Un mauvais consommateur

« Il n’y a pas de pitié. Soit vous êtes dans les gagnants, soit vous êtes dans les perdants. C’est impitoyable ».

« Pour bien faire, il faudrait que tout le monde gagne un petit peu. Au lieu de ça, il y en a beaucoup qui gagnent peu et peu qui gagnent  beaucoup ».

« Eh oui, c’est ça l’économie ! Un vrai champ de bataille ! Il faut qu’il y ait des pauvres pour qu’il y ait des riches. Et vice-versa. Ça marche par la frustration. Il faut que vous ayez toujours envie d’avoir plus. Si vous vous contentez de rien ou du dénuement, vous avez tort parce que vous bloquez le système. Si je vous demandais de quoi vous avez envie…là… maintenant ? ».

« Euh… bin de rien ! »

« Bon, alors mon rôle de bon citoyen est de vous donner envie de quelque chose. Vous voyez la montre que je me suis achetée. Avec un bracelet serti de diamants. Eh bien, elle est à moi, pas à vous. Je suis désolé. Tralalère ! ».

« Oui, mais enfin, au bout du compte, elle donne l’heure comme la mienne ».

« Comment ? Et l’élégance de mon geste lorsque je découvre mon poignet pour la consulter, ça ne vous dit rien ? Vous ne pouvez pas en faire autant avec votre montre bon marché et votre bracelet en matière plastique… Bon, essayons autre chose. Vous voyez mon Smartphone qui dispose de mille applications pour jouer, informer, chercher mes correspondants, un outil comme ça devient indispensable. Comment se fait-il que vous n’en ayez pas encore ? Vous avez l’air malin avec votre agenda en papier !».

« A quarante trois-ans, je ne passe plus mon temps sur des jeux électroniques. Et pour m’informer je peux toujours acheter le journal, ce qui me permet de saluer mon buraliste préféré ».

« Vous ne me facilitez pas la tâche. Je ne vous demande pas où vous passez vos vacances. Je m’attends au pire ».

« Chez ma belle-mère, dans le Lot ».

« C’est bien ce que je craignais. Evidemment, vous n’avez jamais entendu parler des tours opérators qui vous emmènent sur les plages d’Agadir ou dans un trekking au Népal. Quel mauvais consommateur vous faites ! Avec vous, on n’a plus envie de rien. Donc plus d’échelle sociale à gravir. Plus personne n’est en haut, plus personne n’est en bas …. Ce n’est pas avec des gens comme vous que nous allons sortir de la crise… Dites moi, les yeux dans les yeux, vous ne seriez pas un peu égalitariste vous ? Avouez-le ? Je n’appellerai pas la police ! ».

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