Les visites de Tibère
2 octobre, 2011Lorsque Georges entra dans le parloir, son oncle Tibère ne le reconnut pas tout de suite. Le gamin avait terriblement maigri. Il portait une espèce de pyjama beige trop grand pour lui. Sa célèbre tignasse qui lui donnait continuellement l’air frondeur et renfrogné avait disparu : la tondeuse réglementaire avait dénudé son crâne rose d’adolescent qu’il caressait instinctivement comme s’il recherchait encore sa toison touffue.
Georges resta tête basse, prostré pendant les quinze minutes d’entretien. Ses quelques mots furent prononcés à voix basse comme un murmure. Tibère chercha à le rassurer. Il s’inquiéta de sa santé, de son moral, de ses occupations. Il lui dit que certes le temps lui semblera long, mais qu’il fallait qu’il en profite pour réfléchir à ce qu’il ferait dans six mois. A sa sortie, il pourrait peut-être le prendre avec lui à la quincaillerie, mais il faudra qu’il montre un peu d’ambition pour construire sa propre vie.
Georges répondit par grognements et monosyllabes sans le visage. Le temps des remontrances était passé. Tibère évita de parler des raisons de son incarcération : des bagarres de quartiers, des vols, des trafics. Il lui affirma simplement que lui, Georges valait bien mieux que « tout ça ». En partant, il lui dit que sa mère n’osait pas venir le voir. Le gamin montra enfin yeux bleus et brillants, faillit faire un effort pour dire quelque chose puis retomba dans sa léthargie.
Le maton revint en traînant les pieds et en toussant fortement. Il lui posa la main sur l’épaule et Georges disparut de la pièce, suivi de l’uniforme gris.