Archive pour novembre, 2011

Miam-miam !

9 novembre, 2011

Je vais peut-être prendre un petit consommé d’asperge pour attendre Berthe.

En rongeant mon frein.

Elle va encore chipoté sur l’heure de notre rendez-vous.

Je goberai ses mauvaises excuses.

Car je la dévorerai encore des yeux

Pendant que sur la table, les bougies de notre diner d’amoureux se consumeront peu à peu.

Je vais y engloutir mes dernières économies.

Mais quel plaisir de voir sa mine boudeuse absorber sa glace à la fraise !

Pendant que j’ingurgiterai mon café brulant, vu que je ne pendrai pas de dessert.

Pour que mon budget ne boive pas la tasse.

C’est la crise…

8 novembre, 2011

« Il est temps de réagir avant qu’il ne soit trop tard ! » 

« Réagir contre quoi ? » 

« J’en sais rien. Il y a sûrement du laisser-aller quelque part ! D’ailleurs dès que j’ai le dos tourné, tout le monde s’en fout ! Plus personne ne bosse, il y a du déficit partout : l’Etat, la Sécu, la SNCF, moi… » 

« Bon, qu’est-ce qu’on peut faire ? » 

« Je vais prendre des mesures, parce que si j’attends que les autres le fassent… Je vais commencer par réunir les partenaires sociaux. Ensuite ma femme achètera son magazine de télé en commun avec la concierge. Ca leur fera un sujet de conversation. Puis, ma gamine resquillera en prenant le bus. Au pire, j’irai la chercher au commissariat. Par ailleurs, je diminuerai la part de croquettes du chien. De toute façon, il est trop gros. » 

« Ce sont des mesures sévères ! » 

« Absolument ! Je vais être extrêmement rigoureux ! Les mouchoirs en papier devront servir au moins deux fois. Voire trois si on s’y prend bien. On mettra moins de dentifrice sur les brosses à dents. On dinera à la bougie. On fera la vaisselle une fois sur deux. » 

« Ça rigole pas chez vous ! » 

« Oui, mais attention, je mets de la souplesse dans mon programme, sinon la vie va devenir impossible ! Par exemple, mon prochain séminaire au Maroc est incontournable. Mes séances de fitness sont sanctuarisées. De même mes séances d’UV. Je dois rester beau et bronzé pour conduire les miens vers un avenir radieux. 

De plus je vais mettre ma gamine au boulot. Je la taxerai pour alimenter les caisses. Tout le monde doit participer à l’effort de redressement. Le chien aussi. Heureusement je m’entends très bien avec le banquier et l’huissier. Tout le monde va participer à mon redressement et chacun y trouvera son compte. Surtout mon banquier. On fait de la gym ensemble, alors vous pensez bien que ça resserre les liens… Quant à l’huissier, il n’est peut-être pas aussi bronzé que moi, mais il est sympa. Il a dit qu’il va nous laisser les tabourets et ma table de camping. Peut-être aussi la corbeille du chien… » 

Il ya plusieurs manières de se distinguer en société.

7 novembre, 2011

On peut faire des façons.

Ou alors des ronds de jambe.

Se conformer aux usages ou au savoir-vivre, c’est bien.

Mais il faut garder les chichis pour la plage.

Faire des histoires est réservé aux écrivains.

Faires des cérémonies, c’est pour les religieux.

On peut minauder.

Mais pas trop, faire des embarras  c’est en voiture.

Il faut être urbain en zone urbaine.

On peut être aussi affable en racontant des fables.

Ou bien accort en jouant des accords.

 

Expression pas libre

6 novembre, 2011

« Ainsi que je vous l’ai stipulé… » 

« Vous m’avez quoi… ? » 

« Je vous ai stipulé ! » 

« Vous ne pouvez pas parler comme tout le monde ? Dites que vous avez dit, ce serait plus simple ! » 

« Après avoir examiner le problème sous tous ses aspects… » 

« C’est bizarre comme expression. On dirait que le problème est une bête curieuse. Dites que vous avez réfléchi à la question. Ce serait beaucoup plus clair. » 

« Bien ! Dans ces conditions je vais rebondir sur ce que vous dites… » 

« On n’est pas au trampoline. Dites plutôt que vous allez me répondre. » 

« Avec vous, on ne peut plus rien faire ! Est-ce que je peux dire que je vais faire état de mes préoccupations ? » 

« Non ! Vos préoccupations, on s’en fiche un peu. Dites plutôt que vous allez donner votre avis sur la situation! » 

« Ce n’est pas du tout pareil ! J’ai des préoccupations d’un niveau élevé qui n’ont rien à voir avec la situation ! Par exemple, j’envisage plusieurs scénarios pour l’avenir de la planète… » 

« Non ! Vous n’envisagez rien ! A la rigueur, vous pourriez souhaiter quelque chose pour l’avenir de la Terre, mais c’est tout ! » 

« Bon. Est-ce qu’on pourrait faire la liste des thématiques que j’ai le droit d’aborder ? » 

« Non plus. Parlez des thèmes sur lesquels vous voulez vous exprimer. « Thématique » est un adjectif pas un nom. » 

« Suis-je habilité à parler du manque de repères chez les jeunes ? » 

« Vous donnez des leçons à tout le monde, alors ? » 

« J’essaie, mais je ne suis guère écouté » 

« Les gens sont très susceptibles. A commencer par vous ! Vous vous énervez alors que j’essaie de vous rendre service. Par exemple vous dites toujours : « ça ne relève pas de notre champ de compétences » au lieu de dire « ça ne relève pas de notre compétence ». Vous pourriez utiliser 6 mots au lieu de 9 ! 50% d’économies ! Si tout le monde en rajoute, on ne pourra bientôt plus s’exprimer ! » 

Prise de tête

5 novembre, 2011

Quand Jean arriva avec le bec enfariné.

