La tête de l’emploi
8 mars, 2012« Mon banquier est un petit homme tout rond. »
« C’est vrai que dans la banque, on est plutôt rondouillard. D’ailleurs, je crois que les tailleurs fabriquent désormais des costumes standard, taille banquier »
« C’est vrai. C’est un peu comme les notaires qui ont tous la même allure. Ils sont tous chauves ou presque. Mon beau-frère chevelu a été retoqué à l’examen d’entrée à l’école notariale »
« Ah, bon ? Moi ma belle sœur a voulu faire charcutière, mais ça n’a pas marché du tout parce qu’elle est plutôt du genre filiforme et élégante. »
« C’est dommage, elle aurait pu être une très bonne charcutière. Ces préjugés tout de même, ça casse des vocations ! On ne peut plus être prêtre maintenant si on n’a pas la joue lisse et rose et le regard un peu translucide ! C’est quelque chose ! »
« Il y a des cas qui peuvent s’expliquer par exemple la situation de ce brave homme qui voulait faire présentateur du journal télévisé en ayant une dentition complètement avariée ! Ou alors cette jeune femme d’un mètre cinquante deux qui voulait faire basketteuse. Mais pourquoi a-t-on refuser ce jeune garçon dans la police pour insuffisance de férocité dans le regard ? Hmmm ? Ou alors cet apprenti-plombier parce qu’il est toujours à l’heure à ses rendez-vous professionnels ? »
« C’est vrai, on dirait qu’il faut avoir la tronche de l’emploi partout ! Ainsi avez-vous déjà vu un gardien de musée qui ne donne pas l’impression de sortir de sa sieste ? Ou alors un prof de philo qui soit un brin rigolard ? »
« Bon, tout ça ne me dit pas la carrière que je vais embrasser avec la tête que j’ai ? Jardinier municipal ?
« Euh… non, il faut avoir une tête à casquette. Maitre-nageur ? Vous n’avez pas l’air de savoir nager plus que moi . »
« C’est que je n’aime pas beaucoup l’eau. Peut-être coach sportif ? »
« Non, là il faut avoir l’air rassurant à propos de la forme des gens que vous coachez même si ils sont complètement épuisés. Je ne pense pas que vous êtes assez hypocrite. »
« Alors écrivain ? J’ai cette allure complètement débraillée et cette mine ahurie qui colle assez bien à la profession. Il y a aussi un petit quelque chose de dérangé dans mon regard. Vous ne trouvez pas ? »
« Bin non, vous êtes un cas un petit peu compliqué. Ni trop grand, ni trop petit. Ni trop gros, ni trop maigre. Vous n’avez pas spécialement l’air hagard ou vicieux. Normal quoi. Il vous faudrait un emploi où les gens n’on rien d’extraordinaire : Président de la République ? hmmm ? »