Archive pour juillet, 2012

Sortir de son lit

10 juillet, 2012

« Je suis fatigué ».

« Vous êtes tout le temps fatigué. Vous n’êtes pas très énergique ».

« Oui, c’est vrai. Tout me pèse, à commencer par sortir de mon lit ».

« Vous êtes déprimé. Soyez heureux de vivre. C’est un cadeau qui n’est pas donné à tout le monde ».

« Bon, on fait comment ? ».

« Oh ! La, la ! Vous en faites des manières. Soyez simple. Goûtez un peu ce petit matin de printemps ».

« Oui, mais il fait un peu frais en dehors de mes couvertures. Vous n’auriez pas un petit matin d’été ».

« Non, ça c’est pour plus tard. Il faut respecter le rythme des saisons. Il faut d’abord avoir froid pour avoir chaud. Il faut manger son pain noir pour manger son pain blanc. C’est une grande leçon de l’existence ».

« Bon d’accord, je vais avoir  froid, mais tout va bien. Mais il va falloir que je me lève et que je me prépare. Rien que de regarder ma tête dans le miroir, ça me fait peur ».

« Entre nous, il y a de quoi. Mettez de la crème vivifiante ou réhydratante. Et vous aurez le plaisir de faire revivre ce visage tout chiffonné. C’est vrai qu’il est vilain. Etre bien dans sa peau, voilà le secret ».

« Bon d’accord pour la crème. Mais après ? Les gens vont me parler dans la rue ou au bureau. Il va falloir que je trouve quelque chose d’intelligent à leur dire ».

« Ça vaudrait mieux. Vous pouvez plaisantez gaiement, par exemple. Ça vous donnera un genre. Les gens gais attirent. C’est bien connu ».

« Ça se complique terriblement. Je ne retiens jamais les histoires drôles que j’entends ».

« Bon d’accord, soyez taciturne. Mais alors, essayez au moins d’avoir une petite lueur d’intelligence dans le regard. Vous passerez pour un être sérieux sur lequel on peut compter. Le genre de type sobre, mais efficace dès qu’il passe à l’action. Vous voyez ce que je veux dire. Attention ! J’ai dis sobre, pas complètement effacé. Il faut qu’on sente que vous existez. Donc résumons-nous : vous n’êtes absolument pas fatigué. Vous êtes disponible, de bonne humeur, propre, levé du bon pied, prêt à passer à l’action et vous essayez de vous rappeler les histoires drôles qu’on vous raconte ».

« Pff !… »

Les râleurs

9 juillet, 2012

« Je vous présente votre nouvelle collègue. »

« Elle ne me plait pas beaucoup. »

« Ce n’est pas vraiment le problème, Martin. Il vous faudra travailler avec elle. Loyalement. »

« Oui, mais je me débrouillais bien tout seul. Et puis, je pouvais dire que j’étais  débordé de travail. De quoi je vais me plaindre maintenant ? »

« Ce n’est peut-être pas nécessaire de se plaindre. »

« Il faudrait qu’elle soit lente. Comme ça je me plaindrai que ça va encore plus mal qu’avant puisque je passerai plus de temps à lui expliquer qu’à faire le travail. »

« Elle est très rapide et elle comprend très vite. »

« C’est la cata…. Alors, il va falloir me trouver une deuxième secrétaire parce que la pauvre Marthe ne suffira pas à la tâche, maintenant que nous sommes deux. C’est toujours pareil, vous ne prévoyez jamais les conséquences désastreuses de vos décisions et ça retombe sur le petit personnel ! »

« Ce sera tout ? »

« Bin… non. A force de recruter, nous allons avoir des problèmes de communication. Les services sont déjà cloisonnés. On ne sait pas ce que font les autres. Alors si vous nous rajoutez encore des gens… »

« Il faudrait savoir ce que vous voulez Martin… »

