Un nul

« Je suis un pleutre ».

« Mais non, non ! Vous n’êtes pas si peureux que ça ! »

« Vous dites ça pour me faire plaisir. Moi je sais bien que je suis du genre à ne pas oser. Remarquez bien que je m’en fiche. Le principal c’est de l’admettre. C’est lorsque vous vous croyez quelqu’un d’intéressant et qu’on vous démontre l’inverse que ça fait mal. Moi je suis convaincu d’être un nullard donc je ne risque rien. D’ailleurs si je ne suis pas assez nul, dites le moi, je ferai un effort ».

« Mais enfin, il y a bien un domaine dans lequel vous excellez ! ».

« Ah bon ? ».

« Vous entretenez une collection de boites de camembert, par exemple. Il faut s’y connaitre en fromage pour faire un tel travail. Bravo ! Ce n’est pas à la portée de tout le monde ».

« Si vous trouvez ça performant, il faut que je change d’occupation. Qu’est-ce que je pourrais faire qui soit encore moins intéressant qu’une collection de boite de camembert ? »

« Bon, prenons le problème autrement. Il y a bien un moment où vous avez pris des risques dans votre existence ».

« Par exemple ? ».

« Je ne sais pas moi. Le jour où vous avez demandé Marie-Jeanne en mariage ! ».

« Euh… non, c’est elle qui m’a demandé. Moi, je n’y tenais pas vraiment, vous savez ! »

« Alors le jour où vous êtes parti en vacances à Corfou. Il fallait oser, c’est un sacré changement de décor ».

« C’est encore une idée de Marie-Jeanne. Moi, je serais resté bien tranquillement à la maison. Avec  le loyer que je paie, je ne vois pas l’intérêt de louer ailleurs pour les congés. Et puis je suis revenu de vacances avec plein de maladies rares ».

« Je vois : vous êtes un cas assez lourd. Finalement, on pourrait dire que vous êtes un aventurier de l’immobilité. Vous explorez les tréfonds du surplace. Vous partez hardiment à l’assaut de rien. C’est un exploit. Peu de gens ont tenté d’être aussi plats. Et surtout d’en revenir en bonne santé. L’absence totale d’intérêt de votre vie est une vraie curiosité. Pensez-vous avoir atteint le sommet de votre art. Reste-t-il quelque chose à découvrir dans votre néant ? ».

« Vous me flattez. Il est vrai que je suis assez original à ma manière. Je vais encore essayer de m’améliorer. Je pourrais rester au lit tout le week-end par exemple au lieu d’aider Marie-Jeanne à faire le ménage. Elle sera contente ».

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