Archive pour mars, 2012

Querelle de voisinage

21 mars, 2012

« La liste de mes défauts est interminable. »

« Et ça vous amuse ? »

« Ce n’est pas si grave que ça en a l’air. Prenons un exemple : je suis jaloux de votre nouvelle voiture. Cela signifie que vous avez acheté une belle automobile, ma jalousie devrait plutôt vous faire plaisir, non ? »

« Je ne mets pas mon ego dans ma bagnole, moi ! »

« Prenons un autre exemple : on dit que je suis avare. Moi je dis que je suis économe. Si  chacun faisait attention à ce qu’il achète, cela obligerait les producteurs à faire des efforts de qualité et tout le monde s’en porterait mieux. Est-ce donc un défaut ? »

« Alors là, on mélange tout. L’avarice c’est trouver du plaisir à entasser de l’argent ! »

« On peut très bien vouloir constituer un patrimoine pour ses descendants, ce n’est pas un péché tout de même ! »

« Oui, mais au point où vous en êtes … je voudrais bien être votre héritier. En plus, vous êtes colérique, ça vous n’allez pas me dire que c’est pour soigner votre héritage. »

« Il faut bien que je m’énerve pour que vous compreniez qu’on ne passe pas la tondeuse à gazon au moment de ma sieste. Mon courroux est un acte citoyen. C’est un rappel à l’ordre établi par les arrêtés municipaux. »

« Et votre gourmandise, ce n’est peut-être pas un défaut. Savez-vous que votre embonpoint coûte cher à la Sécu ? »

« Mon cher, apprenez donc à profiter des bonnes choses, vous répandrez un peu de joie de vivre autour de vous. Apparemment ce n’est pas de trop ! »

« Si je comprend bien vos défauts sont des qualités. Vous êtes un beau parleur. C’est le monde à l’envers. »

« Non, j’essaie de vous démontrez que ce n’est pas aussi simple que ce que les préjugés habituels veulent dire. On peut être quelqu’un de très bien en vivant avec beaucoup de défauts ou plutôt de manières d’être qui sont mal considérées par les autres pour des motifs assez irrationnels. Vous comprenez ? »

« Rien du tout. »

« En fait ce qui vous déplait dans mon comportement me convient car il y a de bonnes raisons à mon attitude. Plutôt que de défauts nous devrions parler de divergences de vue sur la manière de conduire nos existences. »

« Oui…. Enfin moi je traduis en clair : en tant que voisin, je ne peux pas vous encadrer ! Et votre projet de déménagement, c’est pour bientôt ?»

Une future vedette

20 mars, 2012

« Ces chanteurs, je les confonds tous ! »

« Comment ça, vous ne reconnaissez pas Alfred Boudard ? »

« Ah bon ? Je croyais que c’était Benjamin Bullox… »

« Pas du tout, Alfred Boudard est la révélation de l’année. Bullox, c’était l’année dernière… »

« De toute façon, je ne comprends rien à ce qu’ils disent… »

« L’important maintenant, c’est l’ambiance. L’atmosphère qui se dégage de leur prestation. Même une chanson en patois picard peut faire un gros succès si elle est bien mise en scène. »

« Donc si je comprends bien, Boudard ne chante pas. Enfin … plus exactement on ne se pose même plus la question de savoir s’il chante. »

« On voit bien que vous n’avez pas vu son clip. C’est magique. »

« Celui où il se lève puis donne à manger à son chat avant de faire son café. C’est intéressant mais enfin je fais la même chose tous les jours et puis je ne vois pas bien le rapport avec la chanson. D’autant plus que je n’en connais pas les paroles. »

« Bon, alors prenez Sandra B., c’est une chanteuse, vous ne trouvez pas ? Quelle voix ! »

« Oui, je l’ai entendue. Mais pourquoi s’appelle-t-elle B. ? Ce n’est pas un nom ! »

« Vous ne comprenez rien ! C’est pour faire genre. C’est du marketing, vous comprenez ? Par exemple, vous… Vous vous nommez Maurice Patin. Tout le monde s’en fiche complètement. Mais si vous vous présentez comme Maurice P…. vous commencez à intriguer. On se demande qui vous êtes. Qu’est-ce qui se cache derrière le P. ? »

« Bon… va pour Sandra B…. Mais il parait qu’elle boit ou alors qu’elle se drogue. Enfin, j’ai lu ça dans les journaux… »

« C’est obligatoire. Si vous n’avez pas une vie déviante, vous n’intéressez personne. Par exemple, vous, vous avez une existence commune, monotone. Je ne vois pas bien la presse se passionner pour votre destin. Tandis que Sandra B., tout le monde s’interroge sur ses prochains excès. Son prochain mariage, sa prochaine maison… Vous suivez ? »

« Ah bon… Et alors pourquoi on ne parle plus de Mallox ? »

« Mais Mallox, c’était l’an dernier ! Et puis il ne se marie plus. Personne ne le ramasse plus ivre mort dans le caniveau. Il ne prend plus de positions politiques. Enfin, on s’ennuie quoi… »

« Bon, je vais peut-être me mettre à chanter. »

« Mais vous chantez comme un pied… »

« Oui, je m’appelle Maurice P. »

 

Nouvelle leçon de géométrie

19 mars, 2012

Madame Fifrelin est une femme carrée, mais elle n’a jamais un rond.

