Archive pour octobre, 2011

Pardon ?

11 octobre, 2011

« Je vous demande pardon ! » 

« Non, non, je n’ai pas de pardon. Allez donc demander à Dubertrand, il en a peut-être encore un peu » 

«  Bon d’accord, alors je vous prie de m’excuser. » 

«  Ne me priez pas, je ne me prends pas encore pour le bon Dieu, dis-je en rigolant ! » 

« Il faudrait que quelqu’un s’occupe de mes fautes tout de même ! C’est que j’en commets beaucoup ! Je fais des erreurs ! Il faudrait les remarquer ! C’est déjà compliqué d’exister, alors si on ne peut même plus attirer l’attention en se conduisant mal ! Où va-t-on ? Par exemple, je vous ai traité d’enfoiré dans votre dos. C’est lâche ça, non ? » 

« Non pas vraiment. Il y a tellement de gens qui me maltraitent et puis, de toute façon, j’ai dit aussi des horreurs sur votre compte quand vous n’étiez pas là ! Nous sommes quittes ! » 

« Comment ça ? Vous médites de moi ? Vous me dites ça comme ça ! Et je suis le dernier à l’apprendre ? » 

« Je ne vais tout de même pas vous faire un mail pour vous raconter tout ce que j’ai dit sur vous en votre absence, quand vous n’étiez pas là pour vous défendre ! Allons, allons, soyons raisonnables ! » 

« Elle est bonne celle-là ! Il faudrait en plus que je me défende de vivre ! » 

« Vous voyez : ça n’aurait servi à rien que je vous avertisse puisque vous ne voulez pas vous défendre ! » 

« J’attends des excuses pour ce comportement, Monsieur ! » 

« Ça tombe mal, je n’en ai pas beaucoup en ce moment. Je suis un peu à sec d’excuses ! » 

« Bon, alors… Vous pourriez me demander pardon ! » 

« Donc, vous avez des pardons. Pourquoi m’en avez-vous demandé tout à l’heure ? » 

« C’était une façon de parler. Vous ne comprenez rien ! Tout à l’heure, je me repentais de vous avoir traité d’enfoiré. Maintenant, je ne suis plus très sur d’avoir eu tort. Je vais peut-être suspendre ma demande de pardon. Si en plus, vous n’en avez plus, ça tombe plutôt bien ! » 

« Bon d’accord ! Vous voyez tout s’arrange ! » 

« Bin… non ! Du coup, c’est moi qui me retrouve dans la panade puisque je n’ai plus personne à qui faire remarquer ma mauvaise conduite ! » 

 

Imprimatur

10 octobre, 2011

Il aimait vivre dans le luxe : son appartement avait du caractère.

Mais ce jour là il avait mal à la tête : il prit un comprimé d’aspirine.

Puis descendit acheter des timbres au bureau de tabac.

Son courrier laissera des marques dans les annales judiciaires.

Il n’avait pas perçu son dernier cachet.

La pilule avait du mal à passer.

Il tiendrait la dragée haute à ses ennemis !

Il remonterait jusqu’au Garde des Sceaux si nécessaire.

Une page de pubs

9 octobre, 2011

Le taux de remboursement de ma mutuelle est absolument exceptionnel. D’ailleurs, ça vous donne envie d’être malade. 

Je vous fais la TVA à 0%. Euh…vous la payez quand même. Mais c’est mieux de présenter les choses comme ça. On a l’impression que je vous fais cadeau de vos impôts. 

Et mon crédit à 1% ? Enfin, pendant trois mois. Après on verra… 

N’oubliez pas ma carte de fidélité gratuite. Ou presque. On se rattrapera sur les achats que vous allez être incité à faire. 

Je vous fais aussi un prix sur les cours particuliers de votre gamin qui va sûrement rater son bac vu que vous ne vous en occupez pas beaucoup. Ce n’est pas pour vous culpabiliser, mais … 

Et mon kilo de tomates ?  Je les vends à un prix ridicule. Je paie les producteurs une misère et je m’attire des tas d’ennuis à cause de vous… 

Mes vacances au Maroc dans un hôtel 4 étoiles ! 10 000 euros les 7 jours ! Vous n’allez pas rester chez vous, tout de même ! 

Tout pour le bricolage facile ! Arrêtez donc de vous taper sur les doigts sinon vous allez finir par vous les mordre ! 

