art », se dit-il.

A son âge, il ne s’amusait plus à des jeux d’enfants.

Peut-être même qu’il allait penser à la bagatelle.

C’était facile comme bonjour.

L’homme est-il un animal comme les autres ?

12 août, 2012

« Les chemises de l’archiduchesse sont sèches et archi-sèches ».

« Bravo ! Très bien ! Vous ne vous êtes pas empêtré ! D’habitude, les gens ne se concentrent pas et finissent par dire n’importe quoi. D’ailleurs, en général, on ne se concentre pas sur ce qu’on dit. On bafouille ou alors on raccourcit sa pensée. Sauf ceux qui n’ont pas une pensée très longue, si vous voyez ce que je veux dire. Articuler exige un effort physique et intellectuel, bref un travail humain.

Ce n’est pas comme vous : quand vous courez comme un dératé, on dirait une bête sauvage. En plus, vous bavez et vous transpirez, c’est très animal».

« Et vous alors ! Vous ne courez pas, mais quand vous allez dans les tribunes du stade, vous poussez des cris gutturaux incompréhensibles ».

« C’est vrai. Finalement, dès qu’on le sort de sa réflexion, l’homme est un animal comme les autres. Le lion ne fait pas mieux ».

« L’homme a un point commun avec le lion : le souci d’assurer sa pérennité. C’est un aspect qui nous rapproche du règne animal. Mais l’ennui c’est que l’homme est plus civilisé que le lion. Il ne peut pas se contenter de se jeter sur sa proie pour survivre. Ça ferait désordre et puis c’est interdit.  Il doit suivre des règles avant de l’exécuter. Il doit être aimable et même sympa avec elle, éventuellement lui prêter assistance avant de la dévorer.  ».

« Y-a-t ’il d’autres différences entre l’homme et le lion, Maître ? »

« Oui, Elève : l’Homme a le sens de l’humour. Il sait rire de ses peurs, ses défauts et de ses incohérences. On n’a jamais vu un lion rire ou même sourire de lui-même. Et encore moins se moquer avec esprit de ses propres imperfections. L’homme se marre : c’est son propre comme a dit un philosophe ».

« Si je comprends bien, il se tord de rire, puis va au stade pour hurler comme un sauvage. Le fauve ne se gondole pas, mais il rugit aussi quand il se lève pour aller à la chasse ».

« Oui, vous avez bien compris. Mais ne poussons pas trop loin les analogies. L’homme invente. On n’a encore jamais constaté de progrès technologiques chez les lions. Ou alors on n’est mal. Je dirais même que si les lions se mettent à communiquer entre eux, à abolir les distances, à inventer des techniques médicales pour se soigner, on n’est mal, on est très mal. Notre domination repose sur la pensée et le progrès technologique ».

« Je crois surtout que notre domination repose sur notre capacité à ne pas nous faire manger par le lion. Les médecins savent nous réparer. Mais ils ne nous ressuscitent pas. Enfin pas encore ».

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