L’absence
18 octobre, 2011C’est sûr : il est parti.
Depuis quand ? Personne ne le sait exactement. Quand je me délocalise pendant quinze jours au Grau-du-Roi, j’éprouve le besoin de dévoiler les différents aspects de mon choix en détails. Lui était de ceux qui considèrent qu’ils n’ont pas à rendre compte de leurs faits et gestes et encore moins à s’en justifier. De toute façon, il était aussi de ceux auxquels personne n’ose demander la moindre justification.
Pendant longtemps, nous ne nous sommes pas remis de la nouvelle de son départ. Certes Pauline continuait à tricoter de plus belle, mais c’était sa façon de surmonter les épreuves. Roger oubliait de se mettre les doigts dans le nez. Lorsqu’il était avec nous, Jeannot, le joyeux drille de la bande, s’exclamait à tous propos. Hé bien, même Jeannot ne parlait plus ! Cunégonde parlait encore : elle allait changer de prénom pour que personne d’autre ne puisse prononcer le sien. Nous n’osions plus nous réunir dans notre restaurant habituel de peur d’être obligés de mettre son couvert et de matérialiser ainsi son absence.
Quand il apparaissait quelque part, il avait une façon incontournable d’imposer sa présence. Lorsque j’arrive dans une pièce, personne ne prête attention à ma silhouette. A la mairie, je suis obligé de tousser comme un malheureux pour que l’employé de service lève enfin la tête de peur d’être infecté par un virus. Lui, c’était différent. Au moment précis où son corps imprégnait les champs de vision, les sourires s’accrochaient instantanément aux visages. On avait l’impression de respirer. Une place se libérait comme par magie dans le cercle amical. Il n’était pas envisageable qu’une chaise vint à manquer comme au moment où j’arrive en retard aux réunions.