Monsieur Julien est content, il tend son sourire au ciel, aux anges.

Mademoiselle Panard fait partie d’un orchestre, elle joue du triangle.

Monsieur Dubignou est fort en géographie : il connait tous les coins de l’hexagone.

Madame Lumignon est artiste de cirque : elle présente un numéro de trapèze.

Mademoiselle Petit-Grelin est gracieuse : les gens aiment l’ovale parfait de son visage.

Monsieur Grossillex est un habile orateur : il pratique l’ellipse à merveille.

Madame Cassetête est prof de géométrie. Elle a bien la figure d’un prof de géométrie.

 

La comm’

18 mars, 2012

« Vous n’êtes pas très communicatif ! »

« Vous croyez que c’est commode de vous parler. Au final, c’est toujours vous qui parlez. Vous remplissez de mots l’atmosphère qui vous entoure. On dirait que vous avez peur du vide. »

« Oui, mais enfin moi je m’exprime au moins. »

« Vous vous exprimez peut-être mais vous ne dites rien. Il faut faire une différence entre être communicatif et être bavard. Vous devriez améliorer votre qualité d’écoute. On dirait que la seule chose qui vous intéresse c’est votre opinion. »

« Bon… bin…allez-y …je vous écoute. »

« Je ne peux pas comme ça. Je sens que vous vous forcez. Et puis en plus, vous me jugez, c’est très déstabilisant. »

« Alors, on fait quoi ? »

« On échange. Par exemple, on pourrait parler politique. »

« Alors là, d’accord. Le gouvernement fait n’importe quoi. C’est toujours pareil, au moment des élections, on se fait tout gentil avec le peuple et après on fait ce qu’on veut entre copains. »

« Là, vous entonnez un refrain très populiste : tous pareils, tous pourris. En fait, vous qui vous dites féru de communication, vous êtes vous-même victime de l’hyper-communication. Vous avez les idées de tout le monde.»

« Arrêtez de manier le paradoxe. Si vous vous croyez intéressant ! »

« Vous voyez : dès qu’on  ne dit pas comme vous, vous devenez arrogant. Autrement dit, vous aimez bien les gens communicants à condition qu’ils soient de votre avis sinon ils sont invités à la fermer et vous les classez dans les non-communicants. »

« Je comprends rien à votre truc. Les communicants, c’est ceux qui discutent avec moi. Alors évidemment, moi je ne discute pas avec les réac’ »

« Vous n’avez pas une large ouverture d’esprit. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas de votre avis qu’on est réactionnaire. »

« Bon alors de quoi on parle pour ne pas s’énerver. Il reste le temps qu’il fait. On peut peut-être tomber d’accord sur le fait que la saison est anormalement pluvieuse. »

« C’est bien pour ça que j’ai pris mon parapluie ce matin. Mais ça ne va pas nous mener très loin sur le plan de l’échange d’idées. A partir du moment où nous avons la même appréciation sur la météo, il ne va plus se passer grand-chose entre nous. »

« Euh… tout compte fait, ça vaudrait peut-être mieux. Non ? »

Histoire de courbatures

17 mars, 2012

Après avoir quitté le périphérique

Je pris la route en lacets

Qui suivait les méandres du fleuve.

Les zigzags des essuie-glaces balayaient la pluie de mon pare-brise.

J’étais à un virage de mon existence.

Avant, les contours de ma vie étaient flous.

Depuis que j’avais vu le galbe de la silhouette de Jeanne

J’en oubliai mes rondeurs.

Ainsi que mes sinus malades.

Filles énergiques

16 mars, 2012

Mauricette battait ses œufs pour une excellente omelette.

De son coté Louise corrigeait les copies de ses élèves.

Pendant que son Mireille  passait au tabac pour ses cigarettes.

Amandine était chez son  masseur qui lui caressait les côtes.

Marie prenait soin d’elle-même : elle en venait aux mains.

Josiane tapait Henriette de 50 euros.

Ginette se cognait la conversation de Géraldine.

Tandis qu’ Emeline frappait à la porte.

Querelle de générations

15 mars, 2012

« Chaque couple reproduit un être de la même espèce. »

« Pas le mien. Mon gamin n’est pas de la même espèce que moi. Il ne s’intéresse à rien. Même pas au foot »

« C’est un être humain, tout de même ! »

« Je me le demande. Il a toujours deux écouteurs sur les oreilles. On dirait que c’est d’origine. Et puis, son pantalon tombe sur ses genoux. Je ne suis pas sûr qu’il ait des hanches. Avec lui, c’est impossible de contrôler. »

« Bon… Ils sont peut-être un peu bizarres, maintenant. Mais, il s’exprime comme un homme, je suppose. Pas comme une bête ? »

« Euh, ce n’est pas certain non plus. Je ne comprends pas tout. Il parle à toute allure. Il dit souvent que « c’est clair, pourtant » quand je n’ai rien compris. Ou alors il « kiffe » ou il est « vénère ». Parfois, ça ressemble à un long grognement. Il hulule quand il a faim. Même le chat a peur.»