« Je voudrais pouvoir râler tranquillement. Ce n’est tout de même pas avec mon niveau de salaire que je peux plastronner. Donc je rouspète pour qu’on s’occupe de moi. Je trouve que vous ne me considérez pas beaucoup. D’abord est-ce que vous m’avez dit bonjour, ce matin dans l’ascenseur ? »

« Ecoutez, Martin … On ne va peut-être pas s’éterniser. Est-ce que vous avez avancé sur le dossier Dumoulin ? »

« Si vous croyez  que j’ai le temps avec tout ce que j’ai sur le dos ! La semaine prochaine, je suis en formation. Après ce sont mes congés… Vous n’allez tout de même pas me sucrer mes congés ! »

« Hé bien alors, passez le dossier Dumoulin à votre nouvelle collègue. Elle n’en fera qu’une bouchée ! »

« Et voilà, ça commence ! Vous me dépossédez de mon travail ! Vous organisez une concurrence sauvage entre les membres du service. On voit bien de quel bord politique vous êtes ! C’est chacun pour sa pomme, hein ? »

« Vous n’êtes pas très cohérent, Martin. »

« Ça m’aurait étonné, ça va être encore de ma faute. Ce n’est pas avec les moyens qu’on a que je peux travailler convenablement. Il faudrait que vous nous défendiez auprès de la direction ! »

« Hé bien  justement, Martin,  je suis venu vous présenter votre nouvelle collègue. »

« Et la boite de trombones que je demande depuis trois mois ? »

Encore un de nos mauvais poèmes !

8 juillet, 2012

De la décision du Tribunal, il avait fait appel

On ne pouvait pas lui interdire de chanter du gospel.

Dans ses spectacles, il avait connu de nombreux rappels.

Des gerbes de fleurs, il en ramassait à la pelle.

Il en donnait au pasteur pour fleurir sa chapelle.

Parfois, pour le remercier, les fidèles l’interpellent.

Ou lui font cadeau de fruits dans une coupelle.

Son nom, ses supporters en chœur l’épellent !

Code de la route

7 juillet, 2012

En déambulant dans cette ruelle mal  pavée

Elle avait la dalle.

Elle n’allait tout de même pas faire le trottoir pour manger.

Il faudrait qu’elle aille jusqu’à Carrefour

Mais elle n’était pas très bien chaussée.

Un homme la dépasse, elle note que ses chaussures sont, au passage, cloutées.

C’est bizarre, se dit-elle. Mais chacun a les souliers qui lui plaisent, ça dépend des goûts.

Elle ne franchit jamais la ligne jaune.

Se mêler des affaires des autres est, à son sens, interdit.

Chaussures à son pied

6 juillet, 2012

Il n’a pas trouvé chaussure à son pied.

Pourtant, il fait des pompes chaque jour.

Il ne veut pas d’une femme qui soit à sa botte.

Tout en désirant quelqu’un qui pourrait lui apporter ses pantoufles,

Sans avoir les deux pieds dans le même sabot.

Le dimanche, ils iraient voir passer les péniches sur le fleuve.

Puis trainer la grolle devant les vitrines.

Son problème, c’est que devant les femmes, il est dans ses petits souliers.

Comme des loups

5 juillet, 2012

« Il faut manger son pain noir avant son pain blanc ».

« C’est quand même mieux quand on n’a que du pain blanc à manger ».

« Vous avez des goûts de luxe. Pour la plupart des gens, il faut souffrir avant de se goberger ».

« Il y a aussi des gens qui souffrent avant de souffrir ».

« C’est gênant, en effet ».

« Et puis, il y en a d’autres qui se gobergent avant de se goberger ».

« C’est encore plus gênant ».

« Le mieux, c’est de vivre une petite vie tranquille sans haut ni bas. Une petite vie linéaire en quelque sorte. On ne souffrirait pas, mais on ne grimperait pas au rideau non plus ».

