La fin de tout
13 novembre, 2011Un jour viendra où il n’y aura plus rien.
La boulangerie de Madame Sauvageot restera béante, ouverte à tous les vents comme la gigantesque carcasse d’une baleine décharnée. Sur le comptoir bousculé par le temps, subsisteront quelques pièces esseulées de dix centimes d’euros, vestiges d’une civilisation passée.
Dans les locaux de la Sécurité Sociale qui ne sécurisera plus rien, des cordons distendus et flageolants marqueront devant des guichets dévastés, la trace des files d’usagers qui ne se formeront plus jamais.
A la banque, plus personne n’introduira sa carte bleue en dépit de la prière insistante des guichets automatiques. Quelques billets de banque s’en échappent déjà, poussés au loin par la bise mauvaise de l’automne naissant.
Devant la caserne des pompiers, une voiture assurée de son impunité, restera mal garée pour l’éternité
Au bout de la rue, le feu rouge sera bloqué sur cette couleur, plus aucun véhicule ne passera dans un sens. Ni dans l’autre d’ailleurs.
Dans les travées sonores du stade, seules les corbeaux et les corneilles hurleront encore leur mécontentement.
La rivière coule toujours, mais ses flots n’emporteront plus le reflet du visage des amoureux ou des imprudents qui se penchaient au-dessus du pont de pierres.
Les rails du chemin de fer luisent encore au soleil en s’enfuyant dans les bois.
Le clocher de l’église s’agitera encore parfois, appelant des fidèles disparus à leurs devoirs religieux devenus inutiles.
L’arroseuse municipale aura abdiqué. Elle restera prostrée à l’ombre du mur de l’école primaire. Aux carrefours, les massifs de fleurs s’éteindront les uns après les autres.
L’air se purifiera des miasmes de la ville. On pourra respirer mais on ne le pourra plus.
La campagne arrivera en ville. Partout le lierre et la mousse s’épanouiront.
Un chapeau de paille s’envolera.
L’immobilité deviendra l’immobilisme.
Plus personne ne mendiera sa subsistance quotidienne. Partout ce sera la fin de la faim.