Chacun son truc
14 août, 2012« Nous assistons au règne des intérêts les plus sordides ».
« Chacun défend son bifteck, mon pauvre. C’est normal. C’est la vie. Je ne vais quand même pas me battre pour vous. J’ai déjà assez de mal à me protéger des adversités de l’existence ».
« Vous pourriez vous inquiéter de mon sort ».
« Oui, mais alors il ne faudrait pas que ça me coûte trop de temps ou d’argent. On commence ? Comment allez-vous ? ».
« Couci-couça… ».
« Bon, moi je ne vais pas très bien. J’ai du mal à payer mes impôts, j’ai eu un temps pourri en vacances, ma femme veut que je range mon placard, mes enfants ne foutent rien à l’école… ».
« C’est ça que vous appelez vous intéresser à mon sort ? ».
« A vrai dire mes soucis m’importent plus que les vôtres. Je vous ai quand même demandé de vos nouvelles, mais elles ne m’intéressent pas vraiment. Surtout si vous êtes plus heureux que moi, ça va me rendre malade de jalousie ».
« Ecoutez, je vais tenter de vous éduquer. Dites-moi : « Et le boulot, ça va ? » ».
« Et le boulot, ça va ? ».
« Vous voulez rire ! Mon chef de service me casse les pieds, les secrétaires n’en fichent pas une rame, je suis obligé de faire mes photocops et au final, c’est moi qui me tape tous les dossiers. Comment voulez-vous que ça aille… »
« C’est comme moi, le boulot retombe toujours sur les mêmes. Je n’en peux plus. Je sors tous les soirs à vingt heures pendant que Moulinot se la coule douce… » .
« On s’en fout un peu de Moulinot…. Moi, je sors tous les soirs à vingt heures trente tandis que Poulain va à son tennis dès seize heures en me narguant… ».
« Et moi alors ! Tout le service est à la pause cigarette pendant que je dois faire le standard au téléphone. Je l’ai dis à Dumoulin. J’aime autant vous dire qu’il m’a entendu… ».
« Ce n’est rien. Moi, je ne mange même plus ou alors sur le pouce tandis que Poulain et son équipe de branquignols vont tous les jours à la cantine en rigolant… »
« Quand vous en serez comme moi à ne même plus pouvoir prendre vos congés au moment où Dumoulin part bronzer en toute tranquillité, on verra…. ».
« … vous voyez vous ne vous intéressez absolument pas à moi. Vous faites tout pour minimiser mes problèmes. Il faut toujours que vos affaires soient plus importantes que les miennes. Vos problèmes doivent toujours être plus dramatiques que les miens… »
« Bon d’accord, vous avez quelques beaux petits soucis avec votre Poulain. Je vous plains un petit peu. Mais ils n’atteignent quand même pas les miens avec Moulinot et Dumoulin… ».