« Oui, mais qu’est-ce qu’on s’enquiquinerait dans votre petite existence linéaire ! L’homme a besoin de stress, d’inquiétude, d’adrénaline, de se mesurer à l’adversité, de se dépasser ! ».

« D’accord, mais alors il ne faut qu’il se plaigne s’il se ramasse ».

« L’homme est un loup pour l’homme comme disait l’autre. Il est dans une lutte permanente pour la première place. Le problème c’est qu’il n’y a qu’une seule première place. D’où la férocité des hommes entre eux ».

« Bon d’accord. Alors qu’est-ce qu’on fait ? ».

« On continue. Comme vous n’êtes pas le premier, vous allez encore souffrir en essayant de l’être ».

« J’ai une idée : et si je me satisfaisais d’être le deux centième ? Je serais tranquille dans mon coin et je pourrais vous regarder souffrir en rigolant suavement ».

« Ce n’est pas très sympathique. Si tout le monde se met à ne pas jouer le jeu de l’ambition à tout prix, tout le système de relations humaines d’effondre. Vous mesurez la responsabilité que vous prenez ? Il n’y aura plus de morale puisqu’on ne saura plus ce que c’est que d’être le meilleur. Et il n’y aura plus de chef ! Vous vous rendez compte : plus de chef ! Soyez responsable : battez-vous pour être chef. Vous n’avez aucune chance pour y arriver, mais le problème n’est pas là. Il faut que vous en souffriez pour que d’autres puissent dire qu’ils ont accédé à la dignité suprême en disant qu’ils ont beaucoup souffert pour en arriver là. Il faut qu’ils puissent affirmer qu’ils se sont battus comme des sauvages contre des êtres subalternes, c’est-à-dire vous ».

Oeil pour oeil

4 juillet, 2012

Il a offert des iris à Iris.

Mais elle n’a pas bougé un cil pour le remercier.

Son rire cristallin a raisonné.

On dirait qu’elle a des œillères.

Il la dévore pourtant des yeux.

Iris ne partage pas son point de vue.

Elle préfère faire  des confitures de prunes, elle.

Lui, il est plombier, il ira plutôt se plonger dans les regards d’eau.

Les donneurs de leçons

3 juillet, 2012

« Il faudrait que chacun balaie devant sa porte ».

« Pourquoi ? Il y a des saletés devant chez moi ? »

« Je n’en sais rien. C’est une expression pour dire qu’avant de reprocher quelque chose aux autres, il faut être soi-même irréprochable. Autrement dit, il faut faire le ménage chez soi. Chacun doit prendre ses responsabilités avant de s’occuper de celles des autres ».

« Ah ! Je comprends, c’est une métaphore ! C’est bien vrai. On entend tellement de gens qui croient tout savoir ».

« Moi, les donneurs de leçons, ça ne m’impressionne pas ».

« Moi non plus. A mon âge, j’ai suffisamment vécu pour savoir ce que je fais. Par exemple, si je veux manger gras et fumer, je ne vois pas pourquoi je ne le ferai pas ».

« Vous n’avez pas peur de mourir plus tôt ? »

« Ah vous voyez ! Tout de suite les leçons de morale qui pointent leur nez ! Moi, je veux manger et fumer ce que je veux ET vivre longtemps ET être bien portant ! Ce n’est pas difficile à comprendre».

« Oh, moi ce que j’en dis, c’est pour vous, hein ! »

« Oui, je sais. Tout le monde veut mon bien. Fais pas ci, fais pas ça ! On nous infantilise, Monsieur ! On nous infantilise ! Par exemple, tout le monde veut que je fasse du sport. Mais moi, ça ne m’intéresse pas du tout le sport. Vous avez vu le niveau intellectuel de tous ces sportifs du dimanche. Ce n’est guère engageant ».

« Vous avez raison. Moi-même, je me sens manipulé. Quand je vois toutes ces publicités à la télé pour être beau et svelte, je me sens insulté. Je suis peut-être un peu enveloppé, mais on doit me respecter. Sinon, ça s’appelle de la discrimination ».