Comment ça ? Vous n’avez pas encore la carte gratuite qui permet d’avoir des cartes de fidélité à moitié prix ? 

Achetez malin ! Venez donc voir notre matériel informatique ! Vous n’y comprenez rien ? Nous non plus, mais on vous expliquera ! 

Lâchez nous nos baskets  et venez les voir! Nous vous vendons une paire neuve chère et vous débarrassons de vos vieilles chaussures qui sentent mauvais. 

N’ayez plus honte de votre matériel de bureau. Exposez le à la vue de votre patron, puis glissez lui notre carte ! 

En avant la musique!

8 octobre, 2011

A l’usine, ce sont des cadences infernales. 

Sur le plan financier, je suis acculé dans les cordes. 

Je ne paie plus mes contredanses. 

A l’hôtel, j’ai été obligé de déménager à la cloche de bois. 

Flûte, je dois vendre les cuivres de ma grand-mère. 

Le banquier me rappelle mon déficit comme un leitmotiv  

Il pourrait me chanter un autre refrain. 

Ou alors la mettre en sourdine. 

Il me menace de toute une gamme de sanctions. 

Je n’ai pas l’intention de finir au violon. 

Je pourrais vendre mes trombones. 

Ou mon balai. 

Chantons…

7 octobre, 2011

Le petit navire qui n’a jamais navigué ferait mieux de rester au port.

La mère Michel est passé à la SPA pour retrouver un chat.

Pendant que le père Lustucru faisait cuire se pâtes.

Le breton a mis son béret carré.

Et a pris le train pour les Vosges, en passant par la Lorraine.

Là-haut sur la montagne, il a un vieux chalet.

Jeannette ne pleure plus.

Elle a retrouvé la gentille alouette et n’a pas du tout envie de se marier.

Cadet Roussel vient d’acheter une quatrième maison,

Puis est parti boire un coup à l’eau de la claire fontaine.

Le brave marin revient de loin.

Et le roi Dagobert est bien vêtu, à la surprise générale.

Nous irons encore au bois

Pour planter des choux avec les genoux.

Un cadre pas très dynamique

6 octobre, 2011

 Neil Balaruc ne s’appelle pas Neil. Il s’est baptisé ainsi pour faire américain. Dans son job, c’est indispensable. Son nom sonne encore trop français, il faudra voir plus tard quand il aura conquis le siège de manager général. Pour le moment, il n’est que directeur commercial dans son entreprise qui vend des logiciels cartographiques. 

Aujourd’hui il a réuni tous ses vendeurs pour la mise au point mensuelle. 

Neil Balaruc passe sa main sur son front dégarni. Il joue un instant de ses lunettes à fortes montures avant de les ajuster sur un appendice nasal orné d’une magnifique verrue bourgeonnante. 

De ses yeux gris-vert que chacun s’accorde à trouver particulièrement vides d’expression humaine, il les dévisage un par un. On lui a fourgué une équipe de branquignols. C’est lui qui se tape tout le boulot et en plus, il lui faut faire travailler ces incapables. 

Il y a là Moresco, sa tignasse couleur carotte et ses tâches de rousseurs. Ses résultats ne sont pas plus mauvais que la moyenne, c’est-à-dire désastreux. « Monsieur » Moresco trouve le temps de lire Sénèque et Voltaire. Pour prendre du recul sur la vie, parait-il. Neil exècre Moresco et ses manières d’intellectuels. En outre, Moresco s’occupe de ses enfants le week-end, il parle souvent de  leurs réussites scolaires avec satisfaction.

(suite…)

Je travaille du chapeau

5 octobre, 2011

Je ne suis pas une bombe,

Mais je suis en haut de ma forme.

Je ne suis pas encore fichu.

Je ne suis pas toqué.

Je sors de chez le dentiste qui m’a posé une couronne.

Je ne mâchouille plus mes capuchons de stylo.

Je ne suis pas mou comme un bonnet de nuit.

Je n’ai pas l’intention de casquer.

Ni de porter le chapeau des autres.

Je vais m’acheter un feutre pour mon tableau blanc.

Puis je dégusterai un melon pour déjeuner.

Pour les vacances, j’irai à Panama.

Et j’écouterai le boléro de Ravel.