« C’est pas grave. Souvenez-vous quand vous aviez son âge, hein ? Vous en faisiez tout autant ! Voire pire ! »

« Pas vraiment. J’avais l’air normal. Peut-être parfois un peu emprunté, mais normal. Et puis, je n’émettais pas de bruits anormaux, je faisais des phrases grammaticalement correctes. En tous cas, je m’intéressais au foot. »

« Il faut dire qu’il n’y avait pas beaucoup d’autre occupation dans votre quartier. »

« Et je m’habillais correctement pour sortir. Aujourd’hui, on a l’impression que les jeunes portent exprès des vêtements trop longs pour eux. Et encore, je bénis le ciel de ne pas avoir de fille. Quand on voit comment les gamines sont habillées maintenant… Si on peut appeler ça habillées… Vous voyez ce que je veux dire, hein ? »

« Pas du tout… »

« On dirait qu’elles font bien attention de porter des tee-shirts ou des pantalons trop étroits. Vous ne trouvez pas ça scandaleux. Provocant, quoi ! »

« Oui, mais il ne faut pas être trop extrémiste. Avec l’âge, ça leur passe. Regardez votre femme ! »

« Qu’est-ce qu’elle a ma femme ? »

« Elle s’habille long. Classique, quoi. Charmant, mais classique. »

« Vous ne voudriez quand même pas qu’elle sorte vêtue comme une dévergondée. J’y veille de très près. Il  ne manquerait plus que ça ! Et vous d’abord ! La cravate est de sortie ? Elle est en option peut-être ? »

 

Tout se délite

14 mars, 2012

Les patrons étaient sûrement corrompus.

Ou salis par le pouvoir.

L’usine de la vallée allait fermer et débaucher du personnel.

 L’économie locale se décomposait.

Le niveau d’emploi s’abaissait.

L’air était vicié par les fumées des ateliers.

Et l’eau polluée par leurs rejets.

La santé des habitants s’avérait pourrie par les maladies.

On allait tâcher de s’en sortir.

 

C’est la crise

13 mars, 2012

« Les moments de crise sont difficiles à traverser. »

« Oui, je vous remercie du renseignement, je n’ai plus un rond ! »

« Il ne faut pas désespérer. Regardez les grecs… »

« Je ne regarde plus personne, je n’ai plus de télé. Vous n’auriez pas cent balles ? »

« Les dernières mesures du gouvernement feront bientôt sentir leurs effets. N’ayez crainte ! »

« Si j’ai un peu crainte. Jusqu’ici, je n’ai rien senti. Vous n’auriez pas cent balles ? »

« Bon, prenons le problème autrement. Dans six mois, c’est la reprise économique et on ne parlera plus de tout ça. L’Europe nous protège…»

« Ah, bon ? Vous n’auriez pas… »

« Il y a déjà des prémices encourageants. L’indice Nikkei a progressé de 0.12 .% hier. Vous vous rendez compte de ce que cela signifie ? »

« Oui, ça me soulage. Vous n’auriez pas un indice d’augmentation de mon revenu ? »

« Il faut savoir prendre du recul. Rien ne peut se faire du jour au lendemain.  Attendez que la balance commerciale se redresse. Vous m’en direz des nouvelles. »

« C’est-à-dire que je suis un peu pressé !  Vous n’auriez pas cent balles ? »

« Soyons conscient qu’avec la Dette, on ne peut pas tout faire tout de suite.  Nous n’avons plus aucune marge de manœuvres. »

« Il faudrait faire payer les riches ! »

« Alors là, je vous arrête tout de suite. Ne tombons pas dans le piège de la stigmatisation :! Ce n’est pas en nous acharnant sur des bouc-émissaires que nous allons régler nos problèmes. Il faut se serrer les coudes. »

« Bon d’accord, mais enfin, les coudes… j’aimerais bien les mettre sur une table. Vous comprenez ? »

« Attention ! Oh ! la ! la ! Attention ! Si la consommation repart trop vite, vous allez nous relancer l’inflation. Ne tombons pas de Charybde en Sylla. »

« Bon, au moins prêtez-moi cent balles. Je vous les rendrai dans six mois. Lorsque la politique du gouvernement aura produit ses effets. »

« Oui, mais là nous allons faire augmenter le prix de l’argent. Vous croyez que c’est le moment de pratiquer une politique d’argent cher ? »

« Et mon pied quelque part, ce n’est pas le moment par hasard ? »

Chances

12 mars, 2012

J’ai verni mon plancher, je me suis mis un peu de vernis sur les mains : je suis verni.

J’ai une veine qui bat furieusement dans ma poitrine.

Je vais prendre un bol de thé pour me calmer.

Et ouvrir un pot de confiture.

Après, je ferai une réussite, c’est bon pour les nerfs.

Puis Victoire viendra faire le ménage.

C’est une chance de l’avoir près de moi.

Sa fille est une grande danseuse : c’est une bonne étoile.

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