Il sont tous là

Ce type… là.  Avec ses cheveux mouillés et son costard brillant. Sa cravate fantaisie, mais pas trop. Bien rasé. Frais. C’est sûrement un consultant informatique. Ils ont tous la même tête. Il a l’air préoccupé notre petit consultant.

La fille, derrière, qui a les cheveux devant les yeux, la lippe boudeuse et qui regarde son portable à tout bout de champ, elle n’a pas l’air content.

D’ailleurs, à sept heure trente du matin, il n’y a pas beaucoup de mines réjouies.

Voici une dame en robe à fleurs qui attend  patiemment. On a l’impression qu’elle regarde devant elle sans rien voir. En quelque sorte, elle ne contemple rien. Elle rêve sans doute d’un monde meilleur. Sans matin brumeux. Un monde où on s’intéresserait à elle. Où on la trouverait belle.

Un retraité promène son chien. Etre à la retraite et se lever aussi tôt, ce n’est pas humain. C’est peut-être canin, mais ce n’est pas humain. Pourquoi a-t-il fallu qu’il s’encombre d’un animal de compagnie. La télé suffisait !

Un jeune à la casquette retournée se dandine d’un pied sur l’autre. Ses écouteurs lui distillent une musique inaudible. Son sac pendouille en essayant de s’accrocher à ses épaules. Son pantalon, bien aidé par ses mains enfoncées dans ses poches, s’affaisse en boudins sur ses baskets rouges.

Auprès de lui, une mère de famille bien propre sur elle. Son imperméable cache un chemisier rose et une jupe noire, droite et discrète. Elle tient son sac à mains serré entre son coude et sa poitrine. Les cheveux ont été longuement brossés ce matin, puis emprisonnés dans une queue de cheval qui se balance au gré de ses mouvements. Acajou… elle a pris un shampoing qui donne des reflets d’acajou à sa chevelure. Il faudra qu’elle pense à passer à la boulangerie, ce soir, en rentrant. On sent la mère de famille de deux enfants, organisée et prévoyante.

Ce n’est pas comme l’homme qui la côtoie. Il n’est pas rasé et mal peigné. Il donne le sentiment de se demander ce qu’il fait ici. A son allure non décidée, il ne se  rend sûrement pas au boulot dont il rêve. Il se rend à rien du tout. Même pas à l’évidence de son non-emploi.

Le feu passe au vert. Tout ce monde entame la traversée de la chaussée au même pas. Sauf l’homme mal rasé. Il décide d’attendre le prochain voyage. Ce sera toujours une minute de plus qui passera. Il arrivera en retard aux rendez-vous qu’il n’a pas. Il ne s’en excusera pas.

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