« Bon, qu’est-ce que je disais ? Ah oui : il ne faut pas donner de leçon aux autres si on n’est pas soi-même au top. Comme personne ne l’est, on sera tranquilles. Je ne veux pas vous donner de conseils, mais n’écoutez pas les autres. Restez donc un peu joufflu. Le sport, ça ne peut que vous apporter des soucis : fatigue, tensions nerveuses, tendinites… Vous voyez : je ne suis pas du genre à culpabiliser les autres ».

« Vous avez raison, moi non plus. Puisque nous sommes entre hommes du monde, je vous le dis tout net : vous pouvez continuer à fumer comme un pompier et à manger n’importe quoi ! C’est très bien comme ça !».

Et ron et ron …petipatapon

2 juillet, 2012

Elle avait de belles courbes.

Chacun connaissait le galbe de se jambes.

Et le contour de son visage.

Mais elle avait pris le rond-point à contre sens.

Et conduit en zigzags.

Les gendarmes l’attendaient au virage.

Elle n’avait pas un rond pour payer sa contravention.

Ils n’y avaient pas mis les formes.

Ils ne s’étaient pas perdus dans les méandres de la procédure.

Heureusement, son avocat arrondit les angles.

Il faur croire au progrès

1 juillet, 2012

« Je suis contre l’Europe ».

« Vous n’allez pas dans le sens de l’Histoire ».

« Ah ! Parce que l’Histoire à un sens ? Ça m’avait échappé ! »

« Bien sûr. Nous allons vers une vie plus facile, plus de richesse, plus de confort, plus d’inventions ! »

« Vous croyez ? Mais avant, nous n’avions pas la dette, les déficits, la pollution, le sida, la violence scolaire… »

« Alors là, mon vieux, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs… »

 « Votre confort a un coût. Avant, je ne perdais pas tout mon temps dans les embouteillages, je pouvais me garder en ville. Le facteur passait deux fois par jour, le laitier passait chez nous ! »

« Oui, mais maintenant, vous avez 160 chaînes de télé. »

« Je m’en fous. Je ne peux en regarder qu’une à la fois. Sinon je n’y comprends rien. Et puis avant l’arrivée du confort, il n’y avait qu’une chaîne. Comme ça, on ne se disputait pas. La paix régnait dans les ménages».

« Et le téléphone mobile, hmm ? Vous n’allez pas me dire que ce n’est pas un progrès. Vous pouvez joindre les vôtres à chaque instant».

« Euh…. Bin si, je ne sais ne pas faire marcher le mien. Et puis quand ça sonne, je ne sais jamais où il est. Je sui obligé de vider toutes mes poches et quand je l’ai trouvé ça ne sonne plus. Le téléphone à manivelle au moins, il ne se cachait pas ».

« Si je comprends bien, vous êtes contre le progrès ».

« Je n’aime surtout pas être enquiquiné par les choses. Par exemple, j’aime bien cuisiner dans des poêles qui n’attachent pas au fond. Ça m’épargne de les gratter au moment de faire la vaisselle. Ou alors le tube de dentifrice qu’on peut ne pas reboucher, ça m’évite des tas d’histoires tous les matins. Il faudrait aussi m’inventer la chaussette qui ne se troue pas au bout. Je tombe dessus chaque fois que je m’habille. C’est assez désagréable, je ne sais pas repriser les chaussettes ».

« Vous avez une vue assez étriquée de l’évolution de la civilisation, si je peux me permettre. Le progrès n’est pas une histoire de chaussettes. Songez plutôt aux progrès de la recherche médicale, celui qui nous permet de conjurer la maladie et de vivre plus longtemps… ».

« Euh, bon ! Je vais voir si ça soulève de l’espoir en moi et si ça me donne foi en l’avenir. Mais je ne vous promets rien ! »

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