Il constata que Mehdi avait sa tête des mauvais jours.

Souleymane souffrait de la gueule de bois.

Rachid, lui, montrait une mine de papier mâché.

Seul  Louis qui était le chef de la bande

Avait le visage impassible.

Il est vrai qu’il ne risquait pas, lui un délit de faciès

Dans un face à face avec la police.

Noir, c’est noir

4 novembre, 2011

L’homme se glissa dans la nuit jusqu’au bistrot de Lucien.

C’était un beau ténébreux.

Il avait un regard de jais.

Mais il était engagé dans une affaire obscure

Dans laquelle il s’était comporté comme sombre idiot.

Il avait foncé dans le panneau.

Dans une histoire de marché noir.

Où il vendait des boites de cirage

Pour de la  crème à bronzer.

Quelques longueurs d’avance

3 novembre, 2011

Paul l’avait déjà vue une semaine avant son départ pour New-York. 

Un soir, en époux consciencieux, il avait convié sa femme à un diner dans un restaurant de sa connaissance, à l’ambiance vaguement orientale. 

Il l’avait remarquée dans le dos de Maryse. Elle était seule à une table ronde et semblait ne rien observer d’autre que le menu qui lui était servi. Il avait aimé sa lippe boudeuse, ses grands yeux noirs et cette mèche brune qui s’arrondissait harmonieusement sur son front délicat. La conversation languissante qu’il essayait de tenir avec son épouse lui laissa le temps de la détailler. Il décida qu’elle avait de la classe. Elle réussissait à mettre en valeur sa présence sans se donner la peine de s’agiter. Paul pensa à une starlette des années cinquante dont il ne retrouva pas le nom. 

Quelques jours plus tard, il eut la surprise de la croiser de nouveau dans les rayons de sa supérette. Elle portait une robe à fleurs délicieusement démodée. Il lui trouva encore de la grâce même lorsqu’elle choisissait un paquet de nouilles. Il la suivit à la caisse pour saisir à son passage son parfum musqué. 

Lorsqu’il atterrit à La Guardia, il avait oublié cette étrange apparition. C’est devant le tapis roulant qui délivrait les bagages des passagers qu’il remarqua sa présence solitaire. Elle portait la même robe. En attendant patiemment l’arrivée de sa valise, elle feuilletait distraitement un magazine. La rencontre dépassait la possibilité d’une coïncidence.

(suite…)

Le contenant et le contenu

2 novembre, 2011

Jean aimait mettre Henri en boîte.

Il lui dit qu’il n’ouvrirait jamais le coffre.

Mais Henri avait un casier judicaire chargé.

Il en connaissait un rayon.

Et avait plus d’un tour dans sa besace.

Henri et Jean figuraient au fichier central de la police.

Ils n’avaient pas attendu la hotte du Père Noel pour s’équiper.

Ils  s’étaient acheté une belle caisse pour arriver.

Mais durent repartir en panier à salade.

Savoir-vivre

1 novembre, 2011

« Vous pourriez vous lever et me laisser votre place. Je suis plus âgé que vous ! » 

« Comment le savez-vous ? » 

« Vous avez l’air dynamique et moi je suis fatigué… » 

« Je suis peut-être musclé, mais je me dépense énormément. Après le boulot, il faut faire les devoirs des enfants. Cette année, je suis en CM2, j’attaque la règle de trois. C’est compliqué, vous ne pouvez pas savoir ! » 

« Et c’est ça qui vous vieillit prématurément ? » 

« Non, c’est qu’après les devoirs, il faut suivre le journal télévisé. Toutes ces guerres, ces scandales, moi ça me fout les boules ! Et vous, ça ne vous fait rien ? Tout ça, ça me porte sur les nerfs et ma santé s’en ressent durement ! » 

« Ah bon ? » 

« Et au bureau, je ne vous dis pas ! Tout me retombe dessus ! Les secrétaires se font les ongles, les chefs s’occupent de leurs carrières et moi je bosse. Tout le monde trouve ça normal ! Moi, ça me vieillit d’au moins 10 ans ! Quand j’ajoute tous mes soucis, potentiellement j’ai au moins 120 ans. D’ailleurs quand je regarde la tête des gens dans ce bus, la moyenne d’âge virtuelle tourne autour de 100 ans ! » 

« Même le petit garçon, là-bas ? » 

« Oui, oui. Il est stressé, il a oublié ses affaires de gym. Au collège, ça va encore faire toute une histoire ! Vous ne vous rendez pas compte du traumatisme ! » 

« Si je comprends bien, avec mes 63 ans, je suis un vrai gamin… » 

« Oui, heureusement que je suis là pour vous rappeler les règles de savoir-vivre ; parce que vous les jeunes vous perdez facilement le sens des vrais valeurs : le travail, la discipline, l’effort ! » 

« … » 

« Comment ça, vous travaillez en usine ? Il y a encore des usines qui n’ont pas été délocalisées en Chine dans ce pays ? » 

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