Histoire de mails

4 octobre, 2011

« T’as reçu mon mail ? » 

« Bin… j’en sais rien, mais on pourrait se parler, c’est plus simple. » 

« Oui, peut-être, mais il faut se demander si l’on a reçu le mail que l’on s’est envoyé. C’est comme ça, maintenant, c’est courtois ! Il ya plusieurs phrases à prononcer obligatoirement comme « T’as vu le match, hier soir ? » » 

« Bin non… parce que je lisais des mails ! Il y a d’autres choses à faire comme ça, parce que moi, je ne suis pas tellement au courant ? » 

« Oui ! Maintenant il faut arroser vos géraniums avec votre eau de vaisselle. Si vous avez des géraniums, si non arrosez ceux de votre belle-mère. » 

« Autrement dit, il faut faire ou parler comme tout le monde. On ne peut plus rien faire d’original. C’est que j’ai une personnalité à exprimer, moi ! » 

« Vous ne seriez pas un peu egocentrique, par hasard ? » 

« Bin… si, justement ! Maintenant que vous le dites, j’aime bien être le centre de l’attention générale. » 

« Je vois. C’est une manière de se sentir moins seul. Finalement, c’est la solitude le cancer de la société. Je vous donne un conseil pour en sortir. Dites souvent : « T’as reçu mon mail ? » et on comprendra que vous n’avez rien à dire comme tout le monde. Vous serez ainsi mieux accepter. » 

« Vous ne pourriez pas arrêter de jouer les esprits forts ? J’ai besoin d’un certain niveau de nullité autour de moi. Par exemple, demandez-moi si j’ai passé un bon week-end, même si ça vous est complètement égal. A tout hasard, je vous signale que je l’ai passé chez ma belle-mère. Alors, il ne faudra pas trop insister. Non ! Finalement demandez-moi plutôt si je prends bientôt mes vacances. J’hésite encore un peu sur ce point. Cela pourrait donner lieu à une conversation agréable entre gens du monde sur les avantages respectifs des mois de juillet et d’août ! » 

« On pourrait en discuter par mail ! » 

« Ok, je vous envoie un mail ! » 

Vive les femmes!

3 octobre, 2011

Il n’aime pas l’oisiveté, mère de tous les vices.

Il préfère jouer aux dames

Tout en élevant sa poule, Nénette.

Et en buvant une fillette de son vin.

La moitié de sa fortune,

Il l’a promise à Nénette.

Il trouve ce don légitime.

En attendant , il se soigne avec des remèdes de bonne femme.

Et est régulièrement visité par les bonnes sœurs

Dont il épouse la foi.

Les visites de Tibère

2 octobre, 2011

Lorsque Georges entra dans le parloir, son oncle Tibère ne le reconnut pas tout de suite. Le gamin avait terriblement maigri. Il portait une espèce de pyjama beige trop grand pour lui. Sa célèbre tignasse qui lui donnait continuellement l’air frondeur et renfrogné avait disparu : la tondeuse réglementaire avait dénudé son crâne rose d’adolescent qu’il caressait instinctivement comme s’il recherchait encore sa toison touffue. 

Georges resta tête basse, prostré pendant les quinze minutes d’entretien. Ses quelques mots furent prononcés à voix basse comme un murmure. Tibère chercha à le rassurer. Il s’inquiéta de sa santé, de son moral, de ses occupations. Il lui dit que certes le temps lui semblera long, mais qu’il fallait qu’il en profite pour réfléchir à ce qu’il ferait dans six mois. A sa sortie, il pourrait peut-être le prendre avec lui à la quincaillerie, mais il faudra qu’il montre un peu d’ambition pour construire sa propre vie. 

Georges répondit par grognements et monosyllabes sans le visage. Le temps des remontrances était passé. Tibère évita de parler des raisons de son incarcération : des bagarres de quartiers, des vols, des trafics. Il lui affirma simplement que lui, Georges valait bien mieux que « tout ça ». En partant, il lui  dit que sa mère n’osait pas venir le voir. Le gamin montra enfin yeux bleus et brillants, faillit faire un effort pour dire quelque chose puis retomba dans sa léthargie. 

Le maton revint en traînant les pieds et en toussant fortement. Il  lui  posa la main sur l’épaule et Georges disparut de la pièce, suivi de l’uniforme gris.

(suite…)

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